Editeur : Mille et une nuits (mars 2012)
Présentation de l'éditeur :
Le rousseauisme a nui à la réception de la philosophie de
Jean-Jacques, qui avait une conception de l’homme et de la société plus
nuancée que celle que lui a prêtée la postérité. C’est ce que
nous dévoile admirablement deux lettres méconnues du Genevois qui
résument très efficacement sa philosophie politique avant qu’il n’écrive
Du contrat social et L’Émile. En 1755, il expose à un
naturaliste suisse qui a pour nom de plume Philopolis (Lettre à
Philopolis) les principes de vertu que requiert de tous les hommes
l’état social, laborieux, forcément laborieux collectivement. En
1757, dans une lettre oubliée (Lettre sur la vertu), il revient sur
le passage de l’état de nature à l’état social, et la transformation de
la bonté naturelle en un nécessaire rapport à autrui.
La vertu et le souci du commun ont une place centrale. On est bien
loin de l’idée réductrice propagée ensuite par l’individualisme : la
société, c’est mal !
Ma lecture :
On comprend bien en lisant ces deux lettres combien les critiques
ont pu être bien injustes, se basant sur une lecture partielle du texte
de Jean-Jacques Rousseau. Si l'auteur m'est apparu
quelque peu paranoïaque dans ma lecture des Rêveries du promeneur solitaire,
je dois
bien admettre qu'il gagne petit à petit ma sympathie. Si, sur la fin
de sa vie il semble s'être laissé gagné par cet état d'esprit
dépressif, on peut comprendre, et compatir. Car effectivement,
ses contemporains ont mis un malin plaisir à dénaturer son propos.
Cette appréciation (dépréciation) de la pensée de Rousseau semble
d'ailleurs perdurer aujourd'hui.
Dans la Lettre à Philopolis (1755), Jean-Jacques Rousseau précise son point de vue sur l'état d'être social
qu'est l'Homme. Alors que ses contemporains juge la
position de l'Homme dans la société comme était un état inné,
Rousseau défend, lui, que si la nature de l'Homme le conduit
effectivement à rechercher la vie en société, cet état doit être acquis.
Il présente ensuite ce que perd l'Homme à vivre en société. Mais ce
que semblent avoir oublié ses détracteurs, c'est que malgré tout, il défend cette vie en société
comme
apportant plus à l'Homme qu'elle ne lui fait perdre. Et l'image d'un
Rousseau vivant dans la plus complète solitude et regrettant l'état de
vie sauvage, se brouille considérablement.
Rousseau apporte également une réflexion autour de Dieu
qui me paraît pouvoir expliquer peut-être cette opposition dont il fut
la victime. Il refuse ici la vision communément
répandue que si le Mal existe sur terre c'est que Dieu en a voulu
ainsi et que cela doit se justifier par de bonnes raisons... et qu'il ne
nous reste donc plus qu'à nous incliner. Cette vision
des choses est certainement très utile alors pour l'Eglise et pour
les classes dominantes, mais Jean-Jacques Rousseau ne la partage pas.
Pour Rousseau enfin, l'Homme est bon par
nature et se sont les relations avec les autres qui
induisent des passions qui peuvent le rendre mauvais. Nul besoin de
baptême pour rendre l'Homme bon.
Dans la seconde lettre, Lettre sur la Vertu (1757), Jean-Jacques Rousseau s'attache à préciser ce qu'il entend derrière cette qualité. Selon lui, la vertu naît de la vie en
société. Dans la solitude de la nature, point de vices ne nécessitent de vertu. Il parle tout simplement de bonté naturelle. Le vice et la vertu
naissent de
cette vie sociale. Dans cette lettre, Rousseau distingue ce qui
relève du bien commun de ce qui reste du particulier : selon lui la
vertu doit être garantie par les règles de la vie en société et
par les outils qu'elle se donne pour la faire respecter (le droit et
la justice principalement). On voit poindre ici la réflexion qu'il
conduira dans un texte tel que Le Contrat
social.
Le garçon entre la vertu et le vice - Paul Véronèse (1575)
Très humble, Rousseau met ses propositions en perspective : il prend
du recul et s'interroge sur le point de vue duquel il se situe et
constate qu'il pourrait être tout autre dans un autre
environnement social, dans d'autres cultures. C'est aussi, de mon
point de vue ce qui fait la richesse de l'analyse proposée par
Jean-Jacques Rousseau.
Pour conclure, la postface de Cyril Morana, professeur de
philosophie et écrivain, est également très riche. Encore une lecture
que je vous conseille !
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