Titre : Les moissons du futur
Comment l'agroécologie peut nourrir le monde
Broché : 297 pages
Éditeur : La Découverte - Arte Éditions
Sortie 11 octobre 2012
A lire et méditer...
«
Si on supprime les pesticides, la production agricole chutera de 40 %
et on ne pourra pas nourrir le monde. » Prononcée par le patron de
l’industrie agroalimentaire française, dans une émission télévisée,
cette affirmation est répétée à l’envi par les promoteurs privés ou
publics de l’agriculture industrielle. De son côté, après les émeutes de
la faim qui ont secoué la planète depuis 2007, Olivier de Schutter, le
rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation des Nations Unies,
affirme qu’il faut «changer de paradigme», car « l’agriculture est en
train de créer les conditions de sa propre perte ». Pour lui, « seule
l’agroécologie peut relever le défi de la faim et répondre aux besoins
d’une population croissante », ainsi qu’il l’a déclaré, le 8 mars 2011
devant le Conseil des droits de l’homme à Genève. D’après la FAO, il
faudra augmenter la production agricole de 70 %, pour pouvoir nourrir
les 9 milliards d’habitants que comptera le monde en 2050. Comment y
parvenir ? C’est à cette question que tente de répondre Marie-Monique
Robin, en menant l’enquête sur quatre continents (Afrique, Asie,
Amérique du Nord et du Sud, Europe). S’appuyant sur les témoignages
d’experts (scientifiques et représentants d’organismes internationaux)
mais aussi de nombreux agriculteurs, elle dresse le bilan du modèle
agro-industriel qui, après un demi siècle, n’est pas parvenu à nourrir
le monde, tandis qu’il participait largement au réchauffement
climatique, épuisait les sols, les ressources en eau et la biodiversité,
et poussait vers les bidonvilles des millions de paysans. Elle montre
que, pratiquée sur des exploitations à hauteur d’homme, l’agroécologie
peut être hautement efficace d’un point de vue agronomique et économique
et qu’elle représente un modèle d’avenir productif et durable. Du
Mexique au Japon, en passant par le Malawi, le Kenya, le Sénégal, les
États-Unis et plusieurs pays européens, son enquête montre que « l’on
peut faire autrement » pour résoudre la question alimentaire en
respectant l’environnement et les ressources naturelles, à condition de
revoir de fond en comble le système de distribution des aliments et de
redonner aux paysans un rôle clé dans cette évolution indispensable à la
survie de l’humanité.
Marie-Monique Robin,
journaliste et réalisatrice, est lauréate du Prix Albert-Londres
(1995). Elle a réalisé de nombreux documentaires – couronnés par une
trentaine de prix internationaux – et reportages tournés en Amérique
latine, Afrique, Europe et Asie. Elle est aussi l’auteure de plusieurs
ouvrages, dont à La Découverte, en coédition avec Arte Éditions, les
best-sellers Le Monde selon Monsanto (2008, 2009) et Notre poison quotidien (2011).
Ma lecture :
Cela fait une petite éternité que je suis sur ce titre.
On
m'avait prévenue : "Tu vas voir, le propos est un peu auto centré...
mais il faut passer au-dessus de cela, ça vaut vraiment le coup." Je me
suis donc accrochée car effectivement, Mme Robin parle beaucoup
d'elle...
Et grand bien m'a pris : les débuts sont totalement passionnants. Dans le premier chapitre, intitulé "Mettre la plume dans la plaie" : l'arbre de vie du Malawi,
l'auteure nous présente une expérience réussie d'agroforesterie au
Malawi. Et dès ces premières pages, on comprend que durant toute la
lecture, nous allons nous révolter !
Nous révolter
contre ces grands groupes agro-industriels qui détruisent notre
planète, exploitent des populations entières, les affament, exercent une
pression sur les gouvernements et les organisations internationales
telles que le FMI (à moins que ce ne soit un complice...), pour parvenir
à leurs fins et engendrer encore plus de profits.
Nous révolter
contre ces grands décideurs de tous pays qui se laissent manipuler par
les lobbys et dicter leurs lois au mépris du droit le plus élémentaire à
une alimentation suffisante et de qualité.
Nous révolter
parce que contrairement à ce que l'on nous répète à l'envi, des
solutions existent, ont fait leurs preuves, et ce sur tous les
continents !
L'agroforesterie
se définit comme un mode d’exploitation des terres agricoles associant
des plantations d'arbres aux cultures, pâturages et élevage. Ces modes
de production offrent de multiples avantages tant en termes de
productivité, d'écologie (moindre utilisation, voire abandon des engrais
chimiques et autres pesticides), sur la biodiversité, dans la lutte
contre les effets climatiques, les pollutions, inondations...
Parallèlement
à cet exposé sur les avantages de l'agroforesterie, et partant de là,
de l'agroécologie, Marie-Monique Robin nous présente également les modes
de pression (chantage ?) de sociétés telles que Monsanto, Cargill et
consorts sur les pays en développement pour la promotion de leurs
produits, toxiques et d'un coût exhorbitant pour les populations. Tout
cela avec la bénédiction, la complicité, du FMI et de la Banque Mondiale
!
Après
un passage plus difficile à lire de mon point de vue, où MM Robin nous
trace une histoire / philosophie du courant agroécologique et biologique
(et sur lequel je suis restée bloquée un long moment...), l'auteure
nous conduit de nouveau à travers le monde à la découverte d'expériences
confirmant toutes qu'un autre mode de production alimentaire est
possible, plus juste, plus durable, respectant l'environnement et les
populations paysannes... et surtout, en capacité de nourrir l'humanité avec des produits de qualité !
Et
là, mon sang bout !!!! Je ne m'en suis toujours pas remise ! On a beau
le savoir, il est toujours difficile de le lire aussi clairement : on nous prend pour des imbéciles
(pour être polie) !!!! Ce livre est bourré d'exemples ! J'en en ai
relevé des pages et des pages dans la perspective de ce billet ! Mais au
risque de paraphraser ce livre, je vais me contenter de vous en
présenter un seul... L'ALENA.
L'ALENA est l'accord de libre échange de l'Amérique du Nord, conclu entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. L'objet : l'ouverture des frontières aux produits, agricoles notamment. Et la suppression de toutes les aides aux petits producteurs... au Mexique.
Résultats
: les produits agricoles américains, massivement subventionnés,
produits à grands renforts de pesticides et engrais chimiques
particulièrement toxiques pour l'être humain et l'environnement, de
systèmes d'irrigations destructrices des nappes phréatiques... ces
produits inondent le marché mexicain contraint d'ouvrir ses frontières
et de supprimer les aides aux petits paysans.
Conséquence 1 : exode rural massif
au Mexique, accroissement de la pauvreté dans les campagnes, explosion
de l'immigration clandestine aux États-Unis (où les mexicains, sans
papiers, sont très largement employés par les grandes firmes de
production agro-industrielle, leur statut illégal leur offrant un
avantage certain sur les travailleurs américains, protégés et mieux
payés...). Les campagnes mexicaines se vident de leurs jeunes et des
hommes, chargés d'envoyés de l'argent gagné aux USA dans leurs familles
au Mexique. Les travailleurs américains de leur côté, perdent leur
job...
Conséquence 2 : le Mexique est invité à produire massivement pour les agrocarburants
consommés par les USA et l'Europe. L'agriculture vivrière est largement
remplacée par une production destinée à l'exportation. Les marchés et
la spéculation font que les cours des produits alimentaires de base sont
fluctuants, au détriment là encore des populations les plus pauvres.
Conséquence 3 : l'industrie de la drogue
est devenue le seul marché rémunérateur au Mexique, développant ainsi
les phénomènes de gangs et la violence. Le Mexique est devenu le pays le plus dangereux de la planète.
Tous
ces pays, d'Amérique du Sud, d'Afrique, d'Asie... étaient auto suffisants en matière alimentaire. Ils sont tous devenus largement
dépendant des productions nord-américaines et européennes, toutes deux
aussi largement subventionnées (PAC). Tous peuvent remercier le FMI ou la Banque Mondiale
qui leur imposent, en cas de crise (financière, climatique,
alimentaire...) d'ouvrir leurs frontières et de supprimer les
subventions aux petits producteurs.
Au
Sénégal, de petits paysans ont été chassés de terres en bordure de
fleuve pour permettre la construction d'un barrage destiné à
l'irrigation de culture intensives... européennes !!!! et françaises
notamment...
Ces initiatives sont largement soutenues (si ce n'est pilotées) par des firmes telles que Monsanto
qui, sous prétexte de faire dans la "charité", inondent les marchés en
développement de semences hybrides ou transgéniques ne permettant pas au
paysan de recueillir les graines pour les semer l'année suivante
(notion du droit de propriété intellectuelle...) et nécessitant un usage
massif de produits (intrants) chimiques. Ou comment créer la dépendance
et faire disparaître les espèces végétales autochtones, et par là même la biodiversité
! Quand vous saurez que l'investissement humanitaire de Mr Bill Gates
se traduit par des investissements massifs dans toutes les recherches
conduites par le groupe Monsanto... vous serez moins prompts à leur
croire réellement altruiste.
Le
pire dans ce livre, c'est de voir à quel point chacun à conscience
d'être dans un cercle infernal, qu'il faudrait si peu pour en sortir...
et que pourtant, il semble si difficile de croire que les gouvernements
s'insurgent contre cet état de fait.
Il
y aurait encore tellement à dire sur ce livre passionnant et terrifiant
à la fois, exaltant et révoltant en même temps (comme par exemple le
nombre de cancers dus aux pesticides, le coût pour les États et la
nature de ces usages abusifs...) : je vous invite vivement à le
découvrir. Vous pouvez également consulter le site de Marie-Monique Robin et regarder ses films.
Deux exemples enfin, qui viennent ajouter encore de l'eau au moulin de Mme Robin.
Comme
dans les Deux-Sèvres de l'auteure, le Morbihan de mes parents connaît
son lot d'agriculteurs sous le joug d'un mode d'exploitation inhumain.
Il y a celui qui, pour payer les emprunts qu'il a dû contracter pour
rembourser les tracteurs lui permettant de faire de l'intensif et
d'arroser son champ de produits toxiques, doit travailler en plus à
l'usine au prix du bien-être de sa famille et son équilibre
psychologique. Il y a celui, enfin, qui endosse combinaison, gants et
masque pour traiter ses champs, comme dans la bande-annonce ci-dessus,
et qui produit, à bonne distance et pour son compte personnel, des
produits biologiques...
Comme
le disent de nombreux témoins dans cet ouvrage, l'agriculture intensive
n'a pas réussi à nourrir le monde depuis 60 ans. Il est temps de "changer de paradigme" et de revoir notre conception d'une société juste, équilibrée et respectueuse (de l'environnement et des Hommes).
L'avenir appartient à une humanité respectueuse de ses enfants et de son environnement.
**********
Une lecture idéale pour commencer cette nouvelle année du Challenge citoyen !
C'est aussi une lecture pour le rendez-vous de Opaline, La plume au féminin.
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