Immense romancier américain, dans la lignée de William Faulkner, Shelby Foote est un auteur encore assez méconnu en France. Un de ses livres les plus importants en Amérique s'appelle «Shiloh», épopée miniature qui raconte la guerre de Sécession en 200 pages à travers la voix de soldats ou lieutenants des deux camps. Chaque chapitre est ciselé à la perfection, explorant la nature humaine, l'absurdité des combats, l'étrange ivresse de la cause et la détresse inévitable devant le spectacle de la violence et la mort. Tous les paradoxes à l'œuvre dans une guerre. On pense à James Lee Burke, à William March... «Shiloh» est traduit pour la première fois en français.
*****
Shiloh est ma deuxième lecture pour le Comité de lecteurs de la bibliothèque consacré à l'Amérique de la Conquête de l'Ouest. Après L'envol du moineau, qui se déroulait dans la seconde moitié du XVIIème siècle, nous voici transporté en 1862 sur le champ de bataille de Shiloh, lieu d'une des batailles les plus meurtrières de la guerre de Sécession.
Par une nuit calme, sur le champ de bataille de Shiloh, le lieutenant Palmer Metcalfe, aide de camp du général Johnston, armée des Confédérés, rédige l'ordre de bataille, à quelques heures des affrontements. Dans l'autre camp, le capitaine Walter Fountain, armée de l'Union du Général Grant, profite de sa permanence nocturne pour écrire à sa femme. A l'heure où l'aube se lève, les premiers tirs de fusil se font entendre.
Alternent ensuite les récits de ces deux jours de bataille, affrontement majeur de la Guerre de Sécession qui fit 1 754 tués, 8 408 blessés et 2 885 disparus, rapportés par les soldats des deux armées, celle du célèbre Général Grant qui deviendra en 1869 le 18ème Président des Etats-Unis d'Amérique, et celles du Général Johnston, du Commandant Beauregard et du Lieutenant Général Forrest. Les deux camps furent bouleversés par la violence du carnage qui se déroula sous leur yeux.
Dans ce récit poignant et terriblement humain, Shelby Foote nous fait entendre le récit de cette bataille par la voix des protagonistes des deux camps, de simples soldats pour la plupart, et non des grands généraux qui tiennent habituellement la plume. Suivront ainsi la voix d'un fusilier du 6ème régiment du Mississipi, d'un artilleur du Minnesota, d'un éclaireur du colonel Forrest, puis d'une section de l'Indiana, pour revenir enfin au lieutenant Palmer Metcalfe qui a perdu son régiment et se trouve sans affectation. D'un côté, puis de l'autre, ces hommes racontent la même horreur, la même peur, le même engagement et la même discipline aussi, la défection enfin face à la terreur de ces instants, puis la honte et l'engagement aux côtés des siens. Le fait d'avoir été lui même soldat donne peut-être à l'auteur cette capacité à rendre ces instants si réels, si palpables, dans les bruits, les odeurs, les sentiments.
Jamais on ne sait bien pourquoi chacun se bat. On perçoit la fidélité à un pays, ou à des hommes rencontrés auparavant, mais pas un engagement politique et de conviction. C'est ce qui rend cette bataille, et les guerres sans doute en général, si absurde. On croise les mêmes personnages au fil des chapitres, soit qu'ils racontent eux-mêmes l'histoire, soit qu'ils sont aperçus par d'autres narrateurs quelques chapitres plus loin. C'est la construction de ce récit qui en fait toute sa richesse. Sa complexité aussi sans doute. Sans doute cette confusion entre les camps, pour une européenne au moins, contribue-t-elle à rendre cette absurdité : quel que soit le camp, la violence de la guerre est la même et le vécu des soldats aussi douloureux.
Je ne connais rien à la Guerre de Sécession, je n'avais même pas souvenir des camps et de leurs généraux. Il m'a fallu les deux premiers chapitres pour entrer dans l'histoire, et dans l'Histoire aussi, après avoir cherché quelques informations sur ce conflit. Mais je me suis vite laissée emportée par ce récit qui m'a beaucoup touchée, tant par le vécu de ses hommes que par l'écriture de l'auteur. Il me semble que ce texte mériterait d'être relu (pourquoi ne le fais-je jamais... ?) pour bien percevoir tous les croisements qui se font entre lieux de bataille et personnages.
Alors que je suis entrée un peu à reculons dans ce récit historique, en raison de son sujet naturellement, peu friande de ces scènes de guerre et peu concernée par la Guerre de Sécession, à laquelle je n'entends rien, j'ai dévoré ces 200 pages qui m'ont marquées.
Je suis depuis allée regarder sur le site internet du lieu de cette bataille de Shiloh, du nom de la chapelle qui désignera ensuite cette bataille historique, pour en savoir plus : Parc militaire national de Shiloh. Je vous invite vivement à découvrir ce fait historique, cet auteur peu connu en France et son talent de conteur.
Shiloh - Shelby Foote
Editions Payot et Rivages, février 2019, 200 pages
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire