10 août 2020

La vie quand elle était à nous - Marian Izaguirre

 

Madrid, 1951. Lola regrette le temps où son existence était peuplée de promesses et d'illusions, de livres et de discussions enflammées, d'amour et de projets pour bâtir une Espagne démocratique. L'espoir de 1936. Il ne lui reste de cette époque qu'une petite librairie dans les ruelles sombres d'un quartier de Madrid. C'est là que Lola fait la connaissance d'Alice, une Anglaise dont elle partage la passion pour la littérature. Intriguée par un livre en vitrine, Alice entraîne Lola dans une lecture singulière et bouleversante de La Fille aux cheveux de lin, l'histoire de Rose, soupçonnée d'être la fille du duc d'Ashford. Lola et Alice l'ignorent encore, mais cette histoire pourrait bien lier leur destin pour toujours...
« La vie quand elle était à nous célèbre l'amitié, la complicité féminine et la littérature, devenue un refuge dans une époque troublée. » El País

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Sixième et dernière lecture "espagnole" pour le club de lecteurs de la bibliothèque, momentanément suspendu pour cause de Coronavirus. Les autres titres de la sélection étaient les suivants : Le temps de la haine, de Rosa Montero, Comme les amours, de Javier Marias, Les soldats de Salamine, de Javier Cercas, Le puits, de Ivan Repila et, enfin, Une mère, de Alejandro Palomas, lu il y a déjà quelques années. Pour être honnête, seul Le puits m'a touchée. Les autres titres m'ont ennuyée ou, au mieux, laissée indifférente. Je n'étais pas loin d'en avoir conçu un a priori négatif pour la littérature espagnole, comme je peux en avoir pour les auteurs islandais (et pourtant tout le monde sait à quel point se pays m'attire) !

Heureusement, la lecture du premier livre de Marian Izaguirre traduit en français a bien vite balayé mes présupposés (même s'ils n'ont pas totalement disparus…). J'ai en effet vite été transportée dans ce récit qui m'a fait voyager entre l'Espagne de Franco en 1951, celle de tous les espoirs du front populaire en 1936, et la France et l'Angleterre de 1914 à la fin de la seconde guerre mondiale. Si je dis que mes a priori n'ont pas totalement disparus, c'est que l'histoire de La fille aux cheveux de lin, Rose, fille illégitime du duc d'Ashford, prend une place très importante dans ce récit, entre la Normandie, l'Angleterre et le Paris de la Belle époque. Et que j'ai eu grand plaisir à retrouver à travers la plume de cette auteure espagnole l'énergie, la futilité et la vivacité de cette bourgeoisie anglaise qui voyage de Londres à Paris, de Deauville aux collines du Surrey. J'ai adoré retrouvé un peu de l'atmosphère des livres de Jane Austen ou de Wilkie Collins, faits d'histoires de familles bourgeoises toutes entières occupées à leurs loisirs, aux soirées mondaines et à leur apparence.

Dans cette partie du récit, l'auteure nous fait connaître la vie intellectuelle parisienne, l'avènement des cabarets, le music-hall, le jazz et les cocktails, les automobiles, une prise d'indépendance des femmes, le raccourcissement des jupes, les croisières transatlantiques, la littérature… J'ai d'ailleurs profité de cette lecture pour me faire une petite liste de livres à lire, réunissant James Joyce, William Faulkner, Joseph Conrad, Emily Dickinson, Katherine Mansfield ou George Byron... En ce sens, j'ai parfois eu l'impression de lire un auteur anglais. D'où mon petit reste d'a priori sur la littérature contemporaine espagnole.

"Parfois avant de commencer ma lecture, surtout si c’est un nouveau livre, j’aime le garder un moment entre les mains. Henry disait que je réchauffais les livres comme les Anglais les théières avant de commencer à préparer le thé. C’est vrai, j’aime faire cela. C’est un petit rituel qui fait partie de mon approche particulière de la lecture. J’ai besoin de toucher le livre, de le reconnaître de la paume de la main. Je le parcours de la pulpe des doigts, lentement, très lentement, jusqu’à ce que la rugosité du papier, du cuir ou de la toile me devienne familière. Je touche le livre pour que nous fassions mieux connaissance."

Le second volet du récit, tout aussi intéressant, et qui s'entremêle à la première histoire, se passe en Espagne, dans les rues de Madrid en 1951. On y croise Alice, cette "vieille" anglaise d'une cinquantaine d'années qui cherche à donner un sens à son existence, et Lola, qui a vu ses rêves brisés par le régime de Franco. Toutes deux vont se retrouver dans la librairie de Matias, le compagnon de Lola, autour du livre La fille aux cheveux de lin. Elles noueront une complicité d'abord autour de ce récit et bientôt beaucoup plus. Ces moments dans la toute petite librairie de Matias et Lola, l'énergie qu'ils déploient pour attirer les lecteurs et assouvir le plaisir de leurs clients les plus fidèles, m'ont fait songer à l'atmosphère un peu mystérieuse et magique des livres de Carlos Ruiz Zafon, comme Le cimetière des livres oubliés.

Il y a dans ce livre tout ce que j'aime trouver dans mes lectures : la poésie, la légèreté, un peu de culture et de frivolité, la magie et le mystère également, le suspens et l'amitié, et enfin, un côté historique qui donne de la densité au récit. Ce livre est enfin un magnifique hommage à la littérature !
Il est dommage que cette auteure ne soit pas plus traduite en français, mais en attendant, je lirai très certainement D'Elizabeth à Teresa, le second livre de l'auteure paru en français.

"Cet hiver-là a été terrible. Je ne me suis jamais sentie aussi seule. Heureusement, il y avait des livres, des livres, des livres… Des histoires où se réfugier, grâce auxquelles fuir. Des livres."

Pour découvrir d'autres billets sur ce livre peu vu sur les blogs, je vous invite à aller lire ceux de Lettres Exprès, Les lectures d'Aydora, Stéphanie plaisir de lire ou encore dans le Manoir aux livres.


La vie quand elle était à nous - Marian Izaguirre
Editions Pocket - 1ère parution en France en septembre 2015 chez Albin Michel - 448 pages



 




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