31 octobre 2021

Cinq semaines en ballon - Jules Verne

     

Tenter de traverser l'Afrique d'est en ouest par la voie des airs, prétendre survoler dans sa plus grande largeur le dangereux continent noir à bord d'une fragile nacelle livrée à tous les caprices des vents, c'était, au temps de Jules Verne, une entreprise d'une audace incroyable. Comme on peut s'y attendre, les cinq semaines qu'il faudra au docteur Fergusson et à ses deux compagnons pour y parvenir seront pleines d'imprévu et de péripéties.
Ce roman passionnera ceux qui s'intéressent aux débuts de l'aéronautique et, en général, tous ceux qui aiment l'humour et la verve des "Voyages extraordinaires" dont Cinq Semaines en ballon ouvrait la série. Paru en décembre 1862, il eut un succès foudroyant, en France, d'abord, puis dans le monde.

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Par cette nouvelle lecture, je poursuis avec ma fille ma découverte de l'univers vernien. Alors que je n'avais jamais lu Jules Verne, auteur pourtant incontournable, je prends un grand plaisir à découvrir toutes ces aventures, ces univers et l'état des connaissances de cette époque. Car dans tous ses romans, Jules Verne mêle les récits d'aventures, les découvertes du monde du XIXème siècle et une compilation des connaissances encyclopédiques de cette époque. Dans le contrat qui le lie avec son éditeur, Hetzel, Jules Verne est en effet chargé de rendre accessible à travers ses romans, l'ensemble des savoirs de son temps. C'est ainsi que nous découvrons avec lui, dans Vingt mille lieux sous les mers, les univers sous-marins, les différentes classes des animaux aquatiques, plantes marines ou coquillages, avec De la terre à la lune, les connaissances de l'époque sur l'astre lunaire et sur les moyens techniques de propulsion, ou encore dans Le tour du monde en 80 jours les différents moyens de transport de par le monde, des plus classiques aux plus extraordinaires.

Cinq semaines en ballon est le premier roman de la série des voyages extraordinaires publiés chez Hetzel. C'est aussi le roman de sa rencontre avec l'éditeur et celui qui fera décoller sa carrière d'écrivain. Jules Verne poursuivra quarante années durant son œuvre considérable, de divertissement et de connaissance, auprès de Hetzel. Au lancement de cette première aventure, le défi lancé par le docteur Fergusson est de traverser l'Afrique d'Est en Ouest. Il souhaite consolider les démarches engagées par de nombreux explorateurs avant lui, tel le missionnaire Livingstone, qui s'aventurent toujours plus loin dans le continent noir, au péril souvent de leur vie.

Mais pour cette aventure, le docteur Fergusson dispose d'un moyen de locomotion particulier et qui le protégera des rencontres dangereuses, humaines ou animales... un ballon. 5 semaines de traversée sont prévues. Fergusson emmène dans ses bagages, comme souvent avec Jules Verne, son domestique, le fidèle Joe, et un ami très cher, le chasseur écossais Dick Kennedy. Et les voilà tous trois au départ de Zanzibar en direction des sources du Nil pour arriver ensuite sur la côte ouest de l'Afrique, à l'endroit où le vent voudra bien les porter. Les 3 explorateurs découvriront, d'abord tranquillement dans leur aérostat, le lac Tanganiyka, les montagnes aurifères près du peuple Nyam-Nyam, puis un désert torride qui menacera leur vie, le lac Tchad au-dessus duquel ils vivront de nouvelles péripéties avant de rejoindre Tombouctou puis le Sénégal, terme de leur voyage. Si tout commençait bien et paisiblement, le voyage du lecteur est émaillé de nombreuses rencontres et aventures qui mettent un peu de piment au récit. Les animaux, plus ou moins dangereux, les populations autochtones, terrorisées par cet engin volant non identifiés, qui prennent ses passagers parfois pour des envoyés de la lune et toujours pour une menace qu'ils tentent de combattre, les vents contraires, les déserts brûlants de l'Afrique consommant leurs dernières gouttes d'eau, les hautes montagnes parfois difficiles à survoler, les oiseaux qui défendent leur territoire contre le ballon... toutes ces rencontres et ces incidents permettent de goûter avec plaisir cette nouvelle aventure.
D'ailleurs, dit Kennedy, cela sera peut-être une fort ennuyeuse époque que celle où l'industrie absorbera tout à son profit ! A force d'inventer des machines, les hommes se feront dévorer par elles ! Je me suis toujours figuré que le dernier jour du monde sera celui où quelque immense chaudière chauffée à trois milliards d'atmosphères fera sauter notre globe ! Et j'ajoute, dit Joe, que les Américains n'auront pas été les derniers à travailler à la machine.
Si on y retrouve ce qui fait le charme des voyages extraordinaires de Jules Verne, c'est aussi la première fois dans ce livre que je prends vraiment conscience de l'époque dans laquelle il a été écrit. Le fait que le récit se déroule en Afrique ne fait qu'accentuer ce décalage avec notre monde actuel. A l'époque où la traite négrière vient tout juste d'être abolie, de même que l'esclavage, les peuples africains y sont perçus comme des sauvages cannibales, que l'on distingue à peine des singes. Nous avions déjà rencontré quelques Nègres dans les précédents récits de Jules Verne, mais celui-ci est singulier sur ce point. Par ailleurs, le chasseur Dick Kennedy fait aussi de cette aventure l'occasion d'un safari exotique, ne boudant pas son plaisir de chasser le fauve et l'éléphant du haut de sa nacelle protectrice. Inutile de s'offusquer de cette vision du monde d'un autre temps... mais elle bouscule quand même et nous montre le chemin parcouru depuis le milieu du 19ème siècle, même si notre plus grande vigilance reste nécessaire.

Ce premier des 68 récits qui composeront les Voyages extraordinaires n'est pas, je trouve, le meilleur de Jules Verne, mais il donne une vision des connaissances, des explorations, des mœurs et des représentations d'une époque très instructives.

Et pour finir, une petite énigme très réjouissante :
Ce savant lui proposa même un jour de résoudre le problème suivant, dans le but de lui être agréable : Etant donnée le nombre de milles parcourus par le docteur autour du monde, combien sa tête en a-t-elle fait de plus que ses pieds, par suite de la différence des rayons ? Ou bien, étant connu ce nombre de milles parcourus par les pieds et par la tête du docteur, calculer sa taille exacte à une ligne près ?

J'attends vos propositions !

Cinq semaines en ballon, un incontournable récit d'anticipation, à faire découvrir à vos enfants, avec la vraie langue de Jules Verne, même s'ils ne comprendront pas toujours tous les mots.

Cinq semaines en ballon, Jules Verne
Editions Famot, 1979.



D'autres avis dans la Bibliothèque de Loki, ou chez Sir This and Lady That.





4 commentaires:

  1. J'ai lu une cinquantaine de romans de Jules Verne. Celui-ci fait partie de mes préférés avec un roman inconnu "Petit bonhomme".

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    1. Comme quoi ;-)
      Pour le moment, ma préférence va vers Le Chancellor. On verra dans 40 titres :-D !

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  2. Autres temps, autres moeurs ! Pourvu que certains ne veuillent pas réécrire Jules Verne !

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    1. En effet !
      Cette lecture nous a valu quelques discussions avec ma fille : une bonne occasion. Rien ne vaut la pédagogie.

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