Envie de prendre l'air, de partir en vacances, se couper du monde, pour quelques jours ou un peu plus... Le club de lecture de la Librairie Lise & moi nous emmène en mer pour ce mois de février. Le premier titre était Un été, une nouvelle de Vincent Almendros qui nous conduit dans la Baie de Capri pour quelques jours de vacances.
Avec nord nord ouest, nous partons plus au Nord, pour une traversée de la Manche, entre Saint-Malo et l'Angleterre. Pas de tourisme ici mais la fuite de trois adolescents vers l'espoir de jours meilleurs. Je découvre l'auteur, Sylvain Coher, avec ce titre, et regrette de ne pas l'avoir lu plus tôt car je serai très certainement venue l'écouter lorsqu'il a été reçu par la Librairie courant janvier.
Présentation de l'éditeur :
Ils ont traversé la France en diagonale, de la frontière italienne à la Bretagne, et veulent quitter le pays au plus vite. Lucky et le Petit ont poussé comme des frères, à la vie à la mort, et s’en sont toujours sortis en se serrant les coudes. À Saint-Malo, une fille qui s’est entichée de Lucky dérègle leur routine. Le Petit la voudrait loin, ou bien plus près de lui.
L’idée est simple et folle : ils vont rallier l’Angleterre sur un voilier de plaisance. Ils ont grandi dans le calme bleu de la Méditerranée, ne connaissent pas grand-chose de la mer, seule la Fille a naguère pris quelques cours de voile. D’ici deux jours, ils espèrent boire une Guinness dans un bar à marins de l’autre côté de la Manche. Une vie nouvelle pourra commencer…
Dans ce huis clos à ciel ouvert, la mer, mystérieuse étendue de beauté fourbe, confronte chacun aux deux autres et à ses propres cauchemars. La liberté et la peur, la solidarité et la solitude, la jeunesse et la destinée, tels sont les motifs de ce voyage incertain sublimé par une écriture au rythme précis, aux métaphores saisissantes, à la poésie vénéneuse.
Ma lecture :
"Ils s'assirent un instant tous les trois parmi les cordages emmêlés, entre les deux winches en bronze. La Fille ramena les écoutes du génois derrière les points de tire. La barre allait et venait toute seule, comme si quelqu'un jouait du safran sous la ligne de flottaison. Autour, la mer martelait la carène avec une impatience mal contenue." (Nord nord ouest - Sylvain Coher - Éditions Actes Sud - page 74)
Cela commençait pourtant bien mal... Lucky et Le Petit fuient un drame qui s'est déroulé en Italie. Ils embarquent avec eux La Fille, dont on ne saura jamais le nom, et qui se joint à eux pour fuir un quotidien familial que l'on devine bourgeois et ennuyeux. Ce début où Lucky, Le Petit et La Fille s'aventurent à Saint-Malo, a eu du mal à m'embarquer. J'ai dû me fait violence pour poursuivre ma lecture. Les trois personnages dont on ne sait rien ne m'intéressaient pas.
Et puis enfin, il est question de traverser La Manche, pour prendre encore plus de distance avec ce drame qui se dévoile lentement au long du roman. La Fille propose de prendre la mer, Lucky y croit et prend les choses en main, tandis que Le Petit, égal à lui même, fait confiance et suit le mouvement. Et là, l'histoire de ces trois jeunes gens, adolescents, commencent à me toucher. Le Petit d'abord, ayant une confiance aveugle en Lucky qui représente pour lui un ami, le meilleur, une famille, un confident et, on le sent, son seul point de repère. Puis Lucky, qui s'est attaché au Petit qu'il connait depuis toujours et dont il se sent responsable. La Fille enfin, qui cherche une attention, un but et veut donner du sens à sa vie.
"Lucky repoussa l'annexe dans l'eau et tendit le bras pour l'aider à monter. Le Petit regroupa ses chaussures dans une main et entra dans l'eau à tout petits pas. Le froid mordant lui arracha un gémissement. Il jura, enjamba maladroitement l'annexe et se laissa glisser dans le fond. L'odeur de poisson lui donne la nausée. La Fille retira également ses chaussures. Lucky la souleva par la taille pour la faire entrer dans l'annexe. Il leur posa sur les bras la cagette en bois et le carton plein de provisions." (Nord nord ouest - Sylvain Coher - Éditions Actes Sud - page 66)
Mais la lecture ne s'enchaîne pourtant pas si facilement ensuite. La succession de termes techniques propres au milieu de la voile m'a d'abord agacée. Là encore, je me suis accrochée en me disant que cela finirait bien par passer et que la description des manœuvres n'était pas la finalité du roman. Et effectivement, cela s'estompe, à moins que j'y ai fait moins attention, ne prenant ces passages que comme le témoignage de la difficulté de l'entreprise. Et je me suis laissée happer par le récit. Par cette tension qui ne cesse de croître, débutant par les tâtonnements, les apprentissages en pleine mer, le mal de mer, l'impréparation de cette traversée. Puis, progressivement les gestes se font plus sûrs, le bateau, véritable acteur de cette aventure, s'impose sur l'eau et les trois jeunes gens commencent à goûter au plaisir de la mer, du large, de cette liberté absolue qui les entoure. La mer est calme, le temps est avec eux.
Saint-Malo dans la tempête (Ouest-France - Février 2014) |
Puis, comme les vagues en pleine mer, le récit suit des phases d'enthousiasme, d'euphorie presque, puis des moments de profonde angoisse, comme lorsqu'il faut aborder cette première nuit en pleine mer. Mais ce moment inquiétant se révèle aussi être plein d'émotions et de sensations pour les apprentis marins. Le récit suit ainsi le rythme des vagues, avec un vent de forcer 3 ou 4 puis 5 d'abord pour finir en tempête. Les risques, les peurs, les drames, sont particulièrement touchant à ce moment du récit où l'on s'est attaché aux personnages et où l'identification est entière. J'en resterai là pour ne pas dévoiler le dénouement de ce récit très fort, plein de suspens et d'émotion. Tellement prenant que j'ai fini par me lever en pleine nuit pour lire deux bonnes heures.
Bishop Rock, au large de la Cornouailles Anglaise. |
Un superbe récit sur la mer, l'amitié, l'espoir et la liberté. Un texte à mettre entre toutes les mains de ceux qui aiment la mer, en particulier celle que l'on trouve en Bretagne, pleine de mouvement et d'émotions, de couleurs, de puissance, de rêves de liberté, de peurs et de récits héroïques (je sais à qui je vais immédiatement le donner à lire...). Pour ce qui me concerne, ce récit m'a donné envie d'aller faire de la voile en pleine mer pour découvrir l'émotion d'une nuit sur l'eau et se laisser enivrer par les embruns. Un jour peut-être...
Nord nord ouest de Sylvain Coher. Éditions Actes Sud, janvier 2015. 272 pages.
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Voici donc ma seconde lecture pour le Club de lecteurs de février organisé par la librairie Lise & moi, et de ma première participation au Challenge de la rentrée littéraire d'hiver à retrouver chez Laure.
je ne connais pas non plus cet auteur, merci pour cette découverte!
RépondreSupprimerAssez d'accord avec toi sur la conclusion, un très beau roman, pourtant, moi, je partais emballé par le début contrairement à toi, c'est la technique de voile qui m'a profondément agacé et certaines longueurs...
RépondreSupprimerTrès peu pour moi, je n'ai pas du tout le pied marin.
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