Auteur : Karin Serres
Titre : Monde sans oiseaux
Broché : 112 pages
Editeur : Stock
Collection : La Forêt
Edition : 21 août 2013
Un coup de coeur.
Un coup de coeur.
Présentation de l'éditeur :
« Petite Boîte d’Os » est la fille du pasteur d’une communauté vivant sur les bords d’un lac nordique. Elle grandit dans les senteurs d’algues et d’herbe séchée, et devient une adolescente romantique aux côtés de son amie Blanche. Elle découvre l’amour avec le vieux Joseph, revenu au pays après le « Déluge », enveloppé d’une légende troublante qui le fait passer pour cannibale.
Dans ce monde à la beauté trompeuse, se profile le spectre d’un passé enfui où vivaient des oiseaux, une espèce aujourd’hui disparue. Le lac, d’apparence si paisible, est le domaine où nagent les cochons fluorescents, et au fond duquel repose une forêt de cercueils, dernière demeure des habitants du village.
Une histoire d’amour fou aussi poignante qu’envoûtante, un roman écrit comme un conte, terriblement actuel, qui voit la fin d’un monde, puisque l’eau monte inexorablement et que la mort rôde autour du lac…
Ma lecture :
Ce récit, très troublant, est véritablement inclassable. Il s'agit d'un conte onirique, mêlant analyse sociale d'un monde en voie de disparition à des détails totalement surréalistes, tels ces cochons amphibie rose fluorescents, cette lune et ces lapins verts.
Nous suivons à travers ces quelques pages vite dévorées, la vie de "Petite Boîte d'Os", de sa naissance à la fin de sa vie.
"La peau du lac frémit, frise, se creuse comme une tôle ondulée puis explose en une immense vague qui asperge toutes les maisons du village sous le cri de ma mère qui me surplombe, petit corps gluant qui vient de ramper hors de sa nuit rouge pour atterrir sur le plancher au bout du cordon qui bat."
Cette arrivée brutale au monde laisse présager de conditions de vie particulièrement douloureuses. Et pourtant, rien n'est jamais fidèle aux apparences dans de récit. Même si cette mère en vient souvent à oublier sa fille, chez le poissonnier ou dehors, dans le jardin en pleine nuit, les choses se passent toujours avec un naturel particulièrement déstabilisant. Et partout dans ce livre, on ressent la force des sentiments. Si les termes employés sont toujours décalés, ils témoignent notamment de cet amour au sein de la famille de "Petite Boîte".
"Je la regarde à l'envers, maman-montagne-maman, pleine de son odeur."
"Maman nage lentement au milieu des cochons qu'elle a réveillés, son sillage brillant la suit comme une queue. Elle plonge. Dans un chapelet de bulles, ses fesses rondes et pâles brillent sous la lune comme la tête d'un monstre joufflu, puis maman remonte, rit, et, sur la berge, papa lui tend une serviette."
Ce récit, c'est une histoire d'amours : entre des parents et leurs enfants, entre des hommes et des femmes, entre des maris et leurs femmes. C'est un récit fantastique. C'est une histoire de fin du monde, où le petit village disparaît progressivement face à l'inexorable montée des eaux. C'est la fin d'un monde également, celui des solidarités villageoises face à l'anonymat des grandes villes, celui des vies simples et modestes face à un monde de consommation grandissante. Avec ce monde qui disparaît, ce sont également des hommes et des femmes qui meurent, les uns après les autres. Les plus jeunes le quittent aussi, par bateau, pour rejoindre la grande ville et ses buildings. Ces ruptures et ces disparitions sont décrites avec beaucoup de douceur et d'intensité à la fois.
"Je le regarde tous les jours, pourtant. Sa chair qui s'affine et se plisse, ses cheveux qui blanchissent, je les regarde, je les touche, je les connais, je les aime mais sans observer de changement net, sans comprendre ce que cela annonce, sans voir notre temps passer. Je n'ai pas vu sa mort arriver. Pas prévu. Jamais pensé. Fauchée, je suis, à genoux dans la terre de notre potager. Stupéfaite qu'il puisse me laisser."
Il y a de l'amour dans ce livre, de la douceur, de la joie, des rires... Il y a de la douleur, de la violence, de la colère, des regrets, des angoisses... Il y a de l'humour, des rêves, du surnaturel... Il y a tant de choses dans ces 112 pages, portées par une écriture magnifique !!! Ce livre est un vrai condensé littéraire.
Je ne peux pas m'empêcher de vous rapporter les critiques de personnes bien plus qualifiées que moi :
Est-ce un conte ? Une fable ? Un rêve ? Un cauchemar, peut-être, mais adouci par la beauté trompeuse du lieu et la quiétude inentamable de l'héroïne... Le premier roman de la dramaturge Karin Serres est une fantaisie, sombre comme celle du romantisme allemand. (Philippe-Jean Catinchi - Le Monde du 24 octobre 2013)
Dans ce roman, il se passe peu d’événements, tout est dans les
atmosphères et dans l’écriture surtout, poétique, onirique, qui nous
embarque dans une drôle d’aventure, où les oiseaux sont absents, mais où
la folie guette, où les sentiments sont vifs, où les animaux cohabitent
avec les hommes, où la montée des eaux survient, inexorablement… (les 8 plumes - l'Express - 22 septembre 2013)
Teinté de mystère et de fantastique, l'univers d'un Monde sans oiseaux
pourrait tout autant vaciller dans le roman futuriste pessimiste que
dans la douce satire du bon vieux temps rural. Vouant un culte craintif à
leur lac sombre et inquiétant, où s'entassent cercueils et cochons
amphibies, les villageois redoutent les nouvelles crues qui les obligent
à déplacer leurs maisons sur roulettes. Mais cette angoisse n'est rien
en comparaison de celle que suscitent les urbains, ces vampires nouvelle
génération. Ce premier roman se revêt des plus beaux atouts du conte,
pour conduire le lecteur vers un imaginaire à la Edgar Allan Poe,
l'insouciance enfantine en plus. (Amandine Pilaudeau - L'Humanité du 3
octobre 2013)
***********
Il s'agit du premier titre lu dans le cadre du Comité de lecteurs, une plume au féminin, et, bien sûr, un premier roman.
Cela me tenterait bien tiens...
RépondreSupprimerSans hésitation !
SupprimerUne petite merveille d'invention et de poésie ce roman, j'attends avec curiosité le prochain livre de l'auteure.
RépondreSupprimerJ'en garde aussi un bon souvenir: je l'ai lu l'automne dernier, au moment de sa parution. Ce roman recèle un côté surréaliste, onirique, parfaitement justifié!
RépondreSupprimerMerci pour cette participation au Défi Premier roman!
Moi, j'adore les oiseaux alors, un monde sans oiseaux, ce serait trop triste.
RépondreSupprimerJe crois que le livre n'est pas pour moi.
Très belle ta photo du printemps.
Passe une bonne semaine.
Je ne m'étais pas fait cette réflexion... mais le fait est que je déteste les oiseaux ! Enfin, je leur mets quand même à manger dans le jardin... mais, de loin ;-)
SupprimerInclassable et complètement fascinant... On ne lit pas souvent de tels romans... et on s'en souvient longtemps !
RépondreSupprimernoté, je surligne !
RépondreSupprimerJe l'avais trouvé à sa sortie à la bibliothèque, parce qu'avec les travaux on n'avait accès qu'aux nouveautés de la rentrée littéraire, donc ... Je l'ai lu en une soirée pourtant mais je l'ai trouvé bizarre, étrange, un ovni de la littérature. Pas de pathos, on est dans le total excès inverse. Je n'en garde pas vraiment un agréable souvenir.
RépondreSupprimerhttp://www.lecturienne.com/2013/10/monde-sans-oiseaux-karin-serres.html
On sent, à travers ton billet, que tu as aimé.
RépondreSupprimer