A la fin de la guerre civile espagnole, l'écrivain Rafael Sânchez Mazas, un des fondateurs de la Phalange, réchappe du peloton d'exécution des troupes républicaines défaites qui fuient vers la frontière française. Un soldat le découvre terré derrière des buissons et pointe son fusil sur lui. Il le regarde longuement dans les yeux et crie à ses supérieurs : "Par ici, il n'y a personne !"
Là valeur qu'il entrevoit au-delà de l'apparente anecdote historique pousse un journaliste, soixante ans plus tard, à s'attacher au destin des deux adversaires qui ont joué leur vie dans ce seul regard.
Il trace le portrait du gentilhomme suranné rêvant d'instaurer un régime de poètes et de condottieres renaissants, quand surgit la figure providentielle d'un vieux soldat républicain. L'apprenti tourneur catalan, vétéran de toutes les guerres, raconte : les camps d'Argelès, la légion étrangère, huit années de combats sans relâche contre la barbarie fasciste. Serait-il le soldat héroïque ? L'homme laisse entendre que les véritables héros sont tous morts, tombés au champ d'honneur, tombés surtout dans l'oubli ; que les guerres ne seraient romanesques que pour ceux qui ne les ont pas vécues.
Ce livre, qui a bouleversé l'Espagne, entreprend une carrière internationale sans précédent.
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Deuxième lecture pour le prochain Club de lecture de la Bibliothèque Libre Cour sur le thème des auteurs espagnols contemporains. Une chose est sûre : je n'aurais pas choisi cette lecture de moi-même. Le sujet ne me parle pas, je ne connais rien à la guerre d'Espagne, à la Phalange… Je suis curieuse de récits historiques mais je me sens un peu loin de ce thème précis.
Le récit est construit en trois parties. Dans la première, l'auteur et journaliste Javier Cercas rencontre l'histoire de Rafael Sanchez Mazas au cours d'une discussion avec le fils de ce dernier, l'écrivain Rafael Sanchez Ferlosio. Dans la seconde, l'auteur nous fait le récit biographique du fondateur de la Phalange, organisation politique espagnole nationaliste fascisante. Enfin, dans la troisième partie de ce récit réel, tel que le présente l'auteur, nous rencontrons Miralles, un soldat espagnol de l'armée républicaine qui, après avoir combattu dans son pays, a rejoint les Forces françaises libres et combattu sous le commandement du Général Leclerc, en Afrique puis en France, après un passage par l'Angleterre. Il a ainsi été mobilisé 7 à 8 années durant, pour finir défiguré, à la fin de la guerre alors que Paris était déjà libéré, après avoir marché sur une mine.
Pour tout vous dire : heureusement qu'il y a eu cette troisième partie ! L'auteur avait le pressentiment que son livre aurait été bancal sans ce contrepoint à l'histoire de Rafael Sanchez Mazas. Et je partage son avis. Pendant toute la première partie du récit, je me suis demandée ce qui avait conduit l'auteur à écrire sur cet homme, écrivain, journaliste espagnol, membre fondateur de la Phalange. A plusieurs reprise, j'y lisais une forme d'admiration pour ce courant politique qui voulait se distinguer des fascismes allemands ou italiens, tout en défendant une culture bourgeoise et intellectuelle du passé contre la menace communiste de l'époque. On se rend compte finalement qu'il n'en est rien, mais il m'a fallu attendre un moment avant d'en avoir la certitude.
En fait, ce qui a déclenché chez Javier Cercas l'envie d'écrire ce livre, c'est l'épisode du Monastère Santa Maria del Collel où Sanchez Mazas est envoyé début 1939 avec une cinquantaine d'autres détenus pour y être exécuté. Sauf que dans la confusion du moment, Rafael Sanchez Mazas parvient à s'enfuir. S'ensuit une chasse à l'homme au cours de laquelle le fuyard est repéré mais pas dénoncé. Le soldat républicain regarde le fondateur de la Phalange droit dans les yeux, mais lui laisse la vie sauve. C'est pour essayer de comprendre ce qui s'est passé sur le Collel que Javier Cercas écrit ce livre.
A la fin du livre, et en contrepoint à cette biographie d'un homme semble-t-il assez lâche et passif, l'auteur nous présente Miralles, un soldat anonyme qui fut de toutes les guerres, traversant l'Afrique à pieds, de long en large et de haut en bas, pour défendre des valeurs démocratiques et qui fut de ceux qui permirent de sauver la France et de faire en sorte que nous vivions aujourd'hui dans une Europe en paix et démocratique. J'ai beaucoup aimé ce dernier récit.
"Les véritables héros sont tous morts, tombés au champ d'honneur, tombés dans l'oubli surtout."
Un mot du style de l'auteur quand même, qui a failli me faire abandonner ma lecture à plusieurs reprises. Javier Cercas nous offre ce qu'il appelle un récit réel. C'est à dire qu'il nous raconte sa recherche, ses hésitations, ses doutes, sa vie avec une certaine Conchi dont il ne semble pas très fier. Enfin, les recherches et doutes du journaliste prénommé Javier Cercas… qui n'est peut-être pas l'auteur lui-même. J'ai trouvé insupportable de devoir assister à tous ces rendez-vous et entretiens avec des protagonistes de l'histoire : savoir ce qu'ils buvaient dans le Bistrot, comment ils mangeaient et le menu qu'ils avaient choisi... n'apporte rien au récit et m'a profondément ennuyée.
La biographie de la seconde partie aurait été suffisante. Mais n'aurait sans doute pas apporté grand chose par rapport aux livres déjà écrits semble-t-il sur ce sujet. La mise en perspective de ces deux parcours, celui de Sanchez Mazas et celui de Miralles est elle très intéressante et révélatrice : peut-être aurait-il été plus efficace de construire un texte où ces deux récits alternent, montrant la contradiction entre les discours des uns et les actions des autres.
"Je revis Miralles marchant avec le drapeau de la France libre à travers l'infini sable ardent de Lybie, marchant vers l'oasis de Murzuch, alors qu'au même moment, sur cette place de France et sur toutes les places d'Europe, les gens vaquaient à leurs occupations sans savoir que leur destin et celui de la civilisation qu'ils avaient reniée dépendaient de ce que Miralles continuât à marcher de l'avant, toujours de l'avant."
Si vous plongez dans ce récit, je vous conseille de vous renseigner un peu avant sur l'histoire de l'Espagne des années 1940 et des personnages marquants de l'époque : histoire de ne pas être perdue comme j'ai pu l'être parfois.
Les soldats de Salamine - Javier Cercas
Le livre de Poche - 2016 - 282 pages
D'autres avis sur Mes belles lectures, Le blog de mimi, Livres de cœur, chez Claudia Lucia ou encore Sébastien Fritsch.
2ème lecture du Comité des Lecteurs - avril 2020 |
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