29 avril 2019

La fille à histoires - Irène Frain

Seconde lecture en terres bretonnes pour la prochaine rencontre du Comité des lecteurs de la bibliothèque de Vertou (44) qui nous invite à découvrir des auteurs bretons. Après un récit de mer et de bandits avec Rade amère de Ronan Gouézec, j'ai découvert ici une partie de l'enfance de l'auteure Irène Frain. Dans ce récit autobiographique, l'auteure revient sur sa petite enfance au sortir de la seconde guerre mondiale et principalement sur sa relation à sa mère.
Marquée par le peu d'intérêt que sa mère semblait accorder à sa petite troisième, qui reste la cadette de la famille pendant plusieurs années, la petite Irène se construira son propre univers, nourri des histoires que sa mère se plaît à imaginer pour ses aînées et ses voisines, et de l'Histoire de son pays natal, la Bretagne et plus particulièrement Lorient qui tire son nom du "Soleil de l'Orient", premier navire construit dans les chantiers de la Compagnie des Indes en 1669.
Une histoire de famille ordinaire, avec ses secrets et failles, qui fut à l'origine du destin d'écrivain d'Irène Frain.




Présentation de l'éditeur :

Comment en suis-je venue à écrire ? Je revois ma mère. Je l'entends. Elle avait un don inouï pour les histoires. Courtes ou longues, vraies ou fausses.
C'était sa façon de conjurer la souffrance, la vie difficile. Elle m'a ainsi ouvert ces portes invisibles qui transfigurent le monde et font jaillir l'espoir.
Dès ma naissance, pourtant, elle m'avait rejetée. Les circonstances. Et un secret qui faillit me détruire.
Pour m'en sortir, je suis devenue sa plus fervente écouteuse. Si bien qu'un jour, dans ses histoires, j'ai voulu « mettre mon grain de sel », comme elle disait. Elle a refusé. M'a interdite d'histoires.
Je me suis rebellée. Je me suis inventé des mères de papier, des mondes rien qu'à moi.

Voici le récit de cette guerre qui m'a sauvée. Un combat pour gagner son amour.


Ma lecture :

Dans ce récit autobiographique, Irène Frain remonte à la source de son goût pour les histoires et l'écriture. Son destin semble se nouer dans sa petite enfance et dans la distance que lui impose sa mère. Tout au long du récit, je me suis interrogée sur ce qui relevait du factuel, tel l'existence de cette autre Irène, et ce qui était né du ressenti de la petite fille. Dans cette colonne, on peut lister l'absence d'attention et de chaleur de la part de sa mère, l'absence de tendresse et de contacts physiques bienveillants et aimants, son manque d'intérêt pour cette enfant qui ne devait pas vivre et qui se trouve prendre tant de place. Néanmoins, en tant que lectrice, à distance de cette famille que je ne connais pas, je me suis souvent demandée dans quelle mesure ces ressentis ne relevaient pas "simplement" des frustrations que connaissent beaucoup d'enfants.

Quelle qu'en soit cependant la réalité, on perçoit une authentique souffrance chez cette petite fille qui n'a pas reçu la tendresse qu'elle attendait de cette mère trop distante. Et on comprend au plus profond de nous combien cette solitude a fait d'elle cette écrivain prolifique, si prompte à se créer des ailleurs lui apportant un peu de chaleur. On entend également avec force les mots blessants lancés sans soucis des troubles qu'ils engendrent chez l'enfant. Et on se dit, finalement, qu'avec une telle sensibilité et un environnement si sévère, la petite Irène a trouvé la voie lui permettant de se faire entendre et de s'épanouir. Et que ce n'était pas gagné.

J'ai aimé cette évocation des émotions et de cette sensibilité dans le récit d'Irène Frain. Même si je me suis souvent dit qu'il était beaucoup question d'interprétation, et de ressentis. Et le lecteur ne peut que regretter ce manque de communication au sein de cette famille. Tous ces non-dits entre la petite Irène, puis la Irène adulte, et ses parents ont très certainement contribués à l'éloigner de sa famille. On retrouve là, enfin, cette âpreté culturelle des relations au sein de beaucoup de familles, ici bretonne, rurale et marquée par les secrets ou le silence que l'on s'impose sur tant de sujets.

Je n'ai pas été enthousiasmée par le style de l'auteur et suis restée un peu circonspecte par le fait qu'elle témoigne plus de ses sentiments que d'éléments factuels. Néanmoins, Irène Frain a éveillé ma curiosité et j'irai peut-être lire d'autres de ses récits autobiographiques. Je pense que l'exercice n'était pas aisé : faire passer de tels sentiments à son lecteur sans passer pour autant pour une pleurnicheuse et une rancunière n'était pas évident. Il me semble qu'Irène Frain a relevé le défi… sur le fil du rasoir !


A cette époque-là, "ailleurs", c'est un mot que je n'aime pas. Il me terrorise. Dès que je me dispute avec la Sœur Modèle, ma mère me le crie aux oreilles : " Tu verras comment les gens te dresseront quand tu iras ailleurs ! "[...] heureusement, il y a le Quelque Part. Lui, c'est l'ailleurs sans la peur.

Ne pas être aimé de sa mère ou de son père est tristement banal, le monde est peuplé de fils et filles qui ne s'en consolent pas. Mon histoire avec ma mère - l'origine de mes histoires - est un peu plus singulière. Elle aurait bien voulu m'aimer. Elle n'a pas pu.


Il y a eu beaucoup trop de silences dans notre histoire. Pourtant c'est une histoire dans tous les sens du terme. Une histoire ainsi qu'on l'entend maintenant, une histoire d'amour.


La fille à histoires - Irène Frain - Editions Seuil - 21 septembre 2017 - 272 pages.


    



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