Enfin, je l'ai lu !
Ce titre de Gaëlle Josse est le premier, et seul, ouvrage paru pour la rentrée littéraire 2014 que j'ai eu vraiment envie de lire après l'avoir repéré dans les listes des magazines littéraires.
Ayant découvert l'auteur avec Les heures silencieuses, un magnifique tableau de la société hollandaise du XVème siècle, j'avais très envie de lire d'autres textes de Gaëlle Josse.
J'étais inquiète pourtant, de ne pas retrouver dans ce dernier récit cette subtilité que j'avais tellement aimée dans ma précédente lecture. Je me demandais s'il était possible de dépeindre avec autant de finesse la vie du gardien du centre d'immigration d'Ellis Island et celle d'une jeune femme mystérieusement peinte de dos par Emmanuel de Witte au XVème siècle...
Présentation de l'éditeur :
New York, 3 novembre 1954. Dans quelques jours, le
centre d’immigration d’Ellis Island va fermer. John Mitchell, son
directeur, reste seul dans ce lieu déserté, remonte le cours de sa vie
en écrivant dans un journal les souvenirs qui le hantent : Liz, l’épouse
aimée, et Nella, l’immigrante sarde porteuse d’un très étrange passé.
Un moment de vérité où il fait l’expérience de ses défaillances et se
sent coupable à la suite d’évènements tragiques. Même s’il sait que
l’homme n’est pas maître de son destin, il tente d’en saisir le sens
jusqu’au vertige.
À travers ce récit résonne une histoire d’exil, de transgression, de
passion amoureuse, et de complexité d’un homme face à ses choix les plus
terribles.
Ma lecture :
Et bien cette inquiétude n'a pas résisté bien longtemps. Dès les premières pages j'ai su que j'allais retrouver ce que j'avais aimé avec Les heures silencieuses, même si l'environnement était radicalement différent. Nous quittons la bourgeoisie hollandaise du XVème siècle pour plonger dans l'histoire contemporaine des États-Unis, terre d'immigration dont Ellis Island est un symbole.
Ellis Island est une île située à New York, à quelques mètres de Liberty Island sur laquelle est édifiée la statue de la Liberté. Ellis Island accueille le centre fédéral d'immigration entre le 1er janvier 1892 et le 12 novembre 1954. Au cours de ces 62 années, le bureau d'immigration des États-Unis aura vu passer plus de 12 millions d'immigrants. La plupart des immigrés qui passaient par l'île étaient des européens. 1907 est l'année de plus forte activité à Ellis Island, avec l'arrivée de pas moins de 1 004 756 immigrants. Le 17 avril de cette année-là a vu l'arrivée de 11 747 immigrants.
Après 1924 et les lois sur les quotas d'immigration, le centre devient un lieu de détention et d'expulsion pour les étrangers indésirables. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, Ellis Island servit de base d'entraînement et de camp pour les prisonniers de guerre. Environ 7 000 allemands, Italiens et japonais furent détenus sur l'île. La dernière personne à passer à Ellis Island fut un marchand norvégien, Arne Peterssen, en 1954, date de la fermeture du centre. Ellis Island accueille aujourd'hui le musée de l'immigration.
C'est cette histoire que nous raconte John Mitchell, le narrateur et dernier gardien d'Ellis Island. Il lui reste 9 jours avant de quitter l'île définitivement. 9 jours qu'il va consacrer à l'écriture d'un journal où il retrace les 45 années qu'il a passé sur l'île, s'isolant de plus et en plus pour finir par ne plus retourner sur le continent. Le récit de John Mitchell est tout en retenue, mais empli d'émotion. Honnête et courageux, il veut faire la paix avec lui-même et avec ses souvenirs pour pouvoir quitter cette île en paix. Il veut poser sur le papier, comme on dépose un fardeau trop lourd à porter, les moments douloureux qu'il a vécus sur Ellis Island, ainsi que ses zones d'ombre, ses remords.
Beaucoup d'histoires sont racontées dans les quelques 166 pages que contient ce livre. L'histoire d'Ellis Island, d'abord, et de l'immigration américaine au début du XXème siècle. Ce récit historique est construit avec fluidité, sans lourdeur, parfaitement intégré aux souvenirs de John Mitchell. Cela donne à voir de l'angoisse vécue par ces familles qui, après avoir supporté des semaines de traversée dans des conditions terrifiantes, arrivant avec pour tout bagage leurs plus beaux vêtements, une couverture et parfois un violon, doivent encore attendre la décision du centre d'immigration sur leur possible entrée sur le territoire américain. Environ 2 % des arrivants virent ainsi leur admission aux États-Unis rejetée et furent renvoyés dans leur pays d'origine pour diverses raisons telles que leur santé, leur passé criminel ou les risques pour la sécurité intérieure que faisaient courir les immigrés communistes, anarchistes ou fascistes.
Mais au cours de ces 9 jours et 9 nuits, John Mitchell se souvient aussi de certains passagers, de ces collègues, de ses amis, peu nombreux, de sa femme décédée très jeune sur Ellis Island dans une épidémie Typhus amenée sur l'île par les passagers d'un bateau en provenance d'Europe. Les épisodes très douloureux de la vie de John Mitchell sont racontés avec autant de force que de sobriété et de douceur.
Après 1924 et les lois sur les quotas d'immigration, le centre devient un lieu de détention et d'expulsion pour les étrangers indésirables. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, Ellis Island servit de base d'entraînement et de camp pour les prisonniers de guerre. Environ 7 000 allemands, Italiens et japonais furent détenus sur l'île. La dernière personne à passer à Ellis Island fut un marchand norvégien, Arne Peterssen, en 1954, date de la fermeture du centre. Ellis Island accueille aujourd'hui le musée de l'immigration.
Ellis Island - 1902 |
C'est cette histoire que nous raconte John Mitchell, le narrateur et dernier gardien d'Ellis Island. Il lui reste 9 jours avant de quitter l'île définitivement. 9 jours qu'il va consacrer à l'écriture d'un journal où il retrace les 45 années qu'il a passé sur l'île, s'isolant de plus et en plus pour finir par ne plus retourner sur le continent. Le récit de John Mitchell est tout en retenue, mais empli d'émotion. Honnête et courageux, il veut faire la paix avec lui-même et avec ses souvenirs pour pouvoir quitter cette île en paix. Il veut poser sur le papier, comme on dépose un fardeau trop lourd à porter, les moments douloureux qu'il a vécus sur Ellis Island, ainsi que ses zones d'ombre, ses remords.
Beaucoup d'histoires sont racontées dans les quelques 166 pages que contient ce livre. L'histoire d'Ellis Island, d'abord, et de l'immigration américaine au début du XXème siècle. Ce récit historique est construit avec fluidité, sans lourdeur, parfaitement intégré aux souvenirs de John Mitchell. Cela donne à voir de l'angoisse vécue par ces familles qui, après avoir supporté des semaines de traversée dans des conditions terrifiantes, arrivant avec pour tout bagage leurs plus beaux vêtements, une couverture et parfois un violon, doivent encore attendre la décision du centre d'immigration sur leur possible entrée sur le territoire américain. Environ 2 % des arrivants virent ainsi leur admission aux États-Unis rejetée et furent renvoyés dans leur pays d'origine pour diverses raisons telles que leur santé, leur passé criminel ou les risques pour la sécurité intérieure que faisaient courir les immigrés communistes, anarchistes ou fascistes.
Mais au cours de ces 9 jours et 9 nuits, John Mitchell se souvient aussi de certains passagers, de ces collègues, de ses amis, peu nombreux, de sa femme décédée très jeune sur Ellis Island dans une épidémie Typhus amenée sur l'île par les passagers d'un bateau en provenance d'Europe. Les épisodes très douloureux de la vie de John Mitchell sont racontés avec autant de force que de sobriété et de douceur.
"Je me rendais très rarement à Manhattan, comme si les trois kilomètres, à peine, qui séparent Ellis Island de Battery Park constituaient un obstacle plus difficile à franchir que l'océan Atlantique tout entier, avec ses icebergs et ses tempêtes. Avec cette distance, devenue chaque fois plus évidente, plus tangible, comme si le terre ferme me repoussait un peu plus fort à chacune de mes tentatives de l'aborder, j'ai réalisé combien Liz avait tissé pour moi un lien avec le monde." (Le dernier gardien d'Ellis Island, Gaëlle Josse - Ed. Notabilia - 2014 - pages 47-48)
Et puis, il y a l'histoire de Nella. Nella est une jeune italienne arrivée sur l'île avec son frère le 23 avril 1923. Dans cette histoire, il est question de l'amour inconditionnel d'un frère et d'une sœur, de la vie dans un village italien, des légendes villageoises et des dons surnaturels dont disposaient (disposent ?) des familles marginalisées et qui terrifiaient les honnêtes gens. Il est également question des sentiments puissants de John Mitchell pour la jeune femme, attirance si forte qu'il en gardera souvenirs et remords sa vie durant.
2 584 immigrants arrivèrent à Ellis Island ce 8 juin 1903 à bord du S.S. Batavia |
Si ce récit est encore relativement court, 166 pages, il est terriblement dense, mêlant de nombreuses histoires à la grande Histoire des États-Unis, le tout dans une fluidité superbe. Il y a tout ce que j'aime dans ce livre : des références historiques fortes, incarnées par d'autres récits, personnels et romanesques ; des hommes forts et faibles à la fois, révoltés, fatigués, angoissés et pleins d'espoir ; des histoires de vie qui rencontrent les grandes dates de l'Histoire (l'immigration, les guerres, la prohibition...) ; des légendes populaires avec leur dose de surnaturel... Et les 166 pages n'en sont pas moins subtiles, prenant le temps de poser des personnages et des contextes, distillant leur poésie tout en finesse. Car l'écriture de Gaëlle Josse est précise, exigeante, et nous plonge au cœur de cette grande cité que l'on croit toucher du doigt.
"Dans quelques jours je vais quitter cet environnement à la fois lugubre et familier. Je vais aussi devoir quitter le carré d'herbe où repose Liz depuis tant d'années. L'arbre que j'ai planté sur sa tombe donne de l'ombre maintenant, c'est ainsi que je mesure combien le temps a passé." (Le dernier gardien d'Ellis Island, Gaëlle Josse - Ed. Notabilia - 2014 - page 30)
En bref, ce roman de la rentrée littéraire 2014 est un réel coup de cœur, et je ne regrette pas d'avoir tarder à le lire car je l'ai encore plus savouré. Quant aux autres romans de Gaëlle Josse, ils ne devraient pas tarder à rejoindre ma PAL !
Le dernier gardien de Ellis Island de Gaëlle Josse. Editions Noir sur Blanc, septembre 2014. 166 pages.
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Ma 17ème participation au challenge du 1% rentrée littéraire 2014 proposé par Hérisson, c'est aussi une très belle plume au féminin sur une idée de Lexylis (ex Opaline).
Une lecture qui m'avait déçue, trop axée sur le personnage principal à mon goût.
RépondreSupprimerJe n'en ai pas fait un coup de cœur, mais j'ai beaucoup aimé ce court roman dense et fort
RépondreSupprimerQue d’émotions décrites en quelques mots choisis. Que de vérités révélées nous dévoilant une page d’histoire essentielle. Ce fut un coup de cœur pour moi.
RépondreSupprimerTa chronique donne très envie de le lire, je note !
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