20 février 2018

L'obscure clarté de l'air - David Vann

Voici ma 4ème lecture tirée de ma PAL pour cette année 2018. Il s'agit d'un choix partagé avec Maryline de Lire & Merveilles. Nous avons eu un peu de mal à nous tenir à nos échéances, et moi d'abord. Premièrement parce que je n'étais pas partie sur le bon livre... et ensuite et surtout, parce que j'ai eu terriblement de mal à me plonger dans ma lecture. Qu'est-ce que j'ai souffert avec le style de l'auteur ! Je n'étais pas vraiment dedans et son écriture aurait pu me faire abandonner 100 fois. Mais comme c'était une lecture commune, je me suis accrochée. Comme j'étais en retard... j'ai englouti les pages. Et grand bien m'en a pris !!! Une fois le style adopté, on se laisse transporter au cœur de cette tragédie grecque particulièrement cruelle.
L'obscure clarté de l'air de David Vann.
Éditions Gallmeister, 05 octobre 2017, 272 pages.


Présentation de l'éditeur :

“Née pour détruire les rois, née pour remodeler le monde, née pour horrifier et briser et recréer, née pour endurer et n’être jamais effacée. Hécate-Médée, plus qu’une déesse et plus qu’une femme, désormais vivante, aux temps des origines”. Ainsi est Médée, femme libre et enchanteresse, qui bravera tous les interdits pour maîtriser son destin. Magicienne impitoyable assoiffée de pouvoir ou princesse amoureuse trahie par son mari Jason ? Animée par un insatiable désir de vengeance, Médée est l’incarnation même, dans la littérature occidentale, de la prise de conscience de soi, de ses actes et de sa responsabilité.


Ma lecture :
"Son père, un visage doré dans la pénombre. Apparaissant à la lueur des torches au-dessus de l’eau puis s’éclipsant à nouveau. Le visage du soleil, un descendant du soleil. Trahison et rage. Quatre plumets le long de son masque, une dispersion de lumière, une sorte de crinière. Son bouclier de maintes peaux tannées, une obscurité creuse. Sa lance grise, une ligne mince puis disparue. La voile au-dessus de lui gonflée comme la panse d’un bœuf devenu aussi immense qu’un dieu, ses sabots évoluant dans l’eau sans émettre le moindre son."

Ainsi débute le récit de Médée, fille de Eétès, roi de Colchide et de Idyie, qui aide Jason à s'emparer de la toison d'or appartenant à son peuple. Charmée par Jason, Médée aide les Argonautes à voler ce cadeau fait par Phrixos à Eétès. Celui-ci, furieux de la trahison de sa fille, la poursuit à travers les océans. Pour garder son père à distance, Médée tue son frère, le découpe en morceaux qu'elle jette dans la mer et que son père les repêche les uns après les autres. Il s'agit là du premier meurtre commis par Médée, qui impressionnera les Argonautes autant qu'elle les terrorisera.

L'écriture est ardue, ou peut-être seulement inhabituelle. Cette succession d'assertions sans verbe ou sans sujet m'a troublée. J'ai vraiment eu du mal à prendre le rythme de la lecture. De plus, la première partie du récit se passe sur les mers, où les Argonautes cherchent à échapper au père de Médée, mais où il ne se passe pas grand chose. Dans cette première partie, David Vann dépeint le personnage de Médée. Le lecteur rencontre une femme complexe, qu'il a du mal à situer entre la folie et la violence d'un côté, les ténèbres et les superstitions, et, de l'autre, un féminisme et un rationalisme très contemporain.

Une fois apprivoisée l'écriture de David Vann, j'ai pris plaisir à suivre le parcours terrifiant de Médée à travers le monde antique. Eprise de liberté et de pouvoir, rationnelle mais usant et abusant des croyances de son temps pour soumettre les hommes qui l'entourent, Médée rêve de devenir la reine-pharaon de l'Egypte antique qu'est Hatchepsout. Médée aspire à un autre destin que celui des femmes de son temps, soumises aux hommes et à leurs enfants, enfermée au sein du foyer, sans droits ni pouvoir. Elle s'appuie sur les superstitions de ses concitoyens pour terroriser les Argonautes, et Jason en particulier, qu'elle a finit par épouser.

Médée rajeunissant le bélier


Mais le lecteur perçoit bien dans ce récit que le pouvoir acquis par la terreur ne peut être durable et solide. Crainte par les hommes, Médée n'est pas pour autant respectée. Et de retour à terre, ils finiront par remettre en question son pouvoir et par l'asservir, de même que Jason. Si ce dernier semble se satisfaire de la situation, Médée, rusée et cruelle, trouvera le moyen de s'échapper, accompagnée de son mari et de ses enfants. Mais la confiance de Jason en Médée est perdue (si tant est qu'elle ai existé un jour) et Médée se trouvera toujours plus isolée, poussée dans ses retranchements, entraînée dans les dernières extrémités de la violence.

J'ai trouvé ce portrait de femme particulièrement fort et violent, alternant toujours entre revendications légitimes et folie meurtrière. Médée avait-elle le choix ? Pouvait-elle s'extraire de sa condition de femme de la Grèce antique et acquérir le pouvoir sans faire preuve de cette violence ? L'auteur décrit d'ailleurs très bien le mâle guerrier de ce temps, qui tue avant de vérifier qu'il s'agit bien d'un ennemi. Quand la violence témoigne de la puissance et du pouvoir des hommes, elle est la marque de la folie chez les femmes.

Quant au dernier acte de Médée dans ce texte... acte d'amour ou de folie ? Elle est partie trop loin pour pouvoir se contenter d'une vie ordinaire, et son périple tournera au drame.

Un conseil : lisez ce livre l'esprit disponible... ou accrochez-vous. Mais ne passez pas à côté, c'est un récit remarquable. Merci Maryline d'avoir partagé cette lecture avec moi : je n'aurai sûrement pas été au bout sans cette lecture commune. Vous trouverez bientôt son billet sur Lire & Merveilles.

D'autres avis tout aussi enthousiastes chez Lili Galipettes, Nicolas Elie,  Sandra de Bibliblog, Eimelle ou encore Léa Touch Book.




   









3 commentaires:

  1. Malgré tout le bien que tu en dis, je ne suis pas tenté épar le style de l'auteur.

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    1. Effectivement, il faut s'accrocher. S'il ne s'était agit d'une LC, je pense que j'aurais abandonné. Ca aurait été une erreur ;-) Je pense que je tenterai une nouvelle lecture de cet auteur. A un moment où j'aurai l'esprit disponible !

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  2. Ah mince pour le style, parce que le thème m'intéresserait ! Bravo à toi d'avoir persévéré parce que ce n'est pas facile quand une lecture est une épreuve.

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