Encore un livre sur la Seconde guerre mondiale, la Shoah, les camps... Sans doute. Mais doit on regretter que des auteurs continuent à parler de cette période tragique de l'histoire ? Doit on chercher à oublier ces pages sombres notre histoire commune ? Il me semble que ces récits sont nécessaire et peuvent être nos garde-fous dans des moments plus troublés, où tous les prétextes sont bons pour attiser les haines. D'autant que Sébastien Spitzer nous propose ici l'histoire peu connue de Maria Magdalena Goebbels, l'épouse de Joseph Goebbels et "Première dame" du Troisième Reich.
Ces rêves qu'on piétine de Sébastien Spitzer.
Éditions de l'Observatoire, 23 août 2017, 304 pages.
Présentation de l'éditeur :
Sous les bombardements, dans Berlin assiégé, la femme la plus puissante du IIIe Reich se terre avec ses six enfants dans le dernier refuge des dignitaires de l’Allemagne nazie. L’ambitieuse s’est hissée jusqu’aux plus hautes marches du pouvoir sans jamais se retourner sur ceux qu’elle a sacrifiés. Aux dernières heures du funeste régime, Magda s’enfonce dans l’abîme, avec ses secrets.
Au même moment, des centaines de femmes et d’hommes avancent sur un chemin poussiéreux, s’accrochant à ce qu’il leur reste de vie. Parmi ces survivants de l’enfer des camps, marche une enfant frêle et silencieuse. Ava est la dépositaire d’une tragique mémoire : dans un rouleau de cuir, elle tient cachées les lettres d’un père. Richard Friedländer, raflé parmi les premiers juifs, fut condamné par la folie d’un homme et le silence d’une femme : sa fille.
Elle aurait pu le sauver.
Elle s’appelle Magda Goebbels.
Ma lecture :
Alors que l'on assiste à la chute du Troisième Reich et à la fin dramatique, et terrifiante, de Maria Magdalena Goebbels, cette femme portée par la soif du pouvoir et de la reconnaissance, Sébastien Spitzer partage avec son lecteur les angoisses et les espoirs des survivants des camps qui portent en eux les témoignages et la mémoire de ceux avec lesquels ils ont partagé leur destin tragique et qui n'auront pas pu en revenir vivants. Cependant, par la parole et les écrits des survivants, ce sont ces millions de morts qui continuent à vivre dans nos mémoires, comme notamment Richard Friedländer, riche commerçant juif et père adoptif de Magda Goebbels, mort lui aussi dans les camps, ou Viktor Arlosoroff, une des grandes figures du sionisme en Palestine et qui fut le premier grand amour de Magda Goebbels.
Deux récits se croisent dans ce roman. Celui de Magda Goebbels qui voit son empire et ses rêves de puissance s'effondrer, et qui finira par se suicider le 30 mars 1945 à la suite de Hitler et de sa femme Eva Braun, et après avoir pris soin de tuer ses six enfants. Il y a aussi le récit des survivants de cette guerre terrifiante, qui, tels une chaîne humaine tendue vers la liberté et l'espoir, se transmettent les messages de ceux qui n'auront pas eu la chance de survivre. Parmi ceux-ci, il y avait donc Richard Friedländer, le père adoptif de Magda Goebbels.
Outre l'histoire que nous raconte Sébastien Spitzer, stupéfiante et terrifiante à la fois, le style de l'auteur et la construction du roman font de ce récit un document indispensable pour ne jamais oublier que l'horreur est toujours possible, quelles qu'en soient les circonstances.
En effet, comment imaginer cette femme, née d'une union illégitime entre un ingénieur allemand et son employée de maison, Magda Behrend, adoptée plus tard par un riche commerçant juif qui lui a donné l'éducation lui permettant de gravir les échelons de la société jusqu'à épouser Günther Quandt, l'un des hommes les plus riches d'Allemagne, fermer les yeux sur les pires horreurs que l'Histoire ai pu connaître pour suivre fanatiquement la voix tracée par Hitler... Sans doute sa soif du pouvoir, de l'ascension sociale, sa quête d'une idéologie à soutenir et pour laquelle s'engager, l'ont elles conduite à renier son père adoptif et son premier amour, Viktor, pour lequel elle avait pourtant appris l'hébreu, à épouser Joseph Goebbels et, finalement, à tuer six de ses enfants. Ce fanatisme aveugle fait froid dans le dos.
Le récit croisé de cette chute terrifiante et du parcours difficile mais plein d'espoir de la petite Ava, dernier passeur de témoin des récits de Friedländer et de tous ceux qui ont participé à faire que ces témoignages ne meurent pas avec leurs auteurs, fait de ce roman un texte plein de dignité et d'humanité. Ce récit, très documenté, n'en est pas moins littéraire : les personnages sont incarnés, bouleversants. Pour son premier roman, Sébastien Spitzer nous offre un témoignage puissant, pour ne jamais oublier et rester à jamais vigilants : les mouvements de balancier de l'Histoire sont terriblement imprévisibles.
Un premier roman nécessaire.
D'autres avis convaincus chez Mots pour mots, D'une berge à l'autre, Mot à mots, Lire relire, entre autres.
C'est vrai que la construction du roman fait beaucoup, en plus du contenu incroyablement maîtrisé, sans étouffer non plus la part fictive.
RépondreSupprimerMerci pour cette nouvelle participation au Défi Premier roman, et pour ta fidélité! Je viens de la relayer, et me réjouis d'en découvrir d'autres.
RépondreSupprimerC'est toujours un plaisir de découvrir de nouveaux auteurs, surtout quand ils ont des choses intéressantes à dire, et de pouvoir partager avec d'autres lecteurs. Merci de nous proposer ce défi.
SupprimerUn roman qui fait l'unanimité, et c'est tant mieux.
RépondreSupprimer