22 mars 2020

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Jean-Paul Dubois

 

Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal. Il y partage une cellule avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre.

Retour en arrière: Hansen est superintendant a L'Excelsior, une résidence où il déploie ses talents de concierge, de gardien, de factotum, et – plus encore – de réparateur des âmes et consolateur des affligés. Lorsqu'il n'est pas occupé à venir en aide aux habitants de L'Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne. Aux commandes de son aéroplane, elle l'emmène en plein ciel, au-dessus des nuages. Mais bientôt tout change. Un nouveau gérant arrive à L'Excelsior, des conflits éclatent. Et l'inévitable se produit.

Une église ensablée dans les dunes d'une plage, une mine d'amiante à ciel ouvert, les méandres d'un fleuve couleur argent, les ondes sonores d'un orgue composent les paysages variés où se déroule ce roman.

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Je me souvenais avoir lu Jean-Paul Dubois il y a bien longtemps avec un récit léger qui m'avait bien amusé : Vous plaisantez, monsieur Tanner ? Je n'ai pas un souvenir précis de ma lecture qui doit dater un peu, mais j'en garde une impression agréable. Cependant, un tel livre aurait-il mérité le Goncourt ? Ce n'est pas l'idée que je me faisais de ce type de prix littéraire. J'ai donc voulu creuser un peu le sujet en lisant le dernier roman de l'auteur, dont tout le monde dit du bien et pour lequel le prix lui a justement été attribué.

L'auteur nous conduit d'abord dans une prison québécoise où sont incarcérés Horton, un Hells Angel condamné pour meurtre, et Paul Hansen qui purge une peine de 2 ans sans qu'on sache bien pourquoi mais dont on sens au début qu'on ne pourra lui en vouloir. La cellule que partage Horton et Hansen est le lieu de la cohabitation de deux caractères bien différents mais qui parviennent tant bien que mal à s'entendre. C'est à partir de ce lieu que Paul Hansen se remémore son parcours et les évènements qui l'ont conduit au Québec d'abord et finalement dans cette prison.
"La prison nous ensevelit vivants. Les courtes peines peuvent espérer quelque chose. Les autres sont déjà dans la fosse commune. Et si d'aventure on leur accorde une remise de peine, ils iront, un moment, respirer l'air du dehors, mais reviendront ici, dans la maison des réprouvés, où on les appelle par leur nom, où on les traite comme des animaux de ferme."

Jean-Paul Dubois nous propose l'histoire d'une vie, de la rencontre presque inconcevable des parents de Hansen à l'incarcération de leur fils. Un père danois originaire d'une terre de peintres, Skagen, tout au nord du pays, pasteur qui s'interroge sur sa foi, et une mère française, propriétaire d'un cinéma d'Art et d'essais qui présentera des films engagés et parfois révolutionnaires, qui accueille des débats politiques à la fin des années 1960 et programmera Gorge profonde sorti au milieu des années 1970. Cela ne pouvait que mal se terminer et Hansen père finit par s'exiler au Québec où son fils le rejoindra quelques années plus tard.

On assiste ensuite à la vie québécoise de Paul Hansen et particulièrement dans son univers à l'Excelsior où il devient rapidement l'homme à tout faire, indispensable aux 60 copropriétaires de la résidence. Outre ses compétences techniques et de logisticien, il sait être patient et à l'écoute des résidents, leur témoigner des attentions qui permet de diffuser la paix et la sérénité au sein de la copropriété. Sa compagne, Winona, née dans les territoires autochtones du nord du Québec, l'y rejoindra rapidement. Paul Hansen vivra alors ses plus belles années. Jusqu'à ce que... tout finisse par tourner mal.

J'ai aimé le récit de la vie de la famille Hansen : les parents de Paul d'abord et son histoire à lui ensuite. C'est le récit d'une famille qui traverse les époques et se trouve confrontée à des choix décisifs qui peuvent les séparer. C'est aussi le récit d'une société qui broie les plus faibles et les plus fragiles d'entre nous, d'un monde où la bienveillance et l'humanité n'est pas toujours la règle. Ce récit porte beaucoup d'injustice(s) et de soumission. Il honore aussi ceux qui savent faire fi des humiliations et de l'ingratitude. Mais arrive forcément le moment où la limite est franchie et où même le plus humble et pacifiste finit par réagir... pour finir en prison.
"Il disait souvent que de toutes les nations qu'il connaissait, la France était le pays qui avait le plus de difficulté à s'appliquer à lui-même les vertus républicaines et morales qu'il exigeait des autres. Surtout l'égalité et la fraternité."

Si le thème et les évènements qui jalonnent la vie de Paul Hansen et de sa famille sont graves et douloureux, le récit de Jean-Paul Dubois parvient à transmettre de la lumière et de la douceur. Paul et son père sont des hommes bons qui nous rassurent sur l'espèce humaine. La relation entre Paul Hansen et Horton, son compagnon de cellule, apporte également quelques moments d'humanité et quelques sourires, même si j'avoue que j'aurais très bien pu me passer de ce pan du récit. L'amour et la fraternité traversent cette histoire qui parvient à nous apaiser malgré ces injustices qui nous invitent à la révolte. Une bonne dose d'humanité dans un monde qui en manque finalement cruellement : et celle-ci ne se trouve pas toujours à l'endroit où on l'attendrait.

Je ne sais pas si c'est un grand roman, je ne le définirais pas ainsi, mais c'est un beau récit.


Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Jean-Paul Dubois
Editions de l'Olivier - août 2019 - 256 pages



7ème lecture de la rentrée littéraire 2019

2 commentaires:

  1. Moi, qui ai lu beaucoup de romans de cet auteur j'ai trouvé que celui-ci n'était pas son meilleur. C'est agréable à lire parce que la plume de Dubois est plaisante mais elle n'atteind pas la qualité du roman qui est pour moi son chef d'oeuvre, Une vie française.

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    1. Merci beaucoup du conseil : je pense que je réessaierai de lire cet auteur.

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