Auteur : Jules Vallès
Titre : L'Enfant
Poche : 407 pages
Editeur : Editions du Club France Loisirs (novembre 1987)
Une lecture fluide et pleine de sensibilité.
Jules Vallès, pour ceux qui n'auraient pas eu
l'occasion de croiser encore ce nom, est un auteur du XIXème siècle. Né
au Puy en Velay en 1832, il est décédé à Paris en 1885.
Journaliste, écrivain et homme politique d'extrême gauche, Jules
Vallès commence sa "carrière" révolutionnaire à Nantes
en 1848 où il arrive avec ses parents en 1847, année de la
nomination de son père comme professeur au Collège Royal de Nantes
(devenu depuis le Lycée Georges-Clémenceau). Après des études chaotiques, il deviendra journaliste au Progrès de Lyon, à
L'Epoque, l'Affiche Rouge, fondera son journal La Rue puis Le cri du
Peuple... Menacé de mort pour ses positions radicales lors de la
Dictature du Comité de Salut Public, il doit fuir en Belgique
puis en Angleterre. Les livres de Jules Vallès paraissent à la fin
de sa vie. Tous parlent du peuple, de la pauvreté et de la misère d'un
peuple exploité. L'Enfant est le premier livre d'une
trilogie romanesque et très largement autobiographique. Elle se poursuit avec Le Bachelier puis L'Insurgé. Jules Vallès est l'un des auteurs présentés dans La Loire-atlantique des Ecrivains, dont je vous ai parlé il y a quelques temps.
Présentation de l'éditeur :
Fils d'un professeur de collège méprisé et d'une paysanne bornée,
Jules Vallès raconte : « Ma mère dit qu'il ne faut pas gâter les enfants
et elle me fouette tous les matins. Quand elle n'a pas
le temps le matin, c'est pour midi et rarement plus tard que quatre
heures.» Cette enfance ratée, son engagement politique pour créer un
monde meilleur, l'insurrection de la Commune, Jules Vallès
les évoqua, à la fin de sa vie, dans une trilogie : L'Enfant, Le
Bachelier et L'Insurgé. La langue de jules Vallès est extrêmement
moderne. Pourtant l'histoire de Jacques Vingtras fut écrite en
1875 et c'est celle des mal-aimés de tous les temps !
Ma lecture :
Je ne sais plus à quelle occasion j'ai pu lire ce premier titre de
la trilogie de Jules Vallès, mais c'était il y a pas mal d'années.
Pourtant, je me souvenais parfaitement des premières pages,
de ce premier chapitre intitulé Ma Mère, où Jules Vallès présente sa
mère, ou plutôt celle de Jacques Vingtras, le héros de ce roman
autobiographique.
"Ai-je été nourri par ma mère ? Est-ce une paysanne qui m'a donné son lait ? Je n'en sais rien. Quel que soit le sein que j'ai mordu, je ne me rappelle pas une caresse du temps où j'étais tout petit : je n'ai pas été dorloté, tapoté, baisoté : j'ai été beaucoup fouetté." (L'Enfant - Jules Vallès - Edition du Club France Loisirs - page 23)
La suite, après ces premières pages et les premières impressions
m'étaient totalement sorties de l'esprit. Et j'ai pris grand plaisir à
redécouvrir ce texte.
Dans ce premier livre, Jules Vallès nous raconte son enfance en
Haute-Loire, au Puy-en-Velay. Une enfance particulièrement douloureuse
entre un père centré sur sa carrière de Professeur et sa
mère totalement occupée par son foyer et son malheureux enfant qui
subit constamment ses reproches, critiques et violences de toutes
sortes.
Toute cette existence de rigueur est pourtant évoquée avec un certain humour, grinçant. On sent le regard amer que peut porter l'auteur sur son existence. En 1885, Jules Vallès
décède en murmurant : "j'ai beaucoup souffert"... Cet épisode témoigne bien de l'âpre existence qui fut celle de l'auteur, et du regard qu'il porte notamment sur ses jeunes
années.
On comprend dans ce livre combien l'enfant Jules Vallès a
constamment essayer de s'accommoder de l'existence qui était la sienne,
tant chez lui qu'à l'école puis au collège. De cette existence de
misère. Chaque fois il se dit que c'est pour son
bien si sa mère le maltraite ainsi et en vient à essayer de croire que
les parents débordant de douceur avec leurs enfants leur
veulent du mal. On comprend qu'avec le recul des années, Jules
Vallès manie une doucereuse ironie, mais quelle souffrance pour l'enfant qu'il était.
"Les règles de la vie de famille lui donnent droit de vie et de mort sur moi.
Je suis un mauvais sujet, après tout !
On mérite d'avoir la tête cognée et les côtes cassées, quand, au lieu d'apprendre les verbes grecs, on regarde passer les nuages ou voler les mouches.
On est un fainéant et un drôle, quand on veut être cordonnier, vivre dans la poix et la colle, tirer les fil, manier le tranchet, au lieu de rêver une toge de professeur, avec une toque et de l'hermine.
On est un insolent vis-à-vis de son père, quand on pense qu'avec la toge on est pauvre, qu'avec le tablier de cuir on est libre !" (L'Enfant - Jules Vallès - Edition du Club France Loisirs - page 184)
Ce passage est également révélateur des thèmes qui sont abordés dans ce livre : le goût pour les métiers manuels et l'ennui des heures passées à étudier, composer, faire des
versions... Les descriptions des métiers du cordonnier ou du boulanger sont pleines de vie. Son regard sur la nature et les gens plein de gaieté est également convaincant. Il
tranche d'autant plus avec son existence morne au sein de la cellule familiale.
On voit apparaître également ce qui fera de lui l'homme qu'il est devenu : son goût pour la liberté, au mépris des honneurs dont ses parents souhaitaient se prévaloir. Ce sont
également les prémices de son engagement politique futur. C'est vers le peuple et La Commune que se portent les aspirations de Jules Vallès et le lecteur peut en
juger par de nombreux détails.
Jules Vallès |
Dans ce premier livre, on découvre l'existence des "gens du peuple"
dans la première moitié du XIXème siècle : l'ouvrier, le paysan, le
professeur (pas celui dont l'aura rayonne dans le
microcosme intellectuel, mais plutôt celui qui souffre devant sa
classe, celui qui ne réussit pas toujours malgré un investissement sans
faille et qui en veut à la terre entière, et surtout à sa
famille). A la fin de L'Enfant, on commence à sortir de la famille,
du village, pour découvrir ce qui se passe autour, en ville, à Nantes
puis à Paris, dans les milieux politiques de l'époque.
C'est la suite que j'ai envie de découvrir à travers les deux autres
livres de cette trilogie, Le bachelier et L'insurgé.
Une lecture très fluide et pleine de sensibilité que je vous invite à (re)découvrir.
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Il s'agit d'une (ancienne) lecture classique, reprise pour le challenge de Stéphie.
Un classique que je n'ai pas encore lu.
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