Ce rendez-vous de la francophonie est pour moi l'occasion de lire des auteurs que je n'aurai probablement pas rencontrés autrement. J'ai commencé ma liste de lectures avec ce titre de Kim Thúy, une auteure québécoise née en 1968 au Vietnam, à Saïgon. Elle a quitté le Vietnam comme boat-people avec ses parents à l’âge de 10 ans. Elle s'est installée au Québec en tant que réfugiée vietnamienne. Ru est un premier roman, dans lequel Kim Thúy raconte différentes scènes de la vie d'une jeune femme ayant quitté le Vietnam pour rejoindre le Québec. Il s'agit d'une autofiction alternant deux époques, deux pays et deux cultures.
Ru de Kim Thúy.
Éditions Lgf, Le livre de poche, mai 2012. 216 pages.
Éditions Lgf, Le livre de poche, mai 2012. 216 pages.
Présentation de l'éditeur :
Une femme voyage à travers le désordre des souvenirs : l'enfance dans sa
cage d'or à Saigon, l'arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam apeuré,
la fuite dans le ventre d'un bateau au large du golfe de Siam,
l'internement dans un camp de réfugiés en Malaisie, les premiers
frissons dans le froid du Québec. Récit entre la guerre et la paix, Ru
dit le vide et le trop-plein, l'égarement et la beauté. De ce tumulte,
des incidents tragicomiques, des objets ordinaires émergent comme autant
de repères d'un parcours. En évoquant un bracelet en acrylique rempli
de diamants, des bols bleus cerclés d'argent, Kim Thúy restitue le
Vietnam d'hier et d'aujourd'hui avec la maîtrise d'un grand écrivain.
Ma lecture :
Saïgon - Vietnam |
Dans ce récit, Kim Thúy nous fait partager des scènes de la vie quotidienne d'une petite fille vietnamienne qui deviendra femme puis mère au Québec. Ces instantanés, d'une à deux pages, nous promènent au gré des souvenirs de la narratrice, entre l'enfance vietnamienne, la fuite dans les cales d'un bateau surchargé, le transit qui semble durer une éternité dans un camp en Malaisie, l'arrivée au Québec, avec la vue de la neige à travers les hublots d'un avion, l'apprentissage de la langue, la découverte de nouvelles coutumes et de belles amitiés, le passage en France puis le retour au Vietnam alors que la petite fille est devenue femme et porte en elle son premier enfant.
Le livre est vite lu, les souvenirs s'enchaînent, sans organisation apparente si ce n'est la fantaisie de la pensée. Les souvenirs sont tendres, souriants, tout autant qu'ils peuvent être poignants et douloureux, racontés alors avec la naïveté et la fraîcheur de l'enfance. La traversée dans le ventre du navire n'est pas exposée avec un misérabilisme. La narratrice parle de la promiscuité, de la maladie, de la faim, de la peur... mais ne s’appesantit pas. On perçoit également tout au long du récit à quel point la sécurité affective de cette petite fille lui donne cette confiance indispensable à l'enfance.
"Je connais le chant des mouches par cœur. Je n'ai qu'à fermer les yeux pour les réentendre tourner autour de moi parce que, pendant des mois, je devais m'accroupir en petit bonhomme à dix centimètres au-dessus d'un bain géant rempli à ras bord d'excréments sous le soleil brûlant de la Malaisie." (Ru - Kim Thúy - Le livre de Poche - mai 2012, page 51)
Dans ce récit, le lecteur découvre une autre culture, à travers les gestes du quotidien, à travers la solidarité des familles, l'évolution d'un pays et la fuite de sa population pour un avenir meilleur. La narratrice parle aussi, et surtout, de l'exil, celui qui fait que l'on est autre partout : on est l'autre dans ce pays dont l'on ne maîtrise ni la langue ni les coutumes, mais on est aussi l'autre dans ce pays que l'on a quitté et que l'on retrouve 30 ans après.
Ce texte est très riche, plein de petites choses de la vie, présentées en peu de lignes. L'essentiel est condensé dans ces quelques pages pleines de douceur et de poésie. Le regard de l'enfance sur le passé violent, en Malaisie comme au Vietnam, gomme un peu de cette douleur, met de la distance avec le passé. Le lecteur comprend que la mort n'est jamais bien loin, mais dans le récit, c'est toujours la vie et l'espoir qui l'emportent.
"J'ai voulu être une héroïne auprès de la jeune fille qui vendait du porc grillé à l'extérieur des murs du temple bouddhiste, en face du bureau. Elle parlait très peu, toujours au travail, absorbée par les tranches de porc qu'elle coupait, insérait dans les dizaines de baguettes qu'elle avait fendues au préalable aux trois quarts. Il était difficile de voir son visage une fois que le charbon était allumé dans la boîte métallique noircie par la graisse accumulée au fil des années, parce qu'un nuage de fumée et de cendre l'emballait, l'étouffait, la faisait pleurer." (Ru - Kim Thúy - Le livre de Poche - mai 2012, page 144)
Une belle expérience que cette lecture. Un second livre de Kim Thúy m'attend, Mãn, paru en 2013 et qui me semble lui aussi très prometteur.
Quel magnifique souvenir de lecture !
RépondreSupprimerEn effet un très beau récit.
SupprimerJe n'ose pas me lancer, je redoute de passer à côté de cette lecture. A tord, sans doute.
RépondreSupprimerJ'ai été un peu déçue par ce roman mais j'en attendais sans doute trop car j'avais lu des billets très enthousiastes. J'avais rencontré l'auteure à un salon du livre et je l'ai trouvée vraiment charmante.
RépondreSupprimer