04 octobre 2018

La faculté de l'inutile - Iouri Dombrovski

Il est rare que je relise un livre. Non pas parce que je n'aime pas lire deux fois la même histoire, je ne me souviens que très rarement de ce que j'ai lu 6 mois plus tôt. Mais plutôt parce que je crains d'être déçue par un livre que j'aurais aimé, ou parce que je n'ai aucunement l'intention de me replonger dans l'un de ceux que je n'ai pas aimé. Comme toute règle a une exception, j'ai donc ressorti ce titre, lu il y a de nombreuses années… 25 ans peut-être. C'était pour la première rencontre de l'année du Comité des lecteurs de la bibliothèque, où nous étions invités à présenter nos coups de cœur, nos petites madeleines, les livres qui nous ont conduits à la littérature. Ce titre me suit depuis toutes ces années, l'un des rares dont je me souvienne du titre et du nom de l'auteur. J'étais impatiente de partager ma madeleine avec les membres du Comité de lecteurs.

La faculté de l'inutile - Iouri Dombrovski.
Éditions Le livre de poche, octobre 1983, 575 pages.



Présentation de l'éditeur :

Dombrovski a vécu presque la moitié de son existence dans les prisons et les bagnes staliniens quand il s’'atèle à « La faculté de l'’Inutile ». Un roman insolite et profond, « Le conservateur des antiquités », venait de le rendre célèbre. Il se retire du monde pour écrire ce livre où il veut communiquer l’'expérience et les réflexions de toute une vie. Il va y consacrer plus de dix ans.
Le manuscrit achevé attend dans des planques sûres : un jour peut-être, les temps changeront ; il pourra être publié. Mais le KGB sait forcer les tiroirs les plus secrets, et l'’œœuvre, alors sera anéantie. Mais les années fuient, et l’'auteur va entrer dans sa soixante-dixième année. Comme on lance une bouteille à la mer, il se résout à faire sortir des frontières ce livre testament. Il meurt sans l'avoir vu paraître.
Or c’'est un très grand livre. Sur un argument qui fut du vécu, sa deuxième arrestation à Alma-Alta en 1937, Dombrovski a bâti une œœuvre monumentale : un panorama de l’'univers carcéral et concentrationnaire, qui montre aussi l’'appareil de répression policière dans son fonctionnement quotidien ; la fresque d'’une société schizophrénique, pourrie par l'’idolâtrie et par la délation ; une analyse du stalinisme en tant que destruction des valeurs multimillénaires de la culture ; et une leçon de délivrance à partir d'’une méditation poignante sur la Passion du Christ. Roman de l’'horreur et du pardon, roman rigoureusement historique où Jésus à même réalité que Staline, ses victimes et leurs bourreaux, roman de la misère et de la grandeur du roseau pensant, « La faculté de l'’Inutile » a une résonance universelle. Par le miracle d’'une écriture qui oblige à participer, un enfer d'’il y a plus de quarante ans cesse d’'être celui des autres pour concerner tous les hommes d'’aujourd’hui dans toutes les nations.
Parmi les œœuvres suscitées par la terreur qu'’on appelle stalinienne, « La faculté de l'’Inutile » est sans doute le chef-d'’œœuvre qui résistera à l’'érosion du temps.


Ma lecture :

Il y avait une bonne raison finalement à ne pas relire deux fois un même livre… Je ne comprends pas un tel écart entre deux lectures. Ce livre que j'ai placé sur un piédestal pendant toutes ces années, m'est finalement tombé des mains. Sans doute ne l'ai-je pas lu au bon moment. Je l'ai entamé à la fin de mes vacances estivales… et l'ai terminé la semaine dernière ! 4 semaines, à coup de 4-5 pages à chaque pause lecture. Ce texte d'une très grande richesse nécessite qu'on l'aborde l'esprit disponible.

Au cours de ces 575 pages, nous découvrons les méandres du pouvoir répressif soviétique en vigueur en 1937. Ce livre m'a fait songé à Maîtres et esclaves, le dernier livre de Paul Greveillac. Nous y découvrons les absurdités et la violence du régime communiste, en Chine ou en Union Soviétique, le pouvoir qui contrôle d'une main de fer ses citoyens, par voie de propagande en Chine et par des interrogatoires interminables en Union Soviétique, la prison ou le goulag, sans que les accusés ne sachent jamais réellement ce qui leur est reproché. La faculté de l'inutile, c'est l'université de droit, matière effectivement inutile en Union Soviétique à cette période (notamment ?). Avec Zybine, archéologue, nous assistons à des procédures kafkaïennes, des interrogatoires hallucinants où l'institution cherche à faire avouer des accusés qui ne savent pas pourquoi ils sont là.

Autour de Zybine, gravitent des proches et collègues qui viennent témoigner. Certains cherchent à le défendre, creusant sa tombe en tentant de produire un témoignage à décharge, ou s'incriminant eux-mêmes. Difficile de témoigner dans une affaire où le chef d'accusation est inconnu ! On assiste à des chefs d'œuvre de manipulation où l'objectif est de faire tomber autrui pour retarder le moment où l'on sera arrêté soi-même. Personne ne peut avoir la certitude de ne pas devenir l'ennemi du peuple au nom duquel l'autorité dit agir. Pour se protéger, chacun louvoie en espérant suivre dans le bon chemin. Rien n'est fluide, rien n'est tranché, le lecteur avance au cœur d'un labyrinthe espérant un jour trouver le fil d'Arianne. Sauf que cette fois-ci, je me suis perdue. J'ai eu du mal à trouver le fil rouge de ma lecture et me suis noyée dans les trop nombreux discours intérieurs des acteurs de ce récit, dans des dialogues intellectualisant les rouages du pouvoir. Le summum a quand même été ce passage, long, transcrivant un dialogue entre Kornilov et le Père André autour de la Passion du Christ et la trahison de Pilate. On perçoit bien les parallèles avec le système des délations staliniennes où il s'agit de trahir avant d'être soi-même trahi. Mais là encore, j'ai lâché le fil et me suis perdue.

Il s'agit là d'un récit très touffu, balayant ce qui fait la dictature stalinienne, dans toute son absurdité et sa terreur : la présence d'indicateurs, la délation par vocation ou par peur, les mouchards, moutons, les instructeurs, les juges, gardiens de prison et de camp, bourreaux et tortionnaires… la palette est infinie. Et au cœur du système, le citoyen lambda qui se sait pas ce qui lui est reproché et ne comprend pas plus pourquoi il est libéré. En grande partie autobiographique, ce récit est le témoignage d'une terreur d'Etat intemporelle. Un beau récit sûrement, mais que je n'ai pas su apprécier cette fois-ci. Et je le regrette d'autant plus que son souvenir me suit depuis si longtemps. Voilà une expérience qui ne me donnera pas l' envie de relire un livre à l'avenir.

Voilà aussi un livre qui semble incontournable mais sur lequel je n'ai pas trouvé de critiques (au sens d'avis, de commentaires). Un livre auquel les lecteurs ont attribué 5 étoiles (sur 5) sur Babelio, mais pour lequel aucun avis n'est enregistré. Si vous l'avez lu, je serais curieuse d'avoir votre avis. Si ce n'est pas le cas, découvrez le à un moment où vous êtes pleinement disponible pour en apprécier la qualité. De mon côté, je n'ai même pas pu le partager avec le Comité des lecteurs pour lequel je me suis replongée dans cette lecture, n'ayant finalement pas pu me rendre disponible pour y participer. Il y a des fois où on ne devrait pas s'entêter !






2 commentaires:

  1. Au moins, cela fait un ouvrage de moins dans ta PAL.

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    1. Sûr, il faut toujours voir le bon côté des choses… Mais qu'est-ce que je suis déçue !

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