24 janvier 2016

D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds - Jón Kalman Stefánsson

Second titre proposé pour cette nouvelle rencontre de la première édition du club de lecture de la Librairie Lise & moi. Nous nous sommes finalement réunis samedi dernier pour discuter de cette lecture, et les avis étaient très partagés... comme pour le premier titre Petits plats de résistance de Pascale Pujol. Mais, preuve que c'est bien cette confrontation des points de vue qui fait la richesse de nos échanges (et de nos blogs), nous avons décidé de nous retrouver avant l'été pour discuter de deux nouvelles lectures.

"Le monde vient d'être composé
- c'est un poème âgé d'une heure"


D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds de Jón Kalman Stefánsson.
Éditions Gallimard, 28 août 2015. 448 pages.


Présentation de l'éditeur :

Elle est plus belle que tout ce qu’il a pu voir et rêver jusque-là, à cet instant, il ne se souvient de rien qui puisse soutenir la comparaison, sans doute devrait-il couper court à tout ça, faire preuve d’un peu de courage et de virilité, pourtant il ne fait rien, comme s’il se débattait avec un ennemi plus grand que lui, plus fort aussi, c’est insupportable, il serre à nouveau les poings, récitant inconsciemment son poème d’amour. Elle s’en rend compte et lui dit, si je dénoue mes cheveux, alors tu sauras que je suis nue sous ma robe, alors tu sauras que je t'aime.»
Ari regarde le diplôme d’honneur décerné à son grand-père, le célèbre capitaine et armateur Oddur, alors que son avion entame sa descente vers l’aéroport de Keflavík. Son père lui a fait parvenir un colis plein de souvenirs qui le poussent à quitter sa maison d'édition danoise pour rentrer en Islande. Mais s’il ne le sait pas encore, c’est vers sa mémoire qu’Ari se dirige, la mémoire de ses grands-parents et de leur vie de pêcheurs du Norðfjörður, de son enfance à Keflavík, dans cette ville «qui n’existe pas», et vers le souvenir de sa mère décédée.
Jón Kalman Stefánsson entremêle trois époques et trois générations qui condensent un siècle d’histoire islandaise. Lorsque Ari atterrit, il foule la terre de ses ancêtres mais aussi de ses propres enfants, une terre que Stefánsson peuple de personnages merveilleux, de figures marquées par le sel marin autant que par la lyre. Ari l’ancien poète bien sûr, mais aussi sa grand-mère Margrét, que certains déclareront démente au moment où d’autres céderont devant ses cheveux dénoués. Et c’est précisément à ce croisement de la folie et de l’érotisme que la plume de Jón Kalman Stefánsson nous saisit, avec simplicité, de toute sa beauté.


Ma lecture :
 
Je vais avoir beaucoup de mal à donner un point de vue affirmé sur cette lecture. Parce qu'une semaine après avoir tourné la dernière page, je ne sais toujours pas si j'ai réellement aimé ce livre. En fait, je pense regretter de ne pas avoir été transportée par cette lecture. Je regrette d'avoir eu tant de mal à entrer dans ce récit.

Car ce livre se mérite. Il ne se lit pas sans y prendre garde : il faut s'accrocher. L'écriture n'est pas particulièrement difficile, mais la construction mérite toute notre attention. Il ne se passe pas grand chose au cours de ces 448 pages. Il ne faut pas s'attendre à un récit enlevé où les rebondissements s'enchaîneraient avec vivacité. Non, nous entrons plutôt dans un texte poétique qui prend son temps. Qui donne du temps à la description des paysages, des conditions de vie de ce petit coin d'Islande rude et envoûtant à la fois. Du temps pour la description des états d'âmes d'Ari et des membres de sa famille qui sont le sujet de ce récit.

Quand Ari rentre en Islande après que son père l'ait informé de sa mort prochaine, il replonge dans les souvenirs. Son adolescence à Keflavík, sa séparation d'avec sa femme et sa fuite au Danemark, mais aussi la vie de ses parents, de ses grands-parents, arrières-grands-parents, dans cette Islande particulièrement austère, rude et froide, magique et poétique à la fois. Car l'Islande que l'auteur nous dépeint ici n'est pas celle dont nous pouvons rêver : elle est noire, sombre, aride, isolée et dangereuse.

Keflavík - Islande


Si le récit tire parfois en longueur (je l'aurais bien abandonné plusieurs fois au cours des 150 premières pages s'il ne s'était agit d'une lecture commune), si les personnages, les lieux et les époques se bousculent souvent (mais de qui parle-ton là ? où en sommes-nous du récit ? qui est ce narrateur dont nous ne savons rien ?),  de nombreuses belles pages m'ont soutenue dans cette lecture. L'ambiance décrite par l'auteur est captivante, cette Islande bien réaliste et éloignée de celle des cartes postales enchanteresses. Les sentiments et impressions de l'auteur sont si justes et décrits avec beaucoup de sensibilité.

Puis, arrive, page 160, le récit du déménagement de Ari et de sa famille à Keflavík, l'histoire de son père et de ses oncles et tantes, de Guðmundur Óskarson et de la jeune Sigga, des histoires d'hommes et de femmes que la vie n'épargne guère, dans un pays que le soleil ne réchauffe que si rarement. Et là, j'ai commencé à raccrocher à l'histoire. Jusqu'à ce récit de Margrét et d'Oddur qui m'a énormément touchée : le récit d'une jeune mère dont le mari part une bonne partie de l'année en mer pour diriger son bateau de pêche et son équipage, et qui se retrouve seule à terre, à élever ses enfants et à soigner son beau-père dont la vie arrive à son terme. Cette femme sur les épaules de qui repose l'existence de toute cette famille. Cette jeune femme qui se sent si seule et si fatiguée, tellement lasse qu'elle est toujours au bord du gouffre, prête à lâcher prise. Cette histoire m'a touchée et m'a fait plonger dans ce récit.

"Qu'un homme puisse traverser l'existence sans vouloir affronter l'océan,
mesurer sa force à celle de la mer, se rencontrer lui-même face à des vagues noirâtres
hautes comme des montagnes, perdu dans les hurlements des tempêtes, quand l'air expulse
des rugissements comme s'il portait en son sein la fin du monde ou la fureur divine,
et que le bateau, malgré toutes ses tonnes et la puissance de son moteur, n'est qu'une minable
planche, que la vie n'est plus rien, eh bien, celui qui n'a jamais connu ça ignore qui il est vraiment
et jamais il ne sera plus de la moitié d'un homme."
(D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds - Jón Kalman Stefánsson, Éditions Gallimard, 28 août 2015, pages 333-334)

Nordfjordur - Islande

Les avis sont partagés sur ce récit : entre ceux qui en ont abandonné la lecture, ceux qui l'ont laborieusement menée jusqu'au bout, ceux que le texte a enchanté et ceux qui, comme moi, regrettent d'avoir mis autant de temps à entrer dedans. C'est cependant un livre que je reprendrai, dans lequel je picorerai à nouveau, certains passages, des sentiments, des ambiances et des humeurs. Quant à l'Islande, je suis toujours aussi désireuse de découvrir ce pays.

Pour avoir d'autres avis, je vous invite à aller regarder sur Le blog des livres qui rêvent..., Littérature a blog, Tasse de thé, ou encore sur Vue de mes lunettes.


http://rentreelitteraire.delivrer-des-livres.fr/   http://phildes.canalblog.com/





5 commentaires:

  1. Ce titre, je passe. Il ne me dit pas grand-chose.
    Un titre assez long qui finalement ne comptabilise pas beaucoup de points.
    Passe une bonne semaine.

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  2. Il me tente de moins en moins, à tord certainement.

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  3. Long mais looooooooooooooooong....

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