14 janvier 2018

Faire mouche - Vincent Almendros

J'ai découvert Vincent Almendros en 2015 avec Un été, un petit texte (96 pages) évoquant la sortie en mer de deux couples, en baie de Naples. Quelques jours de vacances anodins qui finissent par générer un malaise, sans que l'on imagine quelle pourra en être l'issue. Ce sont les derniers mots de cette longue nouvelle qui finit de déstabiliser totalement le lecteur. Un vrai bonheur.
On retrouve avec "Faire mouche" la construction du livre précédent, avec 126 pages cette fois et un dénouement moins surprenant, que l'on sent même venir de loin. Néanmoins, le talent de description de l'auteur rend la lecture particulièrement jubilatoire.

Faire mouche de Vincent Almendros.
Editions de Minuit, 04 janvier 2018, 126 pages.


Présentation de l'éditeur :

À défaut de pouvoir se détériorer, mes rapports s'étaient considérablement distendus avec ma famille. Or, cet été-là, ma cousine se mariait. J'allais donc revenir à Saint-Fourneau. Et les revoir. Tous. Enfin, ceux qui restaient. Mais soyons honnête, le problème n'était pas là.


Ma lecture :

Le texte est court, et doit être lu d'une traite, sans sortir de cet univers familial oppressant.

Tout est dit dans la présentation de l'éditeur en quatrième de couverture. Mais tout est tu à la fois.

Le narrateur de cette histoire revient dans le village de son enfance pour le mariage de sa cousine. Il est accompagné de Claire dont on comprend très vite que sa présence n'est pas anodine. Dès les premières pages, le lecteur retrouve un univers lourd de secrets que Vincent Almendros nous avait déjà fait découvrir dans Un été. Dès les premiers mots, naissent des questions que l'auteur va prendre plaisir à multiplier tout au long du récit. On comprend vite que le passé a laissé des traces, mais Vincent Almendros plonge son lecteur dans un brouillard dense, qui crée une tension palpable. On s'attend à chaque tournant de page à voir des secrets révélés et la famille imploser. Mais on ne sait jamais d'où peut venir l'étincelle. Sous l'aspect d'une histoire des plus banales, un trouble se développe jusqu'à devenir une menace que l'on sent planer au-dessus du narrateur et de sa compagne.

Comme dans "Un été", Vincent Almendros prend appui sur un évènement banal (là une virée en mer, ici un retour en famille pour la noce d'une cousine) qui est pour lui prétexte à créer un univers très précis, descriptif, où chaque détail sonne très juste. Le lecteur plonge dans un monde qui finit par se resserrer autour de lui et l'oppresser. Je ne rentrerai pas plus dans le détail du livre de peur de trop en révéler et de détruire cette ambiance créée avec talent par l'auteur.

"Je voulu m'approcher de la fenêtre pour vérifier s'il y avait quelqu'un à l'intérieur de la maison, mais l'accès était rendu incommode par la présence, dans la véranda, d'un guéridon sur lequel était posé un cageot rempli d'un monticule d'épluchures de pommes de terre. Je dus me pencher en évitant de renverser un pot de fleurs. Derrière un rideau blanc ajouré, je reconnu la longue table de la cuisine.  Mais il n'y avait personne, ni aucune lumière dans la cuisine." (Faire mouche - Vincent Almendros)

On s'y croirait : quelle que soit la région dans laquelle nous avons grandit, où vivaient nos grands-parents, où nous avons passé quelques jours de vacances... nous nous retrouverons dans cet univers de campagne  à l'abandon que nous dépeint l'auteur. Les vieilles maisons que l'on n'ouvre que rarement, dont les planchers grincent, qui sentent l'humidité, le moisi et l'antimites, dont les murs sont recouverts de vieux papiers peints et les lits froids, humides, en vieux bois sombre... Ces descriptions sont un vrai régal.

Dans ce récit comme dans Un été, la tension monte au fil des pages, progressivement le malaise grandit... jusqu'à la chute dans les toutes dernières pages. Mais contrairement à son livre précédent, l'auteur ne m'a pas vraiment surprise ici, je l'avais senti venir ce dénouement. Il est par ailleurs moins dérangeant, moins troublant, me semble-t-il que dans Un été (on s'habitue à tout il faut dire). Je m'attendais à être autant surprise et déstabilisée que dans cette dernière lecture, ce ne fut pas le cas. C'est peut-être un petit regret. Néanmoins, j'ai tellement aimé être plongée dans ce décor, que je ne lui en tiendrai pas rigueur.

La lecture des récits de Vincent Almendros est particulièrement excitante, captivante : un univers d'une petite centaine de pages dans lequel on plonge brusquement pour n'en sortir que 2-3 heures plus tard presque asphyxié. A découvrir si vous étiez passé à côté de Un été.

Je vous invite également à lire le très beau billet de Moka.


http://bgarnis.canalblog.com/archives/2018/01/03/36012822.html
1ère lecture

6 commentaires:

  1. Un auteur que je ne connais pas, mais que tu me donnes envie de découvrir.

    RépondreSupprimer
  2. J'avais beaucoup aimé son texte précédent, c'était déjà oppressant.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense que j'ai une préférence pour Un été. Mais celui-ci est aussi très bien.

      Supprimer
  3. Tout le monde en parle ! J’ai très envie de le lire, merci de ta participation :)

    RépondreSupprimer
  4. j'avais trouvé Un été un peu léger, alors, je crois que je vais m'abstenir cette fois

    RépondreSupprimer