28 avril 2020

Diotime et les lions - Henry Bauchau

 

A travers la lutte avec les lions, dans l'ivresse du combat et dans la prédilection que lui témoigne son grand-père, c'est aux plus troublants interdits que Diotime est confrontée. Mais sur la peur, le désir, la sauvagerie, la transgression, la violence de la féminité, Henry Bauchau projette la lumineuse sagesse de l'Orient. De sorte que son récit - mince et pourtant inépuisable - semble se jouer de la transparence des mots pour mieux atteindre à l'essentiel. L'histoire de Diotime se lit comme une aventure, et elle rayonne comme une parabole.

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Je ne connais pas bien cet auteur belge pourtant prolifique. Je l'ai découvert il y a 7 ans (! - je suis toujours surprise en recherchant d'anciens billets de constater que le temps passe si vite… et que certains livres restent si frais en ma mémoire) avec Antigone. J'en garde un très beau souvenir, celui d'un récit puissant et d'une écriture forte et poétique. C'est donc avec gourmandise que je me suis plongée dans ce nouveau récit inspiré de personnages de la mythologie grecque.

J'ai eu le plaisir de retrouver la plume vivace de Henry Bauchau, précise et ciselée, qui va droit à l'essentiel. J'ai adoré retrouver des personnages de caractère, comme Diotime, une jeune femme pleine de vie et de courage, qui s'affirme dans le milieu masculin de la chasse et du combat. Sa vivacité d'esprit et son énergie nous la rende sympathique. Proche de son grand-père et de son père, avec qui elle partage le goût pour les mystères, les légendes du clan et pour la chasse, les grandes chevauchées à travers la brousse ou la forêt, elle n'en reste pas moins proche de sa mère et de sa sœur avec lesquelles elle partage un quotidien paisible, fait de chants, de travaux d'aiguilles et de promenades dans les jardins.

J'ai beaucoup apprécié également le côté onirique du récit, ce combat annuel féroce avec les lions, ancêtres du clan de Cambyse, le grand-père de Diotime. Les moments de fête qui s'ensuivent sont également savoureux, avec leur mélange de danse, de désir et de sauvagerie : on y rencontre une Diotime ardente, consciente de son pouvoir de séduction sur les hommes du clan.

Ce petit texte, de 65 pages à peine, est très riche de symboles et d'émotion. Mais (parce qu'il y a quand même un mais…) il m'a manqué des pages pour y prendre vraiment plaisir. Même si le texte est fort, il est trop court pour s'y plonger entièrement : on a déjà tourné la dernière page que l'on commence tout juste à s'attacher à Diotime. C'est dommage. Mais ces quelques pages m'ont redonnées envie de découvrir d'autres écrits d'Henry Bauchau. Mais il va me falloir attendre.

Dans mon plus lointain souvenir, je vois toujours mon grand-père Cambyse arriver chez nous au galop, son faucon sur le poing, suivi de serviteurs armés. Il salue ma mère avec beaucoup de respect, inspecte tout comme s'il était chez lui et s'en va, tourbillon de poussière, dans un tumulte de chevaux. Mon père, Kyros, que j'admirais tant et qui avait commandé une flotte et gagné des batailles sur l'océan des Indes, semblait parfois interdit et presque effrayé en sa présence. Tous redoutaient Cambyse, tandis que moi, sans doute parce que je ressemble à sa mère, je n'ai jamais eu peur de lui.
J'étais seule un matin avec une jeune servante, Cambyse est survenu. Etincelant, sur son cheval couvert d'écume dont il n'avait pas daigné descendre, il nous observait d'un œil sévère. J'étais toute petite, j'ai été éblouie, j'ai couru vers lui en demandant : "A cheval, à cheval avec toi !" Ma confiance à fait rire cet homme sauvage, elle l'a peut-être touché. Il m'a saisie par le cou et juchée devant lui sur sa selle. Nous sommes partis au galop, entourés par ses gardes et ce qui n'était pour lui qu'une chasse après tant d'autres a été pour moi l'ivresse, l'invention de la vie.

Diotime et les lions - Henry Bauchau
Editions Actes Sud - Babel - 1ère édition août 1997 - 65 pages




3ème lecture du Mois Belge


3ème sortie de PAL


7 commentaires:

  1. J'ai découvert cet auteur avec L'enfant bleu, qui m'a profondément émue, puis avec Le boulevard périphérique, beaucoup aimé aussi. J'ai sur mes étagères un coffret qui regroupe ses Antigone, Oedipe sur la route et Diotime et les lions, toujours pas lus, et qui m'effraient un peu, je dois dire. j'ai commencé à feuilleter Antigone, qui m'a semblé assez complexe...

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    1. J'ai été passionnée par Antigone : magnifiquement écrit. Il ne faut pas hésiter !

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  2. Je ne crois pas que j'ai lu ce livre en fait, il faudrait que je vérifie dans ma bibli. Merci pour ton billet en tout cas.

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  3. Je le lirai pour finir la triologie, sans en attendre de trop.
    On y croise des personnages des autres opus ?

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    1. Il ne me semble pas. J'ai lu quelque part qu'on y retrouvait Antigone… moi, je n'y ai croisé que Diotime, son père et son grand-père ;-)

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  4. J'ai trouvé cette lecture sympa. C'était pour moi une bonne prise de contact avec cet auteur.

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  5. Ce n'est pas le livre qui m'a le plus marqué de Bauchau. Son Antigone est tellement puissant.

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