17 août 2020

La belle amour humaine - Lyonel Trouillot

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A bord de la voiture de Thomas, son guide, une jeune occidentale, Anaïse, se dirige vers un petit village côtier d'Haïti où elle espère retrouver les traces d'un père qu'elle a à peine connu et éclaircir l'énigme aux allures de règlement de comptes qui fonde son roman familial. Le caractère particulier de ce voyage encourage bientôt Thomas à prévenir la jeune femme qu'il lui faudra très probablement renoncer à une telle enquête pour faire l'expérience, dans ce village de pêcheurs dont il est lui-même issu, d'un véritable territoire de l'altérité où les lois sont amicales et flexibles, les morts joyeux, et où l'humaine condition se réinvente sans cesse face aux appétits féroces de ceux qui, à la manière du grand-père d'Anaïse et de son complice en exactions, le "colonel", tous deux jadis mystérieusement disparus dans un incendie - cherchent à s'octroyer un monde qui appartient à tous. Dans ce roman qui prône un exercice inédit de la justice et une fraternité sensible entre les hommes, Lyonel Trouillot interroge le hasard des destinées qui vous font naître blanc ou noir, puissant ou misérable, ici ou ailleurs - au Nord ou au Sud.

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J'ai ressorti ce titre de ma bibliothèque, dans laquelle il dort depuis déjà plusieurs années, pour honorer le rendez-vous d'Aziquilit, Un mot des titres. Lu pour le 15 juin… il m'a fallu comme toujours beaucoup de temps pour trouver celui de me consacrer à l'écriture du billet. Or, à près de deux mois de ma lecture, il ne m'en reste pas grand chose... et c'est rarement bon signe.

Je me souviens très bien du récit en lui-même, mais très peu des émotions qu'il a pu générer chez moi. Dans La belle Amour humaine, l'auteur nous ouvre la porte vers une culture qui regarde avec méfiance et curiosité ces occidentaux plein de certitudes et courant sans cesse à travers le monde, après le temps et les choses inaccessibles. Lyonel Trouillot nous invite dans un pays et un village où les priorités sont la famille et l'amitié, les traditions et la nature. Dans une communauté où l'on prend le temps de vivre et d'aimer, et où l'on sait garder les secrets quand ils n'ont rien de bon à apporter.

C'est dans cet univers si "exotique" que la jeune Anaïse vient chercher des traces de son histoire familiale. Elle y découvrira un récit et des hommes pas très glorieux, mais rencontrera également une famille, une communauté, qui veille à toujours maintenir les liens de fraternité, sans chercher la justice là où elle n'apporte rien de positif et n'est seulement qu'un étalage des turpitudes de chacun. Parfois est-il sans doute préférable de ne pas chercher à savoir. Même si pour ma part j'ai beaucoup de mal avec ce concept, j'avoue que la manière très subtile qu'à l'auteur de défendre cette idée est plutôt convaincante.

J'ai aimé cette découverte de l'altérité, d'une vision du monde et de la vie si différente, plus âpre et moins superficielle, plus apaisée aussi semble-t-il. Comme Anaïse, ceux qui pénètrent dans la communauté restent un peu en marge, goûtant néanmoins à cette différence et savourant le temps qui passe plus lentement. Certains repartent, refermant cette parenthèse en tâchant de ne rien déranger, d'en préserver un souvenir précieux ; d'autres font le choix de rester, même si c'est toujours un peu à côté. La plume de Lyonel Trouillot est plaisante car différente également, poétique, posée. L'usage de la deuxième personne du singulier pour évoquer le parcours d'Anaïse, dans la bouche de Thomas, son guide, m'a néanmoins déstabilisée, et peu convaincue. J'ai trouvé ce style un peu artificiel et ai eu du mal à m'y faire : peut-être est-ce la raison pour laquelle je suis restée un peu en marge. Peut-être aussi, sans doute, parce que j'ai du mal à accepter que justice ne soit pas rendue... de ne pas savoir finalement quelle est la clé du mystère, si mystère il doit y avoir.
Là-bas, à vivre de mer et d'arc-en-ciel, les couleurs souvent leur suffisent. Ils savent rester des journées entières à arpenter leur bord de mer sans mettre des mots sur leurs pensées. Ce n'est pas comme ici où la vie a peur du silence. Ici, si au réveil on ne s'est pas préparé à partir au combat, on n'a pas la vie devant soi.

Une lecture en demi-teinte pour moi, et c'est un regret au regard des avis très positifs lus ici ou là : chez Le monde de miss G, Lorraine, Lili Galipettes ou encore chez Liliba... et bien d'autres.

La Belle Amour humaine - Lyonel Trouillot
Actes sud, août 2013, 170 pages





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