14 septembre 2016

Vauban, L'inventeur de la France moderne - Dominique Le Brun

Ce sont mes vacances dans les Pyrénées Orientales qui m'ont conduite à cette lecture. Ce n'est pas la première fois que mes pas m'amènent sur les traces de Vauban. Au printemps par exemple, j'étais à Oléron où le sieur Vauban a exercé ses talents pour la construction de la citadelle du Château-d'Oléron. Où que l'on soit en France, sur ses frontières plus précisément, on découvre le travail de cet ingénieur particulièrement visionnaire et connaisseur de la France de son temps. C'est cette multiplication de ces ouvrages aux quatre coins du pays qui m'a intriguée. Comment, un homme, a-t-il pu ainsi sillonner le royaume, avec les moyens à sa disposition en cette fin du XVIIème siècle ?

Vauban, inventeur de la France moderne de Dominique Le Brun.
La librairie Vuibert, mars 2016. 240 pages



Présentation de l'éditeur :

Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban (1633-1707), fait partie de cette poignée d'hommes qui, pendant le règne de Louis XIV, ont jeté les fondements de la France moderne.
Plus discret que Mazarin, Louvois ou Colbert, il ne nous en pas moins laissé un héritage considérable. Si les forteresses qu'il a bâties, de Belle-Île-en-Mer à Neuf-Brisach, parsèment encore nos frontières, il est également le père de l'impôt sur le revenu et fut le premier à envisager un État laïque. Dans de nombreux domaines, il fit œuvre de visionnaire. Observateur lucide et implacable, l'histoire ne lui a pourtant pas fait une place à sa mesure.
En revenant sur les idées que Vauban a défendues, Dominique Le Brun raconte ici la vie fascinante de ce précurseur des Lumières qui préférait servir que plaire et auquel le roi faisait toute confiance.
De Versailles à ses terres du Morvan en passant par les provinces les plus reculées, Vauban a tout vu de la société de son époque. Le suivre pas à pas permet de comprendre ce temps où les vents du changement commençaient à souffler sur une France à l'apogée de sa puissance.

Ma lecture :

A l'occasion de nos dernières vacances, dans les Pyrénées Orientales, nous avons découvert les nombreuses traces du passage de Vauban dans la région : les forts Lagarde et de Bellegarde, le château de Collioure, le fort Miradou propriété aujourd'hui de l'armée... Quand on connaît Château-d'Oléron, Concarneau, la citadelle du Palais sur Belle-Ile, Saint-Malo... on perçoit bien la cohérence de l'œuvre de Vauban. Mais ce n'est que cet été que j'ai réalisé l'ampleur de la tâche. Et encore, je n'ai pas vu tous les sites de région, comme celui, essentiel, de Villefranche de Conflent.

Comment, à la fin du XVIIème siècle, sous le règne de Louis XIV, un homme peut parcourir ainsi le royaume du Nord au Sud et d'Est en Ouest, pour diriger les constructions et renforcements de cités, forts et citadelles ? On se doute bien qu'il n'a pas supervisé lui-même l'ensemble des travaux, mais il a au moins dû se rendre sur place un certain temps pour s'approprier l'environnement, les contraintes et atouts de chaque site pour dessiner les plans adaptés à chacun. Il y est parfois retourné, une fois, deux fois, pour compléter son travail.

Citadelle Vauban - Belle-Ile-en-mer (56)


C'est ainsi que j'ai voulu en savoir plus sur ce personnage qui fait le tour de la France en longeant ses frontières. Je cherchais un ouvrage romancé de la vie de Vauban, histoire de découvrir son œuvre, mais aussi sa vie, celle du royaume et des français à l'époque. J'ai plutôt découvert dans cet ouvrage de Dominique Le Brun, une présentation technique des réalisations de Vauban, de l'art militaire et de de la poliorcétique, à savoir la technique du siège, aussi bien en défense qu'en attaque. Un peu inquiète au début, parce que l'art de la guerre de figure pas au nombre de mes centres d'intérêt..., j'ai vite été rassurée par la compétence pédagogique de l'auteur.

Et j'ai découvert grâce à Dominique Le Brun, un personnage passionnant. Loin de n'être qu'un ingénieur de talent, Vauban est aussi maître dans l'art de la guerre et du siège (poliorcétique), soucieux de la vie des soldats (et cela se traduit dans ses constructions), et possède un vrai sens politique. C'est peut-être cela, plus que ses constructions finalement, qui marque le lecteur découvrant Vauban : l'ingénieur, devenu maréchal à la fin de sa vie, possède est sens très fort de l'intérêt général. Traversant la France toute l'année (on estime qu'il parcourt de 3 à 4 000 kilomètres par an pendant une cinquantaine d'années !), il rencontre la misère du monde paysan et tâchera de résister aux rêves de grandeur de son "roi-soleil".

Fort Lagarde - Prats-de-Mollo - Pyrénées orientales (66) - souvenirs de vacances


Il défend l'idée d'une armée de métier, dignement rémunérée afin de s'assurer de son engagement et de sa loyauté, mais aussi justement dimensionnée pour ne pas vider les campagnes de ses bras. Passionné des chiffres et de la statistiques, il dresse une comptabilité des régions de France et détermine le nombre d'ouvriers nécessaire au travail des champs et la part qui peut être mobilisée pour l'armée. De la même façon, il préconise de limiter les ambitions expansionnistes du roi qui pèsent très lourdement sur la richesse du royaume et sur la vie des français. Il propose également une "dîme royale", ou l'ancêtre de l'impôt sur le revenu, payable par tous selon sa richesse : un système avant-gardiste au regard de l'injustice qui règne en la matière dans le royaume.

Pour avoir également beaucoup fréquenté les marins et corsaire malouins, Vauban a acquis une connaissance très pointue des stratégies militaires en mer. Il a aussi perçu l'enjeu de la puissance de la France sur les mers et dans les colonies. Le trafic intense entretenu entre les villes de Saint-Malo, La Rochelle ou Rochefort, avec l'outre-mer apporte une puissance primordiale dans la lutte au pouvoir qui mobilise les Etats. Si le roi ne l'a pas compris, Vauban a pris des parts dans un bâtiment corsaire.


Fort de Bellegarde - Le Perthus - Pyrénées orientales (66) - souvenirs de vacances


J'ai été impressionnée par les connaissances, l'expertise de Vauban dans tant de domaines, par la modernité de ses propositions aussi, tant dans la stratégie militaire (dont les enseignements seront mis en œuvre encore lors de la seconde guerre mondiale) que dans la vision politique du pays tel qu'il l'imagine. Son point de vue lors de la révocation de l'édit de Nantes témoigne également d'un grand pragmatisme, d'un parfaite connaissance des ressources du pays, de ses atouts et de ses faiblesses.

Plus qu'un architecte, j'ai découvert dans ce livre un homme qui avait l'étoffe d'un grand homme d'Etat. L'ouvrage de Dominique Le Brun, pointu, très érudit, loin de nous égarer, renforce encore ce sentiment d'admiration que l'on peut nourrir pour Vauban, un homme qui pourrait, me semble-t-il inspirer bien des Hommes politiques aujourd'hui ! On peut regretter que l'Histoire ne lui fasse pas une plus grande place.

Un excellent ouvrage politique, à une période où en fleurissent de moins bons...

Le château royal de Collioure - Pyrénées orientales (66) - souvenirs de vacances






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