28 décembre 2016

Une bouche sans personne - Gilles Marchand


Seconde lecture à l'agenda du club des lecteurs de ma librairie habituelle avec ce premier roman solo de Gilles Marchand qui n'est pas un inconnu des milieux littéraires puisqu'il a déjà publié des nouvelles, polars et un roman à deux mains avec le critique littéraire et auteur Éric Bonnargent.
Dans ce récit, Gilles Marchand nous plonge dans un univers complètement décalé, et de plus en plus décalé au fil des pages, qui n'est pas sans me rappeler celui de Boris Vian, dans L'écume des jours notamment, auquel l'auteur fait d'ailleurs référence. Mais derrière cette fantaisie, le propos est grave et les derrières pages nous conduisent sur les traces d'un passé douloureux et des traumatismes de l'Histoire.

Une bouche sans personne de Gilles Marchand.
Éditions Aux forges de Vulcain, août 2016. 282 pages.



Présentation de l'éditeur :

Un homme vient tous les soirs dans le même bar pour y retrouver ses amis. Personne ne sait rien de lui, si ce n'est qu'il cache une cicatrice derrière son écharpe. Lorsqu'un jour il décide de raconter son douloureux passé, la fantaisie prend le relais et nous emmène à la rencontre d'une galerie de personnages improbables : un éléphant dégonflé, une mouche qui danse, un voisin spéléologue, un trapéziste, un orchestre tzigane. Pourquoi ces détours et ce besoin d'imaginaire ? Que cachent cette écharpe et cette cicatrice ?
Un premier roman pudique, poétique, humain, amical, drôle et douloureux aussi, servi par une plume allègre et ciselée.



Ma lecture :
"J'ai un poème et une cicatrice."

Nous rencontrons le personnage de ce roman au moment où il s'apprête à se dévoiler, au sens propre comme au figuré, à ses amis, Sam, Thomas et Lisa, qu'il ne connaît que pour les retrouver le soir dans le bar de Lisa. Emmitouflé dans ses écharpes, il se cache autant qu'il tait son histoire et son passé. Invité par ses amis à se livrer, il se laissera convaincre et s'aventurera, petit à petit à raconter son histoire. Celle de son grand-père d'abord qui partage, on le sent bien, une grand part de cette souffrance enfouie. L'histoire de ce grand-père qui aura la force de construire un monde de fantaisie pour aider son petit-fils à affronter la difficulté de la vie et sa différence.

Plus le narrateur s'engage sur la voie de son passé, plus il construit autour de lui un monde extravagant qui a de grandes similitudes avec celui de Boris Vian. Les poissons nagent dans les éviers, le tas d'ordures dans le hall de l'immeuble ne fait que croître, à tel point qu'il devient nécessaire d'y construire un tunnel, un trapéziste s'élance de sa fenêtre jusqu'à s'écraser contre la paroi de l'immeuble, les précieuses écharpes du narrateur finissent par s'échapper des cages où elles sont enfermées...

Plus le récit progresse, plus l'auditoire s'élargit au café de Lisa. C'est cependant dans l'intimité de son appartement que le narrateur partagera avec ses amis ce que fut le drame de sa vie, qui est aussi l'un des drames de l'Histoire, de l'humanité. C'est là que l'on découvrira ce que cache sa cicatrice et quel est ce poème à travers lequel il se reconnaît.

Ce dénouement permet au lecteur de comprendre beaucoup des choses qui sont écrites dans ce livre. Pour ma part, il m'a également rendue plus indulgente sur le reste du roman. Si je ne suis pas réfractaire à ces univers décalés (je garde un très bon souvenir de L'écume des jours), je me suis ici un peu ennuyée. Le récit du narrateur traîne en longueur, on le comprend, il peine à se livrer, mais le contexte, malgré son originalité, manque également de vitalité. Quant à la construction, répétitive, elle lasse sur la durée : les ordures de l'immeuble, la dame au chien sur le trottoir, la vie du narrateur au bureau, son arrivée au café, sa petite intervention devant un auditoire toujours grand... Une construction répétitive pour une vie fade mais rassurante, voilà de quoi s'ennuyer.

Néanmoins, à la lecture de ce secret que le narrateur cherche à tenir bien cacher sous son écharpe, on comprend mieux ce besoin de se rassurer dans une routine bien rôdée, ce besoin d'embellir la vie de ces univers farfelus pour mieux survivre à son passé. Une compréhension et une indulgence a posteriori qui n'effacent pas ce sentiment de longueur à la lecture.

Ce premier roman a cependant été finaliste du prix Georges-Brassens, fait partie de la sélection Cultura « Talents à découvrir » 2016 et de la première sélection du prix Landerneau. Un auteur à suivre donc.

D'autres avis sur la Collection de livres, chez Domi C Lire, Lire au lit ou encore Vol de livres.




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