20 novembre 2021

Le cercueil de Job - Lance Weller

   

Alors que la Guerre de Sécession fait rage, Bell Hood, jeune esclave noire en fuite, espère gagner le Nord en s’orientant grâce aux étoiles. Le périple vers la liberté est dangereux, entre chasseurs d’esclaves, combattants des deux armées et autres fugitifs affamés qui croisent sa route. Jeremiah Hoke, quant à lui, participe à l’horrible bataille de Shiloh dans les rangs confédérés, plus par hasard que par conviction. Il en sort mutilé et entame un parcours d’errance, à la recherche d’une improbable rédemption pour les crimes dont il a été le témoin. Deux destinées qui se révèlent liées par un drame originel commun, emblématique d’une Amérique en tumulte.
Doté d’un souffle épique qui emporte tout sur son passage, Le Cercueil de Job est un somptueux roman qui rend justice aux plus beaux espoirs humains.

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Ma nouvelle lecture sur le thème choisi pour la prochaine rencontre du Comité des lecteurs de la bibliothèque, La conquête de l'ouest, m'a de nouveau conduite sur les champs de bataille de la guerre de Sécession, de Shiloh en 1862 au massacre de Fort Pillow deux ans plus tard.

Ce roman est le récit de deux destins que tout oppose, mais dont les trajectoires se croisent et se recroisent au fil de ses 480 pages. Il y a tout d'abord Bell Hood, une jeune esclave noire qui n'a pas 16 ans, fuyant la propriété à laquelle elle appartenait, après avoir assisté à la pendaison de son père. Accompagnée de Dexter dans la première partie du livre, puis de January June ensuite, la jeune fille pleine de courage et de volonté, avance en pleine nuit, au cœur des forêts, suivant le fleuve et se guidant grâce à un groupe d'étoiles, Le cercueil de Job. Il y a ensuite Jeremiah Hoke, un jeune homme blanc, qui fuit également la ferme où son père était contremaître et responsable de esclaves. Enfant du Sud, Hoke se trouve naturellement du côté des Confédérés lors de la bataille de Shiloh. Sauf que s'il est bien là physiquement, sa perception du monde et son regard sur les Noirs et les esclaves le rapprocheraient plus du camp de l'Union de Lincoln.

Nous assistons donc, par cette alternance de chapitres mettant en scène une fois Bell Hood et une fois Hoke, aux moments forts de ces 2 années de guerre. Si les récits ne se déroulent pas sur la même temporalité, leurs chemins et leurs histoires se croisent sans cesse, tandis que le destin fini par les rapprocher. A travers les temps forts historiques de la Guerre de Sécession, Lance Weller nous donne à lire de la vie des américains des années 1860. Le lecteur y (re)découvre la vie des esclaves noirs dans les fermes des états du Sud mais aussi les motivations des Blancs durant cette période, où l'on constate combien rien n'est soit blanc soit noir. Il y a ceux du Sud qui se battent pour leur indépendance sans avoir vraiment de point de vue sur l'esclavage, ceux qui ne considèrent pas les Nègres comme des Hommes à part entière, ceux du Sud qui souscrivent aux arguments de l'Union, ceux du Nord qui capturent les esclaves en fuite ou affranchis pour les renvoyer d'où ils viennent ou pour en faire des prises de guerre qu'ils peuvent exploiter à leur tour... Il y a Lincoln, loin de la vie quotidienne de ces populations et de ces batailles.

Lance Weller n'en reste pas à la question de l'esclavage puisqu'il dresse le portrait complet et subtil de l'Amérique de cette époque : la misère dans les fermes, les armées qui traversent constamment le pays et qui errent sur les routes et les chemins, les combats ou escarmouches incessantes à travers ces états, la peur constante d'être arrêté, tué, volé ou violé, des scènes de violence inouïes sur les champs de batailles ou dans les fermes esclavagistes...Cette seconde moitié du XIXème siècle témoigne aussi des progrès des chemins de fer, avec les traditionnelles citernes d'eau de tout bon western, ou de la photographie bourrée de produits chimiques mortels.

Si le roman est globalement sombre et violent, Lance Weller distille de beaux moments de grâce et d'espoir, grâce à ses personnages et à leur confiance en l'avenir. La nature également, très présente dans ce récit, mêle cette pesanteur et cette noirceur de l'époque ,à la douceur des alysses ou des lotus jaunes qui permettent de détourner le regard de l'horreur.

Pour ma part, j'ai aimé découvrir ce pan d'Histoire, malgré sa violence sidérante, suivre le parcours de Bell Hood et de Hoke, découvrir leurs forces et leur générosité, partager leurs doutes, leur colère et leur honte. J'aime les récits historiques parce qu'ils mêlent la petite et la grande histoire. Cependant, parce qu'il y a un mais..., j'ai trouvé des longueurs dans ce roman. Particulièrement certains chapitres de Bell Hood, dans la seconde moitié du livre. Par ailleurs, la chronologie du récit n'est pas toujours facile à suivre, puisque nous suivons Bell Hood sur 2 mois et Hoke sur deux ans et que les deux histoires se croisent souvent... Cet aspect m'a un peu agacée parce que je n'aime pas trop me perdre dans les récits. Cette grande fresque historique m'a semblé parfois manquer de souffle et peiner à rebondir.

En conclusion, j'en garderai un avis mitigé. Et sans doute le fait d'avoir lu le Shiloh de Shelby Foote auparavant n'a rien arrangé. Ce récit également réaliste de la bataille de Shiloh, avec une succession de portraits de protagonistes des deux camps, dont les histoires se recoupent aussi, n'était pas non plus facile à lire. Et je l'ai pourtant beaucoup aimé. Peut-être ses 280 pages de moins y sont-elles pour quelque chose... Moins de sujets sont traités mais l'ensemble me semble beaucoup plus efficace.

Le cercueil de Job - Lance Weller
Editions Gallmeister - septembre 2021 - 480 pages





   


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