15 février 2018

A l'angle du renard - Fabienne Juhel





Après avoir refermé La chaise numéro 14 de Fabienne Juhel, je me suis promis de la relire très vite. J'avais acheté A l'angle du renard dans la foulée... c'était il y a deux ans. J'avais été séduite par son écriture, touchante et empreinte de poésie. C'est donc avec beaucoup d'attentes que j'ai ouvert ce récit et suis partie à la rencontre de ce paysan breton. Et je n'ai pas été déçue : j'y ai retrouvé l'univers enveloppant des campagnes bretonnes, un monde paysan taiseux, qui s'affronte ici avec la modernité. Fabienne Juhel nous entraîne dans l'histoire troublante et déstabilisante de Arsène Le Rigoleur, vieux gars attaché à sa ferme, qui se lie d'amitié avec la petite Juliette, sa nouvelle voisine, âgée de 5 ans ayant des allures de "feu follet".

A l'angle du renard de Fabienne Juhel.
Éditions du Rouergue, 2009. Lu chez Actes Sud, Babel, 256 pages.




Présentation de l'éditeur :

Arsène Le Rigoleur est un paysan d'une quarantaine d'années qui vit en Bretagne intérieure, ancré à sa terre et, sous des dehors frustes, rusé comme un renard. Son village, c'est son territoire, et gare à ceux qui viendraient fouiner dans ses histoires. Ce n'est pas d'un bon œil qu'il observe l'installation dans la ferme voisine des Maffart, des gens de la ville venus avec leurs enfants, une gamine aux allures de feu follet flanquée de son petit frère, un rouquin mutique.
Faudrait pas trop lui tourner autour, au Rigoleur, car il est de la race des renards : depuis sa tanière il surveille son aire de chasse et règle ses comptes à sa façon, comme il l'a toujours fait...
Inquiétant comme un conte, mâtiné à la fois de naturalisme et d'onirisme, le roman singulier de Fabienne Juhel explore un territoire imaginaire qui prend corps par la poésie d'une langue âpre, ironique et violente.


Ma lecture :


Il ne faut pas trop en dire de ce roman, sous peine de priver tout futur lecteur du choc des révélations. Sous un abord fluide, simple, presque banale, l'histoire se révèle d'une terrifiante violence. L'auteure déstabilise totalement son lecteur, en faisant poindre la fureur de manière particulièrement anodine. L'horreur est amenée comme ça, l'air de rien, au détour d'une phrase, s'en repart aussi subitement, laissant le lecteur pantois. Fabienne Juhel a ce talent de pouvoir faire se côtoyer la légèreté et la violence dans une même page.

Autour de l'histoire de Arsène Le Rigoleur, que je ne dévoilerai pas, l'auteure dépeint un univers qui mêle un quotidien très terre à terre à des croyances qui façonnent les Hommes et leurs actions. La place qu'elle offre aux renards notamment rend ce récit un peu surréaliste. Comme Arsène Le Rigoleur, on perd de vue la réalité très pragmatique et les contraintes de la vie à la ferme, pour se laisse transporter dans un univers onirique, d'une grande poésie. On s'attend à chaque page à voir renaître les morts ou les enfants se transformer en renard (ou vice versa). 

Enfin, j'ai aussi beaucoup apprécié dans ce texte, les descriptions de la vie dans les campagnes et les fermes bretonnes. Le ton est tellement juste, précis, nous ramenant à des réalités que l'on croise encore parfois dans des zones plus ou moins isolées des terres bretonnantes. Les relations d'Arsène Le Rigoleur avec son père et sa mère sont tellement bien décrites qu'on se croirait attablés dans la cuisine d'une ferme familiale. Les expressions aussi sonnent tellement juste, de même que la place des femmes dans les villages, celle de l'église, du café et du marché, des ragots et des croyances...

"Car il n'est pas né le gars qui me délogera d'ici. Pourquoi j'irais voir si l'herbe est plus verte ailleurs ? J'habite ici nom de Dieu ! J'ai toujours habité ici, dans la ferme des parents. Cette terre, je l'ai dans la peau, même dans la bouche. Un petit bout de terre à mâchonner, comme on chique du tabac gris. Ca crisse sous les dents, ça agace les gencives. Ca occupe l'esprit." (A l'angle du Renard - Fabienne Juhel)

Voici donc un récit à la fois onirique et violent, riche et troublant. Une auteure que je retrouverai avec grand plaisir.

D'autres avis, également enthousiastes, chez Sylire, Yves, ou encore chez Clara (qui est fan, à en juger par le nombre de titres de l'auteur qu'elle a pu chroniquer... y sont-ils tous ?!).



https://aziquilit.com/
Du - Chez Aziquilit



3 commentaires:

  1. Une auteure dont je n'ai jamais entendu parler !
    Bonne fin de semaine.

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  2. J'avais beaucoup aimé et depuis, je ne saurais dire pourquoi, je n'ai rein lu d'autre de F. Juhel

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