Auteur : Hoai Huong Nguyen
Titre : L'ombre douce
Broché : 155 pages
Editeur : Editions Viviane Hamy
Collection : DF-contemporain
Edition : 17 janvier 2013
Terrifiant de poésie et de douceur...
Terrifiant de poésie et de douceur...
Présentation de l'éditeur :
1954, la guerre d'Indochine touche à sa fin. Dans un hôpital militaire français de Hanoï, Mai, une jeune Annamite qui aide les équipes médicales, croise le regard de Yann, un soldat breton blessé à la poitrine. C'est le coup de foudre. La fougue, la candeur, la jeunesse leur font croire qu'ils pourront vivre librement leur passion. Mais le père de Mai, juge influent, l'a promise à un autre. Elle s'insurge, elle est bannie de la famille...
A peine marié, Yann doit rejoindre les bataillons de la cuvette de Diên Biên Phu. Pluie, bombardements, boue, corps-à-corps : c'est l'apocalypse. Après la défaite, Yann n'est que l'un des milliers de prisonniers condamnés aux marches infernales vers les camps d'internement. Mai est prête à tout pour le tirer de l'abîme.
Dans une langue précise, poétique, avec grâce et pudeur, Hoai Huong Nguyen peint le Vietnam d'hier et un amour, frêle esquif, qui affronte la violence d'une guerre. L'histoire de Mai et de Yann laisse percer la lumière des humbles héros qui croient à la liberté et à l'absolu malgré les vicissitudes de l'Histoire.
Hoai Huong Nguyen, dont le prénom signifie "se souvenir du pays", est née en 1976, en France, de parents vietnamiens. Détentrice d'un doctorat de Lettres modernes portant sur "L'eau dans la poésie de Paul Claudel et celle de poètes chinois et japonais", elle est actuellement enseignante.
Ma lecture :
Voici ma cinquième et dernière lecture (dernière avant l'échéance...) dans la liste concoctée pour le Comité de lecteurs sur le thème des premiers romans. C'est un peu par hasard que j'ai choisi ce dernier titre, qui m'a pourtant conquise.
Le scénario en lui même est relativement simple : Yann, un jeune breton tout droit venu de Belle-Ile, rencontre Mai, une jeune annamite venue le soigner à l'hôpital De Lanessan, hôpital colonial de Hanoï. Yann, jeune homme rêveur, contemplatif, s'engage en 1953 dans l'armée pour fuir une existence trop terne et dans l'espoir de voir autre chose. Il se retrouve à l'autre bout du monde, en pleine guerre d'Indochine. Mai est une jeune fille dont son père ne sait que faire et qu'il envoie au convent pour faire son instruction. Après avoir refusé le mariage qui lui était proposé, Mai est banni de sa famille. Elle retourne chez les sœurs du couvent des Oiseaux, symbole le plus prestigieux de la geste française en Indochine, où jamais son entourage ne cherchera à la retrouver.
Hoan Kiem - Hanoï |
La plume de Hoai Huong Nguyen est pure, douce et légère. Le récit est poétique. La rencontre de Yann et de Mai est décrite avec beaucoup de délicatesse. Si l'Histoire est présente dans le récit, au début elle reste un peu à distance. Les lieux de Hanoï, comme l'hôpital De Lanessan ou le couvent des Oiseaux, font le lien avec cette Indochine des années 1950. Mais c'est à l'histoire de Yann et de Mai que s'attache Hoai Huong Nguyen. A la nature aussi, toujours très présente et très belle.
Puis vient le moment du départ, de la séparation, du retour de Yann sur le champ de bataille. Yann est envoyé à Dien Bien Phu. Et ce qui ne devait être qu'une expédition facile pour l'armée considérée comme la meilleure du monde, tourne au drame et à l'enfer. Les moyens logistiques considérables mis en œuvre s'avèrent bien dérisoires au regard de la tactique employée par le Viet-Minh, cette armée de jeunes garçons n'ayant rien à perdre et creusant ses galeries sous les positions françaises. Yann est prisonnier dans ce cauchemar. Mai reste seule, à Hanoï où elle continue à soigner les blessés qui affluent, sans avoir de nouvelles de Yann. Les deux amoureux plongent dans les horreurs de la guerre et de l'Histoire.
A la reddition française, les prisonniers français sont conduits dans des camps. Yann sera de ceux-ci. Mai est cependant prête à tout pour le faire libérer. Mais elle ira trop loin, au-delà du supportable. Tous deux, comme des milliers d'êtres humains, seront allés trop loin. Plus rien ne sera jamais plus comme avant. Ils ne reviendront plus les mêmes. L'horreur et la douleur sont poignants dans le texte de Hoai Huong Nguyen, qui reste toujours d'une grande douceur, amère, très poétique. Les âmes sensibles doivent savoir à quoi s'en tenir : il est des livres qui laissent une marque profonde au fond des cœurs. L'ombre douce est sûrement de ceux-là.
10 ans plus tard, ce sont les américains qui se retrouvent embourbés dans l'enfer du Vietnam. Les images de ce livre n'ont pas manqué de me rappeler un film qui m'avait profondément marqué lui aussi : Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, avec Marlon Brando et Martin Sheen. Cela fait probablement plus de 20 ans que je l'ai vu mais ses images restent pourtant gravées dans ma mémoire. C'est de cette même horreur dont parle Hoai Huong Nguyen, avec une violence contenue, sourde, une douceur cruelle et intolérable.
Dans ce roman, l'auteure nous dépeint également, avec beaucoup de précision, un pays plein de richesses et de traditions, une nature somptueuse où l'eau est omniprésente (le fleuve, la pluie, la mousson... jusqu'à l'océan breton de Belle-Ile).
Un premier roman fort, poignant, que je ne peux que vous conseiller.
Dans ce roman, l'auteure nous dépeint également, avec beaucoup de précision, un pays plein de richesses et de traditions, une nature somptueuse où l'eau est omniprésente (le fleuve, la pluie, la mousson... jusqu'à l'océan breton de Belle-Ile).
Un premier roman fort, poignant, que je ne peux que vous conseiller.
"Dans la nuit bleue
disparaissent
les larmes
La lune odorante
sous les cris
des oiseaux
Dans le souffle du jour
un pur sile n c e
a traversé la neige
Délices de l'azur -
ton âme frêle
s'égare sur les cerisiers"
(L'ombre douce - Hoai Huong Nguyen - Ed. Viviane Hamy - page 157)
D'autres avis chez Anne, Argali et Mimi.
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Il s'agit d'une (merveilleuse) Plume au féminin découverte dans le cadre du Comité de lecteurs. A inscrire également au challenge de Philippe, Lire sous la contrainte, 14ème session et bien sûr au défi Premier roman de Daniel.
Ah oui, un très beau livre qui trace son chemin en nous... un couple et des images inoubliables (comme celle des parachutes-fleurs...)
RépondreSupprimerC'est vrai... Les descriptions sont si précises et évocatrices qu'il m'a semblé feuilleter aussi un livre d'images.
SupprimerUn récit poétique? Il pourrait me plaire...
RépondreSupprimerMerci pour cette participation à mon challenge.
Bonne semaine.
Sans aucun doute. Un récit particulièrement marquant.
SupprimerMagnifique billet. Merci pour cette découverte.
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