Auteur : Gaëlle Josse
Titre : Les heures silencieuses
Broché : 89 pages
Editeur : J'ai lu - Romans
Edition : Janvier 2011
Une superbe peinture.
Présentation de l'éditeur :
Delft, novembre 1667. Magdalena Van Beyeren se confie à son journal intime. Mariée très jeune, elle a dû renoncer à ses rêves d'aventure sur les bateaux de son père, administrateur de la Compagnie des Indes orientales. Là n'est pas la place d'une femme... L'évocation de son enfance, de sa vie d'épouse et de mère va lui permettre l'aveu d'un lourd secret et de ses désirs interdits. Inspiré par un tableau d'Emmanuel De Witte, ce premier roman lumineux, coup de cœur des lecteurs et de la presse, dessine le beau portrait d'une femme droite et courageuse dans le peu d'espace qui lui est accordé.
Ma lecture :
"À Delft, le 12 de ce mois de novembre 1667
Je m'appelle Magdalena Van Beyeren. C'est moi, de dos, sur le tableau. Je suis l'épouse de Pieter Van Beyeren, l'administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, et la fille de Cornelis Van Leeuwenbroek. Pieter tient sa charge de mon père.
J'ai choisi d'être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin. Nous avançons vers l'hiver. Les eaux de l'Oude Delft sont bleues de gel et les tilleuls, qui projettent au printemps leur ombre tachetée sur le sol, ne sont aujourd'hui que bois sombre, et nu.
Pour oiseaux, nous n'avons que corbeaux et corneilles, ils sont les seuls à se plaire par ce temps. Leur cri me glace et il me tarde de revoir sur les bords du canal cette couleur tendre de vert mêlé de jaune, celle des premières feuilles du printemps. La traversée de l'hiver demande patience. Ce n'est qu'une saison à passer, mais je remarque, et chaque année davantage, combien l'angoisse m'étreint, sitôt disparue l'ardeur des rouges et des ors de nos mois d'automne. Cet aveu m'apaise, car nous abritons en nous quantité de souvenirs et de réflexions ; il ne se trouve personne pour les entendre, et le cœur s'étouffe à les contenir." (Les heures silencieuses - Gaëlle Josse - page 11 - J'ai lu romans)
Je m'appelle Magdalena Van Beyeren. C'est moi, de dos, sur le tableau. Je suis l'épouse de Pieter Van Beyeren, l'administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, et la fille de Cornelis Van Leeuwenbroek. Pieter tient sa charge de mon père.
J'ai choisi d'être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin. Nous avançons vers l'hiver. Les eaux de l'Oude Delft sont bleues de gel et les tilleuls, qui projettent au printemps leur ombre tachetée sur le sol, ne sont aujourd'hui que bois sombre, et nu.
Pour oiseaux, nous n'avons que corbeaux et corneilles, ils sont les seuls à se plaire par ce temps. Leur cri me glace et il me tarde de revoir sur les bords du canal cette couleur tendre de vert mêlé de jaune, celle des premières feuilles du printemps. La traversée de l'hiver demande patience. Ce n'est qu'une saison à passer, mais je remarque, et chaque année davantage, combien l'angoisse m'étreint, sitôt disparue l'ardeur des rouges et des ors de nos mois d'automne. Cet aveu m'apaise, car nous abritons en nous quantité de souvenirs et de réflexions ; il ne se trouve personne pour les entendre, et le cœur s'étouffe à les contenir." (Les heures silencieuses - Gaëlle Josse - page 11 - J'ai lu romans)
Les premières phrases ce petit livre qui pourrait s'apparenter à une nouvelle, témoignent bien des talents d'écriture de Gaëlle Josse. Dans ce roman, son premier, l'auteure nous dépeint un tableau, celui d'Emmanuel de Witte, et le contexte dans lequel il a été produit. Emmanuel de Witte est un petit maître hollandais du XVème siècle, principalement connu pour ses peintures d'intérieur d'église. A cette époque, au tout début de l'âge d'or de la peinture néerlandaise, les bourgeois commandent des portraits à quelques peintres réputés. C'est ce contexte que présente Gaëlle Josse dans ce livre : elle campe des personnages, issus de la bourgeoisie hollandaise, une société en plein développement et qui partage un pouvoir sur le monde avec les anglais, les italiens ou les français. Cette prospérité passe par le commerce au long cours et le commerce triangulaire, abordé également dans ce livre.
N'échappant pas à la règle, la famille Van Beyeren, famille d'armateurs, commande un portrait tout en cherchant à se démarquer de portraits trop ostentatoires tel celui réalisé par Vermeer pour l'épouse d'un banquier. Gaëlle Josse fait ici référence à un tableau intitulé Femme à la balance.
La femme à la balance - 1662-1665 - J. Vermeer |
Cette plongée dans l'art pictural du XVème siècle hollandais est tout à fait passionnante. Il s'agit d'un réel portrait d'une époque, d'une société, d'une classe sociale, de la place de la femme dans ce monde et dans les affaires, dans la famille ou dans les arts.
Ce livre est un très beau support à la découverte des peintres de cette époque que j'apprécie pour ma part beaucoup. L'écriture de Gaëlle Josse est très belle, tout en finesse et subtilité. On lit ce livre comme on découvre un tableau, comme on écoute la musique d'une poésie : il s'agit de saisir l'instant présent et d'en conserver les plus belles impressions.
Intérieur avec femme à l'épinette - Emmanuel de Witte |
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Une lecture à inscrire au défi Premiers Romans proposé par Daniel. Il s'agit également d'une superbe plume au féminin.
Merci pour cette participation au défi Premier roman! Je viens de la relayer. A très bientôt!
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