"Je
m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7
rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis
veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et,
à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth.
Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on
se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que
je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants. Je m'appelle
Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un
appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la
destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie
de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais? Il
se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement
intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin
de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me
suiciderai. "
Ma lecture :
Ce livre, qui faisait alors fureur dans les librairies, m'a été
offert. J'avais donc eu du mal à l'époque à en délaisser la lecture.
J'avais insisté, un peu, mais finalement déclaré forfait dès
la 30 ou 40ème page. Ce qui m'a rebuté, c'est ce style littéraire tellement snob, tellement pompeux
!!! Des phrases qui n'en finissent pas. Une succession de mots parfois
inutilement compliqués. Devoir relire plusieurs fois la même phrase
pour se souvenir du début lorsqu'on en arrive à la fin et pour en
comprendre tout le sens, quelle fatigue !!! Ce livre semble
pour l'auteur, le moyen de mettre en avant sa culture. Quand on dit
que "moins on en a (de la culture), plus on l'étale" ... Je ne suis pas
sûre que cela s'applique à Mme Barbery, mais très
sincèrement, les descriptions sur le mouvement dans un match de
rugby, sur la conception de la phénoménologie de Kant puis celle de
Husserl, sur l'utilité de l'Art, sur la congruence des artistes
... Moi, je veux bien, mais l'accumulation devient vite indigeste.
Bon, néanmoins, dans le cadre de la lecture commune avec George et
pour le challenge Petit Bac, je me suis dit que j'allais me le coltiner à
nouveau. Et j'ai bien fait.
Passé les premiers chapitres, et une fois arrivé aux descriptions de
Neptune, le chien des Badoise (à la 67ème page quand même), on commence
à entrer dans l'histoire.On
finit par être touchés par
cette concierge peu ordinaire ainsi que par Paloma, petite fille
riche qui se pose beaucoup de questions. On retrouve tout au long des
chapitres, qui alternent les journaux intimes de nos deux
héroïnes, les passages fastidieux qui m'avait fait abandonner une première fois. Sauf que l'on trouve également de beaux moments, des descriptions où
l'humour n'est pas absent. Les personnages sont un peu caricaturaux, mais l'auteur parvient à nous les rendre attachants.On découvre une jolie histoire avec des
personnages sensibles ou grotesques, c'est selon. La fin également : pour moi, elle ne pouvait être autre.
Si l'on s'en tenait cependant à l'histoire en elle-même, faisant
l'économie des digressions philosophiques, où l'auteure doit s'en donner
à cœur joie mais où la lectrice que je suis se lasse, on
pourrait diminuer le livre de moitié. A peine peut-être, car
certaines permettent quand même de créer une atmosphère. Enfin, je suis
contente d'avoir découvert un peintre néerlandais du XVIIème
siècle : Pieter Claesz.
Pieter Claesz, Nature morte avec huître.
Extraits :
"Quelle autre
raison pourrai-je avoir d'écrire ceci, ce dérisoire journal d'une
concierge vieillissante, si l'écriture ne tenait pas elle-même
de l'art du fauchage ? Lorsque les lignes deviennent leurs propres
démiurges, lorsque j'assiste, tel un miraculeux insu, à la naissance sur
le papier de phrases qui échappent à ma volonté et,
s'inscrivant malgré moi sur ma feuille, m'apprennent ce que je ne
savais ni ne croyais vouloir, je jouis de cet accouchement sans douleur,
de cette évidence non concertée, de suivre sans labeur
ni certitude, avec le bonheur des étonnements sincères, une plume
qui me guide et me porte. Alors, j'accède, dans la pleine évidence et
texture de moi-même, à un oubli de moi qui confine à
l'extase, je goûte la bienheureuse quiétude d'une conscience
spectatrice." (L'élégance du hérisson - Muriel Barbery ; Ed. Gallimard - 2006 ; p.131).
"En dépit de la
diversité des sujets, des supports et des techniques, en dépit de
l'insignifiance et de l'éphémère d'existences toujours
vouées à n'être que d'un seul temps et d'une seule culture, en dépit
encore de l'unicité de tout regard, qui ne voit jamais que ce que sa
constitution lui permet et souffre de la pauvreté de son
individualité, le génie des grands peintres a percé jusqu'au cœur
du mystère et a exhumé, sous diverses apparences, la même forme sublime
que nous cherchons en toute production
artistique." (L'élégance du hérisson - Muriel Barbery ; Ed. Gallimard - 2006 ; p.216-217).
"Mesdames.
Mesdames, qui êtes un soir conviées à dîner par un riche et sympathique
monsieur dans un restaurant luxueux, agissez en toute chose
avec la même élégance. Vous surprend-on, vous agace-t-on, vous
déconcerte-t-on, qu'il vous faut conserver le même raffinement dans
l'impassibilité et, aux paroles surprenantes, réagir avec la
distinction qui sied à te telles circonstances. Au lieu de ça, et
parce que je suis une rustre qui engloutit ses sashimis comme elle le
ferait de patates, je hoquette spasmodiquement et, sentant
avec épouvante la miette d'éternité se coincer dans ma gorge, tend
avec une distinction de gorille de la recracher céans." (L'élégance du hérisson - Muriel Barbery ; Ed. Gallimard - 2006 ;
p.337).
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