La lumière se réfléchit dans ses yeux, mais il n'est pas encore jour. Tu t'es levé trop tôt ; et te voilà. Ta rue, le matin, ta maison et toi ; mais ce n'était pas ton regard si cette ville qu'il a tirée du brouillard ne t'a pas recouvert.
Douze cloches d'argent ont sonné sur les eaux pour le cheval de feuilles et l'oiseau prie-misère et l'aiguille de nier, douze cloches de fer sonneront aux écluses pour faire place au jour plein de feuilles cueillies, sonnent pour défleurir sa pâleur de gisant aux paupières scellées.
Les convois aux péniches de jour, ont dormi sous la neige. Il ne passerait que des heures, avec leurs boutons d'or, leurs épines de mai et Rose-au-loin, la fille rose qui t'effaçait pour t'apparaître. Cueille la fleur qu'on ne voit pas, la plus fidèle qu'une étoile. Emporte-la sans être vu.
L'oiseau-cerise est de retour, cheval volant, souliers de terre.
Douze cloches d'argent ont sonné sur les eaux pour le cheval de feuilles et l'oiseau prie-misère et l'aiguille de nier, douze cloches de fer sonneront aux écluses pour faire place au jour plein de feuilles cueillies, sonnent pour défleurir sa pâleur de gisant aux paupières scellées.
Les convois aux péniches de jour, ont dormi sous la neige. Il ne passerait que des heures, avec leurs boutons d'or, leurs épines de mai et Rose-au-loin, la fille rose qui t'effaçait pour t'apparaître. Cueille la fleur qu'on ne voit pas, la plus fidèle qu'une étoile. Emporte-la sans être vu.
L'oiseau-cerise est de retour, cheval volant, souliers de terre.
L'oiseau sans ailes - Joë Bousquet
« Durant des mois, je vous ai lu, j’ai vécu avec vous, et vous avez été
l’objet de bien de mes pensées ; je savais que, quoi que m’eût apporté
ma journée, le soir, bien calé sur mon lit et dans le creux de mon
oreiller, je retrouverais l’atmosphère bienveillante de votre chambre,
les lourdes tentures tirées devant la porte et les fenêtres aux volets
fermés, le grésillement de votre pipe d’opium et les volutes bleutées
s’élevant doucement vers le plafond, avec aux murs les tableaux de Dalí,
Max Ernst, Dubuffet, veilleurs de vos songes étranges. Et pour peu que
je doive, pour dormir un peu, prendre un cachet de morphine, j’aurais le
sentiment de communier avec vous dans la bousculade de mes pensées ;
les mots auraient un sens, et, pour une heure ou deux, je serais poète
avec vous. »
Dans la lignée du magnifique Dans ma peau,
Guillaume de Fonclare propose un portrait subtilement croisé avec le
poète Joë Bousquet, qui, paralysé durant la Grande Guerre, produisit une œuvre intense et fulgurante.
Ma lecture :
Que dire de ce court texte (140 pages) que j'ai mis bien peu de temps à parcourir ?
Je vais avoir bien du mal à rendre un avis tranché tant le sentiment qu'il me laisse est partagé... Il y a des choses que j'ai aimées, d'autres qui m'ont lassée. De là à dire si j'ai aimé ou non ce livre... Il me semble que mon point de vue restera indécis.
De quoi s'agit-il ?
« Je ne suis pas un biographe, et je n’ai pas cherché à l’être ; je voulais simplement découvrir comment vous aviez réussi ce tour de force de continuer à vivre en dépit de toutes les entraves que vous a imposées le destin. » (Joë - Guillaume de Fonclare - Editions Stock - novembre 2014)
S'il ne s'agit pas d'une biographie, Guillaume de Fonclare nous trace cependant le portrait du poète Joë Bousquet qui, du fond du lit où il est cloué depuis son retour, paralysé, de la Grande Guerre, côtoie les plus grands artistes et intellectuels de son temps.
Sans cette blessure, il est peu probable que Joë Bousquet soit devenu le poète qu'il a été. Et c'est de cette seconde naissance dont il est question ici, de la capacité de cet homme à faire le deuil de son corps, de son ancienne vie et à s'en inventer une autre. Libre, séducteur et bon vivant, Joë Bousquet a eu deux vies : dans la première il multipliait les conquêtes et les expériences ; dans la seconde, est né un poète, un écrivain, un homme qui côtoie tout ce que la première moitié du 20ème siècle comptait comme poètes, peintres, philosophes. On peut citer Paul Eluard, André Gide, Aragon, Max Ernst, Jean Paulhan, puis Simone Weil, Julien Benda...
Max Ernst - L’œil du silence - 1943-1945 |
Je ne connaissais pas cet auteur qui semble pourtant avoir été incontournable au début du siècle dernier. J'ai été très intéressée par cette histoire, par la vie de cet homme qui cherche à gagner sa liberté en allant au front, par la capacité de Joë Bousquet à s'inventer une nouvelle vie après cette blessure qui le rend hémiplégique, par sa vie parmi les intellectuels de l'époque. Le récit de la guerre est des offensives de 1918 sont aussi très belles.
J'ai également beaucoup apprécié la réflexion de l'auteur, Guillaume de Fonclare, sur le quotidien d'un hémiplégique, son rapport à la vie, à l'amour et à l'amitié. La langue de l'auteur est très belle et le style employé, cet usage du vouvoiement où Guillaume de Fonclare s'adresse à Joë Bousquet nous rapproche de cet écrivain oublié. Ce livre m'a donné envie d'en savoir plus sur Joë Bousquet, sa vie et son œuvre.
"A l'aube des années vingt, vous entrez donc en littérature à la manière d'un ermite, reclus, loin du bouillonnement de la capitale, mais pleinement intégré à la vie culturelle nationale par le réseau d'amis et de correspondants que vous tissez dans toute l'Europe. On admire l'homme couché qui ne se perd pas dans sa douleur ; et puis, c'est l'écrivain qu'on en vient peu à peu à admirer, ce sont vos textes qui impressionnent vos amis, vos lettres, la profondeur de la réflexion que vous y déployez dans un style inimitable." (Joë - Guillaume de Fonclare - Editions Stock - novembre 2014 - page 78)
Ce qui me rend réservée quant à ce livre, c'est la place que s'est donné l'auteur. En effet, durant quelques chapitres, il parle à la première personne du singulier. Guillaume de Fonclare nous parle de sa rencontre avec l'écrivain et de la proximité qu'il a avec lui de par la maladie qui le handicape progressivement, le faisait terriblement souffrir. Il est évident que cette souffrance partagée avec le poète le rapproche de lui, mais j'avoue ne pas bien comprendre ce qu'apporte ce parallèle entre ces deux destins, unis dans la souffrance. Comme si la vie de Joë Bousquet ne pouvait avoir de sens qu'à travers ce handicap et cette souffrance. Comme si la voix du poète se confondait avec celle de l'auteur. J'admire cette force de caractère qui leur permet, à tous les deux de tenir debout, d'écrire, de continuer à vivre, coûte que coûte, au-delà des souffrances et des peurs. Mais j'aurais aimé qu'il ne soit question que de Joë Bousquet et qu'il n'y ai pas ce pèlerinage, cette superposition des douleurs, de Guillaume de Fonclare à Joë Bousquet. Ou bien que l'auteur parle de lui, de sa souffrance, en référence à Joë Bousquet. Mais là encore, comme dans le roman L'amour et les forêts, de Eric Reinhardt, j'ai eu l'impression de voir un auteur utiliser la vie d'un autre pour parler de lui-même. Et cela me dérange. Même si, je le reconnais, Guillaume de Fonclare le fait avec beaucoup d'humilité et de pudeur.
Etude pour Le miel est plus doux que le sang - Toile de Salvador Dali qui faisait partie de la collection de Joë Bousquet |
Les deux autres titres de l'auteur étant visiblement construit sur le même principe (croisement entre sa souffrance et celle des autres, de son meilleur ami notamment), je n'irai probablement pas creuser plus loin.
Joë de Guillaume de Fonclare. Les Éditions Stock, novembre 2014. 140 pages.
Je vous invite à aller lire les avis de Yv, Aifelle et Moka, toutes deux conquises par l'auteur et le récit.
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J'avais eu les mêmes réserves que toi sur son premier livre Dans ma peau, mais pas pour Joë que j'ai beaucoup aimé
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerCe que j'ai voulu faire, c'est montrer combien la découverte de l'oeuvre de Joe Bousquet, et plus encore, de Joe Bousquet en lui-même, a changé ma vie. La manière dont il a transformé une catastrophe existentielle - cette balle qui vient le couper en deux en lui laissant une moitié de corps inerte et encombrante - en une renaissance intime m'a profondément émue, car sans le connaître, je n'ai cessé de tenter de montrer dans mes livres qu'on peut faire d'une blessure, quelle qu'elle soit, la condition d'un commencement vers quelque chose de meilleur. Je détesterais par donc qu'on puisse croire que pour moi, raconter la vie de Bousquet ne serait que le prétexte pour me mettre en scène, alors que dans ce livre, je n'ai cherché qu'à montrer cette résonance étrange entre deux existences à un siècle de distance, même si je ne me compare pas à Joe Bousquet. Cependant, j'accepte évidemment tout à fait que cette tentative ait échoué pour vous et que vous ayez des réserves sur ma façon de faire, même si j'aurais beaucoup aimé vous convaincre comme j'aimerais convaincre chaque lecteur de la pureté de mes intentions en me faisant intervenir comme un des acteurs du récit, et je trouve très délicat de votre part que vous mettiez à la fin de votre article deux liens vers des critiques plus positives que la vôtre de mon livre, et cela dit sans vouloir vous cirer les pompes.
Mais je voulais vous dire les raisons qui m'ont poussé à choisir la vie de cet homme comme thème de mon troisième récit, et de faire ce parallèle entre sa vie et la mienne, puisque c'était votre interrogation.
Bien à vous.
Guillaume de Fonclare
Bonjour,
SupprimerJe vous remercie d'avoir pris le temps de passer par ici et de lire mon billet. J'ai parfaitement perçu le sens que vous souhaitiez donner à ce texte, mais il me semblait que j'aurais été plus touchée par cette force de caractère qui vous émeut si vous ne m'aviez parlé que de Joë Bousquet, ou de vous d'ailleurs. Cependant, je sais très bien ne détenir aucune vérité, il ne s'agit que de ma sensibilité au moment de ma lecture.
C'est la raison pour laquelle j'ai mis des liens vers deux des nombreux avis positifs concernant votre livre.
Au plaisir de vous lire à nouveau.