12 septembre 2014

A l'origine notre père obscur - Kaoutar Harchi

Auteur : Kaoutar Harchi
 Titre : A l'origine notre père obscur

Broché : 164 pages
Editeur : Actes Sud
Collection : Romans, nouvelles
  Édition : 20 août 2014


Une superbe histoire de femmes. Universelle.




Présentation de l'éditeur :

Enfermée depuis son plus jeune âge dans la “maison des femmes”, une bâtisse ceinte de hauts murs de pierre où maris, frères et pères mettent à l’isolement épouses, sœurs et filles coupables – ou soupçonnées – d’avoir failli à la loi patriarcale, prise en otage par les mystères qui entourent tant de douleur en un même lieu rassemblée, une enfant a grandi en témoin impuissant de l’inéluctable aliénation de sa mère qu’un infini désespoir n’a cessé d’éloigner d’elle.
Menacée de dévoration par une communauté de souffrance, meurtrie par l’insondable indifférence de sa génitrice, mais toujours aimante, l’abandonnée tente de rejoindre enfin ce “père obscur” dont elle a rêvé en secret sa vie durant. Mais dans la pénombre de la demeure du père, où sévit le clan, la guette un nouveau cauchemar où l’effrayant visage de l’oppression le dispute aux monstrueux délires de la névrose familiale dont il lui faudra s’émanciper pour découvrir le sentiment d’amour.
Entre cris et chuchotements, de portes closes en périlleux silences, Kaoutar Harchi écrit à l’encre de la tragédie et de la compassion la fable aussi cruelle qu’universelle de qui s’attache à conjurer les legs toxiques du passé pour s’inventer, loin des clôtures disciplinaires érigées par le groupe, un ailleurs de lumière, corps et âme habitable.


Ma lecture :
 
A la lecture des premières pages de ce très beau récit, j'ai plutôt situé le cadre de cette maison-prison en Afrique du Nord. Cela en raison des origines de l'auteure très certainement, de par la représentation de la vie des femmes que je peux avoir, de par ces traditions de communautés de mères et de sœurs qui se retrouvent autour de leurs enfants, des repas à préparer... leur façon de vivre...

"La Mère a hoché la tête, soupiré, fait un quart de tour sur elle-même, saisi l'éponge, le produit vaisselle, ouvert le robinet, laissé couler l'eau qui bientôt déborde l'évier puis, à nouveau, y a plongé ses mains." (A l'origine notre père obscur - Kaoutar Harchi - Ed. Actes Sud - page 40)

Mais petit à petit, j'ai compris que le propos de l'auteure n'était pas de nous parler de la condition féminine au Maroc ou ailleurs. Jamais cette maison n'est située géographiquement. Les villes ne sont souvent que des initiales. L'histoire n'est pas non plus datée. Elle pourrait avoir lieu aujourd'hui, hier, ou au siècle dernier. Car finalement, ce dont parle Kaoutar Harchi, c'est des femmes, de leur place dans la société des hommes, et ce depuis que le monde est monde. Isolées, punies de crimes qu'elles n'ont pas commis, tel l'adultère, rejetées par leur belle-famille, ces femmes sont enfermées dans cette maison qu'elles doivent partager dans une certaine promiscuité.

La narratrice est la fille d'une de ces femmes, La Mère, enfermée avec elle sans doute parce qu'elle est fille. C'est elle qui nous parle de cette maison où les femmes, malgré leurs cris et leurs pleurs, sont résignées et attendent le jour où leur époux daignera venir les chercher. La narratrice nous fait partager sa colère devant cette résignation de La Mère, sa peine devant les pleurs de celle-ci, son amour inconditionnel pour elle alors que La Mère ne la regarde plus, ne l'embrasse plus, ne la caresse plus.

Dans ce récit, la maison n'est pas close, ni gardée. Et pourtant, aucune des femmes ne pense à s'en aller. Toutes attendent le mari qui reviendra les chercher, peut-être, un jour. Cette soumission révolte la jeune fille qui observe ce huis-clos, cette intimité féminine.

Dans ce livre, Kaoutar Harchi a choisi de mettre en exergue, en début de chaque chapitre, un passage de la Bible illustrant la façon dont les femmes sont considérées et qui montre combien les cultures qui sont les nôtres peuvent laisser de traces dans l'éducation des filles et le quotidien des mères. Et ça, ce n'est pas au Maroc, en Afghanistan, en Espagne ou en France... C'est universel. La culture de soumission des femmes est universelle. Partout elle est celle par qui la faute ou le malheur arrive. Partout elle est celle qui doit se sacrifier, pour ses enfants d'abord, son mari, sa maison...
 
"[...]il y a en la Mère, comme en chacune des femmes qui vit ici, une forme de complaisance à être enfermée, à être punie sans réelle raison, dans leur chair, dans leur âme, à être humiliée de la sorte - cette farine, ce sucre, cette levure, ce sel, qu'elles mendient, à chaque visite de leurs époux respectifs - comme s'il était un certain endroit où souffrir procure un certain plaisir. Et il faudrait pouvoir nommer ce lieur où se développe cette accoutumance au chagrin. Bien pire, cette dépendance au mal qu'infligent les hommes, en toute circonstance, et auquel, pourtant, ces femmes pourraient mettre fin, en le décidant." (A l'origine notre père obscur - Kaoutar Harchi - Ed. Actes Sud - page 41)
La force et l'universalité du propos ainsi que la plume, précise et poétique, de l'auteure font de ce livre un coup de cœur de ma rentrée littéraire 2014.

Je vous invite à lire les avis de Jostein, Mimi et Nadael.

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Seconde lecture de cette rentrée littéraire 2014, il s'agit d'un coup de cœur et également d'une très belle plume au Féminin.

http://delivrer-des-livres.fr/challenge-rentree-litteraire-2014/   http://biblimaginaire.blogspot.ca/2013/12/la-plume-au-feminin-2014.html



6 commentaires:

  1. Un titre que je n'hésite pas à noter, ça semble vraiment beau... et touchant !

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  2. J'hésite depuis la sortie. J'ai envie et en même temps j'ai peur que ce soit sombre, difficile humainement.
    Je le souligne cependant.

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  3. C'est la première fois que je vois ce livre sur un blog (ceci dit, les rentrées sont souvent tellement chargées....), ton billet est très beau. Je le note.

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