Les lecteurs français découvrent tardivement les romans de Steve Tesich, auteur américain décédé d'une crise cardiaque en 1996. Certains connaissaient peut-être ses pièces de théâtre, ses scénarios de films (Le Monde selon Garp, Le prix de l'exploit, Eleni... pour ne citer que les derniers). Pour ma part, ce fut une totale découverte.
Steve Tesich est né Stojan Tešić à Ušice, en Yougoslavie (dans l’actuelle Serbie) le 29 septembre 1942. Il fut élevé par sa mère et ses sœurs dans son pays, tandis que son
père, Rade Tesich, un soldat rebelle qui s’était opposé au régime communiste du maréchal Tito, s’était réfugié en Angleterre. En 1957, la famille émigre aux États-Unis et l’adolescent de 14 ans se retrouva dans l’Indiana, dans la banlieue est de Chicago, ne parlant pas un mot d’anglais.
Il apprit rapidement et, après le lycée, obtint une bourse de lutteur à l’université de l'Indiana mais il se reconvertit au cyclisme après avoir découvert ce sport. En 1960, après seulement 3 années de retrouvailles un peu compliquées, Rade Tesich succombe d’une tumeur au cerveau, laissant son fils avec un vide existentiel qu'il explorera dans son œuvre, notamment dans Price.
Présentation de l'éditeur :
Publié en 1982 aux États-Unis, fruit d’une dizaine d’années de travail, Price est l’autre grand roman que l’auteur de Karoo, Steve Tesich, portait en lui « depuis toujours ».
Daniel Price, dix-huit ans, a les traits de son père, la belle stature de sa mère, et une âme qui ne sait plus à quel saint se vouer. Tout commence par un combat perdu d’avance, occasion ratée de se tirer d’East Chicago, ville industrielle et prolétaire, où l’avenir se résume à passer sa vie à l’usine.
Flanqué d’amis à peu près aussi paumés que lui – Larry, le teigneux, et Billy, la bonne pâte –, Daniel va, au cours de son dernier été d’adolescent, tandis que son père agonise, être emporté par la force dévastatrice d’un premier amour, quand chaque mot et chaque geste prennent des proportions démesurées.
Histoire orageuse, parcourue d’égarements, de trahisons et de colère, Price raconte l’odyssée intime d’un garçon projeté brutalement dans la vie adulte, où vérité et mensonge, raison et folie finissent par se confondre.
Premier roman maîtrisé et fondateur, Price, par ses tensions et ses renoncements, vibre d’une incroyable puissance dramatique et décrit avec honnêteté la lutte intérieure d’un jeune homme pour assumer sa liberté par-delà le désespoir.
Ma lecture :
Avant de découvrir un auteur et un roman, j'ai découvert une maison d'édition, Monsieur Toussaint Louverture. Le livre en lui même est déjà une vraie réussite : la couverture, en papier vellum épais, le texte sur cette couverture qui apparaît en relief, enfin en creux plutôt, "cogné" comme le précise la maison d'édition, la papier à l'intérieur, très blanc, très doux, soyeux presque... Ce livre est un bel objet, que l'on manipule avec une infinie délicatesse.
Price, premier roman de Steve Tesich, est le récit du passage de l'adolescence à l'âge adulte. Daniel Price, le héros de ce roman, et ses deux copains, Larry et Billy, le sentent depuis déjà le début de l'année scolaire : avec l'été, leur vie va devoir changer. Leurs études seront finies et ils devront se plonger avec fatalisme dans le monde des adultes. Le roman se déroule sur un été et aborde de multiples thèmes qui font de ces deux mois une période de passage, très riche, entre deux univers.
Il est d'abord question de l'amitié, celle qui unit Daniel Price à ses amis et qui semble inconditionnelle, au moins au début du roman. Pourtant, dans ce contexte transition relativement brutale, les réactions des uns et des autres seront très différentes. Daniel Price est le premier à lâcher le groupe, pour se consacrer pleinement à l'expérience de l'amour. Larry, indépendant, cherche des causes à défendre. Billy, lui, aspire à consolider cette amitié dans le monde des adultes. Mais ni les uns ni les autres ne sont dupes, la vie les conduira chacun sur une voie différente.
Daniel Price découvre donc l'amour, second thème fort de ce roman, avec Rachel. Si le récit de l'amitié m'a paru réaliste, je ne me suis pas retrouvée dans cette vision de la découverte adolescente de l'amour. Comme chaque adolescent sans doute, Daniel Price rêve d'absolu, d'inconditionnalité, de passion, de fusion... du grand amour. Mais le comportement de Rachel, sa distance, son ambiguïté et les exigences de Price m'ont paru peu crédibles. Surtout poussées à ce point. Et c'est là que je parlerai du principal défaut de ce roman, de mon point de vue, sa longueur. Si la relation de Price et Rachel a pu m'intéresser au début, le fait qu'elle traîne ainsi au long des 537 pages que compte ce roman, sans évoluer réellement, alternant des allers et retours entre éloignement et passion, a fini par me lasser.
Le troisième thème particulièrement fort dans ce roman, est celui de la mort et de son accompagnement. Là encore, je ne suis pas parvenue à comprendre Daniel Price dans sa relation à ce père mourant. Je veux bien entendre ce besoin de se protéger, cet égoïsme très adolescent, cette haine du père... je ne comprends pas comment, dans l'accompagnement du père malade vers la mort, ce fils a pu ne pas témoigner d'un minimum d'affection, de tendresse. Daniel Price veut affirmer sa différence, son individualité, quitte, pour cela, à nier le père. Je conçois que le processus de construction identitaire de l'adulte passe par cette rupture symbolique... mais là encore, j'ai eu du mal à trouver cette violence crédible.
Il y a pourtant très beaux passages sur ce chemin vers la mort, portés par la culture serbe de l'auteur. Ainsi ce moment où la mère indique à son fils la conduite à tenir.
Mais je n'ai pas compris le sens de la violence et de la haine que voue Daniel Price à son père. Finalement, il m'a semblé que ces sentiments exacerbés décrits dans ce roman étaient peu réalistes. Certes, c'est le propre de l'adolescence... mais peut-être pas à ce point.
Il s'agit là d'un roman d'apprentissage, où le héros passe d'une vision binaire du monde à une perception plus sensible, plus subtile. Ce que j'ai trouvé dommage cependant, c'est peut-être que la période où tout est noir ou blanc, amour ou haine, ai duré trop longtemps (et trop de pages...).
Malgré tout, ces 540 pages se lisent très bien, grâce à la plume fluide de Steve Tesich, le contexte de cette Amérique industrielle des années 1960 m'a beaucoup intéressée et touchée. Ce récit a fait échos à un texte très différent parlant de l'adolescence dans l'Amérique des années 1950, l'adolescence de Holden Caufield, le héros de J.D. Salinger dans L'attrape-cœur. J'ai, de loin, préféré cette vision de l'adolescence, entre solitude, violence et désillusion, peut-être parce qu'elle correspondait mieux à l'image que j'ai, ou que je garde, de cette période pleine de doutes et de tâtonnements. Elle m'est parue beaucoup plus réaliste.
Price est un livre à découvrir cependant, pour ce qu'il dit de l'adolescence, de l'amour, de l'amitié, de la mort, de l'Amérique aussi, et de la vie, semble-t-il, de Steve Tasich. Un texte qui me donne également envie de lire d'autres choses sur cette banlieue de Chicago.
D'autres avis chez Domisol, Clara, Sanchan, Antoine, et dans la presse avec LeVif, Libération ou Le Monde Diplomatique.
Après Joë, Price est ma seconde lecture pour le Club de lecture organisé par la Librairie Lise & moi. C'est également un premier roman, à inscrire au challenge proposé par Daniel, ainsi que ma 16ème participation au challenge 1% rentrée littéraire 2014, chez Hérisson.
Il apprit rapidement et, après le lycée, obtint une bourse de lutteur à l’université de l'Indiana mais il se reconvertit au cyclisme après avoir découvert ce sport. En 1960, après seulement 3 années de retrouvailles un peu compliquées, Rade Tesich succombe d’une tumeur au cerveau, laissant son fils avec un vide existentiel qu'il explorera dans son œuvre, notamment dans Price.
Présentation de l'éditeur :
Publié en 1982 aux États-Unis, fruit d’une dizaine d’années de travail, Price est l’autre grand roman que l’auteur de Karoo, Steve Tesich, portait en lui « depuis toujours ».
Daniel Price, dix-huit ans, a les traits de son père, la belle stature de sa mère, et une âme qui ne sait plus à quel saint se vouer. Tout commence par un combat perdu d’avance, occasion ratée de se tirer d’East Chicago, ville industrielle et prolétaire, où l’avenir se résume à passer sa vie à l’usine.
Flanqué d’amis à peu près aussi paumés que lui – Larry, le teigneux, et Billy, la bonne pâte –, Daniel va, au cours de son dernier été d’adolescent, tandis que son père agonise, être emporté par la force dévastatrice d’un premier amour, quand chaque mot et chaque geste prennent des proportions démesurées.
Histoire orageuse, parcourue d’égarements, de trahisons et de colère, Price raconte l’odyssée intime d’un garçon projeté brutalement dans la vie adulte, où vérité et mensonge, raison et folie finissent par se confondre.
Premier roman maîtrisé et fondateur, Price, par ses tensions et ses renoncements, vibre d’une incroyable puissance dramatique et décrit avec honnêteté la lutte intérieure d’un jeune homme pour assumer sa liberté par-delà le désespoir.
Ma lecture :
Avant de découvrir un auteur et un roman, j'ai découvert une maison d'édition, Monsieur Toussaint Louverture. Le livre en lui même est déjà une vraie réussite : la couverture, en papier vellum épais, le texte sur cette couverture qui apparaît en relief, enfin en creux plutôt, "cogné" comme le précise la maison d'édition, la papier à l'intérieur, très blanc, très doux, soyeux presque... Ce livre est un bel objet, que l'on manipule avec une infinie délicatesse.
Price, premier roman de Steve Tesich, est le récit du passage de l'adolescence à l'âge adulte. Daniel Price, le héros de ce roman, et ses deux copains, Larry et Billy, le sentent depuis déjà le début de l'année scolaire : avec l'été, leur vie va devoir changer. Leurs études seront finies et ils devront se plonger avec fatalisme dans le monde des adultes. Le roman se déroule sur un été et aborde de multiples thèmes qui font de ces deux mois une période de passage, très riche, entre deux univers.
East Chicago, Indiana. Chicago Avenue at Indianapolis Boulevard. 1958 |
Il est d'abord question de l'amitié, celle qui unit Daniel Price à ses amis et qui semble inconditionnelle, au moins au début du roman. Pourtant, dans ce contexte transition relativement brutale, les réactions des uns et des autres seront très différentes. Daniel Price est le premier à lâcher le groupe, pour se consacrer pleinement à l'expérience de l'amour. Larry, indépendant, cherche des causes à défendre. Billy, lui, aspire à consolider cette amitié dans le monde des adultes. Mais ni les uns ni les autres ne sont dupes, la vie les conduira chacun sur une voie différente.
"Et si nous nous serrions les coudes, à vrai dire, c’était autant pour nous soutenir mutuellement que pour ne laisser à aucun d’entre nous une chance de prendre son envol." (Price, Steve Tesich, Editions Monsieur Toussaint Louverture, août 2014)
Daniel Price découvre donc l'amour, second thème fort de ce roman, avec Rachel. Si le récit de l'amitié m'a paru réaliste, je ne me suis pas retrouvée dans cette vision de la découverte adolescente de l'amour. Comme chaque adolescent sans doute, Daniel Price rêve d'absolu, d'inconditionnalité, de passion, de fusion... du grand amour. Mais le comportement de Rachel, sa distance, son ambiguïté et les exigences de Price m'ont paru peu crédibles. Surtout poussées à ce point. Et c'est là que je parlerai du principal défaut de ce roman, de mon point de vue, sa longueur. Si la relation de Price et Rachel a pu m'intéresser au début, le fait qu'elle traîne ainsi au long des 537 pages que compte ce roman, sans évoluer réellement, alternant des allers et retours entre éloignement et passion, a fini par me lasser.
Le troisième thème particulièrement fort dans ce roman, est celui de la mort et de son accompagnement. Là encore, je ne suis pas parvenue à comprendre Daniel Price dans sa relation à ce père mourant. Je veux bien entendre ce besoin de se protéger, cet égoïsme très adolescent, cette haine du père... je ne comprends pas comment, dans l'accompagnement du père malade vers la mort, ce fils a pu ne pas témoigner d'un minimum d'affection, de tendresse. Daniel Price veut affirmer sa différence, son individualité, quitte, pour cela, à nier le père. Je conçois que le processus de construction identitaire de l'adulte passe par cette rupture symbolique... mais là encore, j'ai eu du mal à trouver cette violence crédible.
East Chicago |
Il y a pourtant très beaux passages sur ce chemin vers la mort, portés par la culture serbe de l'auteur. Ainsi ce moment où la mère indique à son fils la conduite à tenir.
"Il va mourir aujourd'hui, dit-elle. Rappelle-toi, il faut qu'il parte en paix. Tu ne dois pas top pleurer. Cela le troublerait. Pense à des moments agréables avec lui. D'accord ?" (Price, Steve Tesich, Editions Monsieur Toussaint Louverture, août 2014, page 447)
Mais je n'ai pas compris le sens de la violence et de la haine que voue Daniel Price à son père. Finalement, il m'a semblé que ces sentiments exacerbés décrits dans ce roman étaient peu réalistes. Certes, c'est le propre de l'adolescence... mais peut-être pas à ce point.
Il s'agit là d'un roman d'apprentissage, où le héros passe d'une vision binaire du monde à une perception plus sensible, plus subtile. Ce que j'ai trouvé dommage cependant, c'est peut-être que la période où tout est noir ou blanc, amour ou haine, ai duré trop longtemps (et trop de pages...).
"Il inspirait, expirait. Je ne pus m'empêcher de me demander s'il mourait en se souvenant du sourire de ma mère, le sourire qu'elle lui avait refusé sa vie durant. Je ressentais une pitié infinie. Pour lui, pour moi. De la pitié pour les vivants et pour les morts, pour tous ceux à qui l'on refusait la seule chose qu'ils désiraient tant." (Price, Steve Tesich, Editions Monsieur Toussaint Louverture, août 2014, page 451)
Malgré tout, ces 540 pages se lisent très bien, grâce à la plume fluide de Steve Tesich, le contexte de cette Amérique industrielle des années 1960 m'a beaucoup intéressée et touchée. Ce récit a fait échos à un texte très différent parlant de l'adolescence dans l'Amérique des années 1950, l'adolescence de Holden Caufield, le héros de J.D. Salinger dans L'attrape-cœur. J'ai, de loin, préféré cette vision de l'adolescence, entre solitude, violence et désillusion, peut-être parce qu'elle correspondait mieux à l'image que j'ai, ou que je garde, de cette période pleine de doutes et de tâtonnements. Elle m'est parue beaucoup plus réaliste.
Price est un livre à découvrir cependant, pour ce qu'il dit de l'adolescence, de l'amour, de l'amitié, de la mort, de l'Amérique aussi, et de la vie, semble-t-il, de Steve Tasich. Un texte qui me donne également envie de lire d'autres choses sur cette banlieue de Chicago.
D'autres avis chez Domisol, Clara, Sanchan, Antoine, et dans la presse avec LeVif, Libération ou Le Monde Diplomatique.
Price de Steve Tesich. Editions de Monsieur Toussaint Louverture, août 2014. 540 pages.
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Je ne suis pas fan des romans d'apprentissage, alors je passe mon tour.
RépondreSupprimerTu sais que je n'ai pas aimé, mais je triple les inconvénients puisque je ne suis fan ni des romans états-uniens, ni des romans dont les héros sont des adolescents, ni des pavés de plus de 500 pages....
RépondreSupprimerIl est vrai qu'on avait beaucoup parlé de l'autre roman de Steve Tesich; celui-ci brasse des thèmes qui me paraissent intéressants! Merci pour ta participation au Défi Premier roman.
RépondreSupprimerPas mal ! ça donne envie ! Je l'ai repéré justement grâce à la qualité et à l'originalité de la couverture, et maintenant, tu m'as donné envie de découvrir l'histoire !
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