08 septembre 2019

Sorcières - La puissance invaincue des femmes - Mona Chollet

J'ai vu réapparaître ce titre il y a peu en musardant sur vos blogs et me suis souvenue que j'avais prévu de le lire... un jour. Pour une fois, je n'ai pas remis mon intention à demain et ai réservé "Sorcières" à la bibliothèque. Rendu par sa précédente lectrice plus rapidement que prévu (mais peut-être était-ce un lecteur, qui sait), j'ai pu l'emporter au camping pour ma dernière semaine de vacances. Je ne connaissais pas Mona Chollet mais cet ouvrage m'invite à découvrir ses autres publications. Journaliste et essayiste, elle travaille au Monde Diplomatique et a publié plusieurs ouvrages politiques et engagés, réflexions sur la condition féminine, comme "Sorcières", mais pas seulement. Je suis curieuse de découvrir ses points de vue à travers ses autres livres. Pour le moment, revenons sur la compréhension de ce monde où les femmes sont exclues dès lors qu'elles n'entrent pas dans le moule que leur a fabriqué les hommes, celui de la maternité et de la soumission.

Sorcières - La puissance invaincue des femmes - Mona Chollet
Editions Zones, septembre 2018, 229 pages



Présentation de l'éditeur :

Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ? Ce livre en explore trois et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante - puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant - puisque l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée - devenue, et restée depuis, un objet d'horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.


Ma lecture :

Attention : ce n'est pas de surnaturel dont il est question ici. Ni de "Ma sorcière bien aimée", quoique, un peu parfois. Non, ce texte est un regard historique et sociologique sur la condition des femmes depuis les XVI et XVIIèmes siècles et les tragiques épisodes des chasses aux sorcières. Mona Chollet nous rappelle, si nous en doutions, que les femmes torturées et brûlées vives à cette époque sinistre n'étaient pas de ces sorcières qui tortillent leur nez pour déplacer une chaise ou qui tentent d'assassiner de naïves princesses au moyen de pommes appétissantes. Non, ces femmes n'avaient pour seul tort que celui de ne pas se plier aux règles imposées par la société, créées par les hommes, et bien souvent assimilées et approuvées entièrement par les femmes. L'intérêt de cet essai, est que Mona Chollet crée des liens avec notre société actuelle, celle des "Me to" et du féminicide.

L'auteure identifie 3 figures de la sorcière, et ce quelles que soient les périodes historiques : la femme seule (veuve ou célibataire), la femme âgée et, surtout, la femme sans enfants. En fait, ce qui dérange, c'est la femme autonome, qui est parvenue à se libérer des liens qui l'enchaînent, au premier lieu desquels se trouve la famille. Quand la femme du XVIème était entièrement dévouée à son époux et à ses enfants, celle du XXIème siècle engloutit une foultitude d'ouvrages pour remplir au mieux son rôle de mère aimante, patiente, bienveillante, sans jamais crier ni perdre son sang froid. Sans oublier la tenue de sa maison, compétence indispensable à toute femme pleinement accomplie.

Pour éviter cet engrenage, Mona Chollet défend la liberté des femmes à ne pas avoir d'enfants. Inconcevable il y a 5 siècles, cette alternative reste encore aujourd'hui très marginale. On vous traitera d'égoïste (c'est du vécu) ou peut-être de virer du côté des hommes. Comme si avoir un enfant était incontournable, comme si c'était le seul moyen pour une femme d'avoir sa place dans la société, ou pour un humain d'accomplir sa vie. Aujourd'hui maman, je ne partage pas totalement le point de vue de Mona Chollet sur le lien qu'elle fait entre maternité et aliénation. Je pense que c'est plus subtile. Ce n'est pas selon moi la maternité en tant que telle qui crée cette sujétion, c'est plutôt ce qui l'entoure : l'éducation des enfants, la préparation des repas, les courses, l'entretien de la maison… et tout ce qui grignote progressivement chaque minute disponible. Ce n'est pas l'enfant qui est responsable de cela, mais plutôt le cadre social qui fait qu'aujourd'hui encore les mères sont celles qui doivent sacrifier leur liberté pour tenir tous les rôles. N'est-il pas possible de penser la parentalité autrement ? Je pense que si, mais peut être qu'en attendant la révolution nécessaire et que la femme se libère, la seule solution reste de ne pas avoir d'enfants.
"Une société pour laquelle la vie se limite à gagner son pain et à se reproduire est une société sans avenir car sans rêves."
"Dès qu'il s'agit de femmes et de bébés, … vous n'avez plus face à vous que des partisans enthousiastes du déterminisme biologique le plus étroit."

Une réflexion qui laisse songeur à l'époque du droit à la grossesse pour toutes… Quand on voit le nombre d'enfants sans parents ou placés, certaines évolutions de la société me laissent circonspecte.

Mona Chollet évoque ensuite la situation des femmes qui prennent de l'âge et qui doivent le cacher en se teintant les cheveux, quand leurs compagnons peuvent facilement laisser leurs cheveux griser puisque c'est jugé séduisant et plus sérieux par la société. Quelles remarques n'avez vous pas entendues quand les cheveux blancs reviennent pointer leur nez sur vos tempes et que vous tardez à reprendre rendez-vous chez le coiffeur pour dépenser la petite centaine d'euros nécessaire au maintien de votre statut de femme soignée ?! Ce n'est (heureusement) pas mon cas, mais comme beaucoup je sacrifie quand même  au rituel du coloriage en salle de bain.

J'aurais encore beaucoup à dire sur ce livre et ce sujet qui me passionne. J'avais travaillé en Licence de sociologie sur un mémoire traitant du rapport hommes femmes dans le milieu du jeu d'échecs. Cela fait 20 ans… mais rien n'a changé depuis. Savez-vous qu'à peine 10% des joueurs d'échecs sont des joueuses ? Qu'il existe des championnats mixtes (c'est à dire, dans les faits, masculins) et des championnats féminins ? A noter que les petites filles sont aussi nombreuses que les garçons jusqu'à l'entrée au collège, mais que après, la proportion s'effondre. Qu'il y a plus de féminines inscrites au sein de la fédération de rugby que dans celle des échecs ? A croire que les champions du monde du jeu d'échecs ont raison. Gary Kasparov déclarait ainsi que "les femmes ne sont pas adaptées au jeu d'échecs… les échecs ont également un aspect créatif, ce sont à la fois un sport, un art et une science, autant de domaines où l'avantage de l'homme est évident. C'est également ce qui se passe en littérature, en musique et dans l'art... L’explication réside sans doute dans les gènes". Bref, nous sommes au XXIème siècle mais on pourrait toujours se croire au temps des chasses aux sorcières.

Je vais quand même conclure en vous invitant chaudement à vous plonger dans ce livre passionnant. Vous pouvez ne pas partager tous les points de vue de l'auteure, ce qui fut mon cas, mais le propos est stimulant et suscite le débat. Il met en lumière le fait que nous sommes encore bien loin de l'égalité tant prônée par nos dirigeants !
" En outre, puisque leur corps offre aux femmes la possibilité de porter un enfant, la Nature veut également que ce soit elles qui changent les couches..."

Les avis sur ce livre sont nombreux : je vous invite à aller lire celles de Miss Alfie ou Bricabook par exemple.






1 commentaire:

  1. Un documentaire de France Culture reprenait les propos du livre avec des témoignages.

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