01 septembre 2018

Personne n'est obligé de me croire - Juan Pablo Villalobos

Première lecture de cette rentrée littéraire 2018 grâce au rendez-vous des Explorateurs de la rentrée littéraire 2018 initié par Lecteurs.com. Pour mémoire, mon avis de la page 100 disait à peu près ceci : [...] Je ne suis pas fan de ce type d'écriture, qui traduit brutalement le langage parlé, ici à grand renfort de mots grossiers et vulgaires (je suis curieuse de savoir combien de fois le mot "couillon" est employé dans ce livre...). L'histoire, elle, est pour le moment totalement irréaliste. Je vais m'accrocher car il m'arrive rarement d'abandonner une lecture, et parce que les chapitres de Val m'intéressent...
Ma lecture est maintenant terminée : ai-je trouvé dans les 180 pages qui ont suivi de quoi réviser mon jugement ?

Personne n'est obligé de me croire - JP Villalobos.
Éditions Buchet Chastel, 6 septembre 2018, 250 pages.


Présentation de l'éditeur :

Mexico, 2004. Juan Pablo, brillant étudiant, reçoit une bourse pour partir finir son doctorat à Barcelone en compagnie de Valentina, sa fiancée. L’occasion rêvée pour lui de découvrir l’Europe, de s’éloigner de sa mère et de prouver les vertus de l’intellectualisme à une famille haute en couleur et pas toujours très soucieuse des lois. Mais c’est compter sans l’enthousiasme des siens : contacté par un de ses cousins quelques jours avant son départ et adoubé mafieux malgré lui, Juan Pablo voit son épopée universitaire se transformer peu à peu en un truculent roman noir…

Drôle, enlevé, ce récit à plusieurs voix nous dépeint une Barcelone foisonnante, peuplée de dangereux truands et d’universitaires à la pédanterie comique tout en livrant une très fine réflexion sur les procédés littéraires et le sens de la fiction.


Ma lecture :

Un cousin mafieux trop sûr de lui, un jeune étudiant sur le départ vers l'Europe pour finir son doctorat enrôlé par ledit cousin, une petite amie embarquée dans l'histoire bien contre sa volonté, et une mafia qui fait le pont entre le Mexique et Barcelone en utilisant des amateurs pour conduire discrètement ses petites combines. Je ne vous dirai pas grand chose de plus des combines en question qui m'ont paru si complexes que je ne suis pas sûre d'avoir tout suivi... Les manigances sont tellement surréalistes qu'on a du mal à y croire. Mais je ne suis pas sûre que ce soit l'essentiel dans ce roman... le plus important m'a semblé être les personnages et leurs relations : Juan Pablo, Valentina, le cousin, Jimmy, l'Avocat, le Chinois, Chucky... Le tout porté par un style très travaillé mais... peu usuel.

"Tu vas avoir besoin de cinq cents euros, dit le Chinois sur le trottoir. Deux cent cinquante de caution. Deux cent cinquante pour le loyer du premier mois. Je regarde tranquillement ses yeux fendus, ses cheveux en averse, les poils mal rasés qui parsèment ses joues. Il doit avoir une bonne trentaine. Heu, c’est toi le Chinois ? Le Chinois rigole. À ton avis ? J’insiste : le Chinois de l’Avocat ? Viens, on nous attend, et il fait mine de partir. Je ne bronche pas. Bouge ton cul, mec. Où va‑t‑on ? Qu’est‑ce que tu crois ? Ne m’énerve pas, l’Avocat m’a dit que s’il faut te tabasser, je n’ai qu’à te tabasser. On s’en va, parcourant en sens inverse le chemin qui m’a mené du marchand de portables à la téléboutique. Deux cent cinquante, c’est cher, je dis, en essayant de rester à la hauteur du Chinois. Je pensais mettre deux cents au maximum. Ordre de l’Avocat, dit le Chinois." (pages 27-28)

Le paragraphe ci-dessus est une belle illustration de ce qui m'a déplu dans cette lecture : le style de l'écriture. Je ne suis pas fan du langage parlé, à grand renfort de "je dis", "il répond", "j'insiste", "il répète"... La lecture prend un rythme saccadé, heurté, qui me déplaît. Je préfère les phrases plus fluides, poétiques, qui chantent... mais pas le rap.

"Ces cons, c'est du lourd, mon con, tu as déjà dû t'en rendre compte, ces gens gèrent des projets auxquels il est difficile d'avoir accès, ces cons bouffent à la table des présidents, décrochent le téléphone et le monde entier bouge ses fesses pour exécuter leurs ordres, ce sont des gens super-fortiches et je te branche avec eux simplement parce que tu es mon cousin, je leur ai parlé de toi et je leur ai dit qui tu étais, un jour tu me diras merci. Et toi, si tu dis encore mais putain j'en ai rien à foutre de tout ça, c'est que tu n'es qu'un foutou looser qui veut être prof de littérature, qui rêve d'écrire des livres sur l'immortalité des statues, qui veut sa paie de sept mille cinq cents pesos !" (pages 76-77)

Le style parlé comprend aussi les grossièretés et mots vulgaires... et ça, à haute dose (c'est à dire un mot toutes les lignes, trois ou quatre pages de suite), j'ai du mal.

Pour poursuivre avec ce qui m'a déplu dans ce livre, je peux vous parler de la dermatose nerveuse de Juan Pablo, qui se couvre de boutons chaque fois qu'il est stressé, ce qui donne l'occasion de débats récurrents sur l'origine de ces boutons : allergie ou dermatose nerveuse ? J'avoue qu'au bout de 3-4 fois, on a compris... je n'ai jamais été une adepte du comique de répétition. A ce titre, je ne comprends pas tellement où se trouve le côté "drôle" annoncé... Mais j'avoue être rarement bon public.

Je vous propose enfin un extrait des lettres de la mère de Juan Pablo à son fils, dans lesquelles elle parle d'elle-même à la troisième personne du singulier... Lassant !

"Cher fils, ta mère espère que cette lettre te trouveras enfin installé et remis des fatigues du voyage. Ne crois pas que ta mère prise de folie va t'écrire tous les jours maintenant que tu vis en Europe, à vrai dire ta mère a pris l'habitude d'être loin de toi depuis toutes les années où tu as vécu ailleurs. Ta mère aurait voulu te parler de certaines choses avant ton départ, mais avec les délais et les démarches, et ce qui est arrivé à ton cousin, on n'a pas eu un instant de répit." (page 31) 

Donc finalement, c'est réellement le style de l'auteur que j'ai eu du mal à intégrer et à apprécier. Heureusement, le récit se fait à plusieurs voix, et outre celles de Juan Pablo, du cousin ou de la mère, il y a aussi le journal intime de Valentina, la compagne de Juan Pablo. Ces pages sont plus "littéraires", plus structurées, plus écrites. Elles donnent de l'air au lecteur et lui permettent de reprendre son souffle avant de plonger à nouveau dans le style parlé de JP ou de sa mère.

Avec le recul, je trouve l'exercice très intéressant : tous ces styles de langue ajustés aux caractères des différents personnages. Cela donne du rythme à une histoire assez superficielle. Sans doute cet exercice de style, adossé à une analyse littéraire riche, explique-t-il l'octroi du prestigieux prix littéraire espagnol Herralde en 2016. Mais pour ma part, ce n'est pas ce que je recherche dans un roman. Il m'a manqué du contenu, des rebondissements. Je n'y ai pas trouvé l'humour annoncé, pas plus que la vivacité.

L'histoire en elle-même, si elle est surprenante et irréaliste, évolue guère au fil des pages. Pour ma part, j'ai surtout été portée par le récit de Valentina qui est d'un style plus classique. Au fur et à mesure des pages, il prend plus de place et permet donc de mieux s'inscrire dans l'histoire et de se prendre au jeu du suspens. Car le roman est aussi un polar, au cœur d'une Barcelone réunissant touristes, vagabonds, jeunes étudiants venus du monde entier poursuivre leurs études... et les habitants de cette ville cosmopolite. C'est dans le journal de Valentina que cet aspect est le plus présent. Mais de là à parler de "roman noir"..., cela me paraît un peu exagéré.

En conclusion, je suis quelque peu restée sur ma faim et je le regrette car la quatrième de couverture m'avait intriguée (et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai commencé par ce titre). Une première lecture de cette rentrée littéraire 2018 en demi-teinte. Espérons que les prochaines soient plus enthousiasmantes !



 

Lecture 1 de la RL2018



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