Présentation de l'éditeur :
Ma lecture :
Vers quelle forêt secrète se dirige la photographe partie à la
recherche d'un certain Boychuck, témoin et brûlé des Grands Feux qui ont
ravagé le nord de l'Ontario au début du XXe siècle? On ne
le saura pas. Boychuck, Tom et Charlie, dorénavant vieux, ont choisi
de se retirer du monde. Ils vivent relativement heureux et ont même
préparé leur mort. De fait, Boychuck n'est plus de ce
monde au moment où s'amène la photographe. Tom et Charlie ignorent
que la venue de la photographe boulversera leur vie. Les deux survivants
feront la rencontre d'un personnage aérien,
Marie-Desneige. Elle a 82 ans, tous ses esprits, même si elle est
internée depuis soixante-six ans. Elle arrivera sur les lieux comme une
brise espérée alors que la photographe découvrira que
Boychuck était un peintre et que son œuvre était tout entière marquée
par le Grand Feu de Matheson. C'est dans ce décor que s'élabore Il
pleuvait des oiseaux. Nous voici en plein cœur d'un drame
historique, mais aussi pris par l'histoire d'hommes qui ont choisi
la forêt. Trois êtres épris de liberté et qui ont fait un pacte avec la
mort. Un superbe récit à la mesure du grand talent de
Jocelyne Saucier.
Peu de coups de cœur dans ce blog, mais cela arrive quand même
parfois. Il y a beaucoup de livres que j'apprécie, d'autres que j'aime
vraiment beaucoup. Et parmi toutes ces lectures, se glissent
parfois quelques perles. Ce livre en est une. Il m'a été envoyé par Argali à l'occasion du swap "Fais-moi plaisiiir !". Quelle belle idée.
En sortant l'ouvrage de son emballage, j'ai immédiatement été
séduite par la qualité de l'édition : j'aime beaucoup ce type de livres,
la qualité du papier. Néanmoins, la photo sur la couverture
me laissait dubitative. Difficile à interpréter. Difficile de savoir
ce qui m'attendait. Le titre ensuite... Pas beaucoup plus explicite.
C'est le résumé en quatrième de couverture qui m'a
conquise. Les choses ne me sont pas parues beaucoup plus claires,
mais le mystère qui semblait entourer cette histoire m'a enthousiasmée.
Le Canada d'abord, un pays que je ne
connais pas mais qui me laisse rêveuse. Des épisodes de grands
incendies. Des personnages, vieillissants. Une photographe qui vient
rencontrer un certain Boychuck, déjà
mort à son arrivée. Une vieille femme au nom magique, internée
depuis 66 ans... Je me demandais bien de quoi pouvait parler ce livre.
Pour faire simple, ce livre parle d'amour, de vie et de liberté ! Et nous donne une belle leçon, de vie justement.
Ce n'est pas un livre particulièrement joyeux, plutôt un livre
mélancolique. Mais quelle réussite. Quelle beauté de l'écriture ! Car
c'est la première chose à souligner : la qualité du
texte. Madame Saucier aime la langue et les mots, et ça se
voit. La lire est un vrai délice. Elle prend le temps et c'est également
appréciable. Elle prend le temps de nous faire
découvrir cette forêt, mais jamais nous ne trouvons le temps long.
"L'endroit était ravissant. La colline qui descendait en pente douce jusqu'au lac est couverte d'un vert puissant, une forêt de conifères qui absorbait la lumière de cette belle matinée de soleil et la répandait comme un long fleuve tranquille. C'était d'un calme majestueux. L'îlot de bicoques, logé dans une large éclairice de forêt au pied de la colline, était touchant de fragilité. Petit poste d'observation adossé aux remparts de la forêt, il avait l'immensité du lac qui s'offrait à lui. J'imaginais les matins de Boychuck à contempler tout cela." (Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier - WYZ éditeur - page 31)
La construction du texte également est très agréable. Chaque
chapitre est précédé d'une rapide présentation de ce qui va suivre. Une
mise en situation. Ce n'est pas une redite, ni une
introduction, mais un effet de style savoureux.
La langue utilisée est légère, même lorsque le sujet est grave. Car
c'est de très vieilles personnes dont Jocelyne Saucier nous parle.
Chacune d'entre elles vit ses derniers moments. Derniers
jours ou dernières années. Et pourtant le ton n'est pas lourd.
L'histoire est pleine d'espoir, de sérénité, de douceur... et d'amour. Le texte poétique, subtil. L'évocation de
la nature est puissante, enchanteresse, presque magique.
L'histoire est souvent douloureuse. Ces Grands Feux
dont Jocelyne Saucier nous parle sont les grands incendies du début du
siècle qui ont eu lieu en Ontario, centre-est du
Canada. J'ai découvert cette tragédie avec ce roman. Là encore, la
plume de Jocelyne Saucier fait des merveilles. Elle nous fait partager
l'horreur qu'ont connu les populations, sans pour autant
tomber dans le pathos. Sans chercher à nous faire pleurer.
"Quatre hommes attendaient la venue des anges dans un étang. De l'eau jusqu'aux aisselles, de longues traînées boueuses sur le visage et de grands yeux hébétés, ils se croyaient les derniers humains de la terre. Avec eux dans la lumière dorée, un orignal qui avait trouvé refuge dans l'étang et, perché sur l'épaule du plus jeune d'entre eux, celui qui a raconté, un oiseau qui pépiait à s'égosiller.Ils ont vu passer le jeune Boychuck." (Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier - WYZ éditeur - page 73)
Ce livre soulève plein de questions auxquelles il ne répond pas
toujours. Cela laisse entre ce texte et son lecteur comme un fil qui les
relie longtemps après la dernière page tournée. Je suis
passée à d'autres lectures depuis, mais je reviens souvent à ce
livre. Cette lecture est très certainement de celles qui m'auront
marquée.
Merci à Argali de m'avoir fait découvrir
cette auteure.
Quelques extraits :
"Tous
les matins, ils ont cette conversation, à quelques variantes près, qui
ne les mène nulle part. Ce sont leurs derniers
moments de solitude à eux deux, car très bientôt la communauté du
lac s'adjoindra la minuscule petite vieille aux yeux de braise et la
femme baraquée qui a pris prétexte de la légende Boychuck
pour leur rendre visite." (Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier - WYZ éditeur - page 65)
"La
vieille dame avec ses cheveux mousseux et ses mains comme de la
dentelle avait la fragilité d'un oisillon. Il avait
l'impression qu'il lui suffirait de souffler dessus pour que
l'oisillon tombe de son siège. Cette pensée le gêna. Plutôt que lui
souffler dessus, il avait envie de la prendre au creux de sa main
et de ramener l'oisillon à son nid. Une pensée qui l'intimida encore
davantage." (Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier - WYZ éditeur - page 87)
"La peur du loup est ancienne. Ce sont les puissances de la forêt qui s'éveillent dans la nuit et votre petitesse d'humain qui
se recroqueville en un poing serré au fond de l'estomac." (Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier - WYZ éditeur - page 150)
J'en reste là parce que la totalité des 179 pages de ce livres sont à relever.
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Une lecture que j'inscris au défi La plume au
féminin proposé par Opaline.
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