05 septembre 2021

Tant que je serai noire - Maya Angelou

    

Figure emblématique de l’histoire des États-Unis, Maya Angelou s’est engagée corps et âme dans le XXe siècle américain. Tant que je serai noire débute en 1957 lorsque, décidée à devenir écrivain, elle part avec son fils, Guy, pour rejoindre Harlem, épicentre de l’activité intellectuelle des Noirs américains. Elle participe aux bouleversements de l’époque et rencontre des artistes comme Billie Holiday et James Baldwin, et les leaders du mouvement des droits civiques, Malcolm X et Martin Luther King. Enfin, conquise par Vusumzi Make, qui se bat pour la liberté des Noirs d’Afrique du Sud, elle part vivre en Afrique, théâtre des luttes anticolonialistes, où elle devient journaliste. Ce récit autobiographique dessine le portrait d’une femme exceptionnelle qui a intégré, jusqu’au cœur de sa vie intime, une véritable révolution mondiale, culturelle et politique.

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Après ma découverte de l'auteur par son récit autobiographique Rassemblez-vous en mon nom, j'ai voulu poursuivre la route avec Maya Angelou. Dans le livre précédent, on suivait les premiers pas de l'auteur dans sa vie d'adulte, avec son bébé, Guy. Je l'ai retrouvée quelques années plus tard, à New York, dans le quartier de Harlem, où elle s'engage dans le milieu artistique et culturel new yorkais. On la suit de la Californie à Chicago, puis à New York, qu'elle rejoint pour l'effervescence intellectuelle, pour écrire et prendre une place au cœur des évènements et du mouvement des droits civiques.

J'ai retrouvé dans ce récit la femme que j'avais découverte au début des années 1950 : une femme dynamique et débrouillarde, qui veut vivre les évènements de l'époque, être au cœur des discussions et des combats. Comme quelques années auparavant, j'ai trouvé qu'elle bénéficiait d'une chance insolente, lui permettant de se trouver toujours au bon endroit, dans les bons réseaux, avec les bonnes personnes. Depuis que j'ai découvert cette femme, je me demande toujours comment elle a pu ainsi se trouver sur le devant de la scène. Elle n'est pas issue d'une famille aisée, elle n'a pas de relations familiales... elle est femme et noire... et pourtant, elle finit toujours par côtoyer les personnes qui comptent à son époque, celles qui font bouger le monde. Il en sera ainsi avec Martin Luther King. Pour soutenir sa cause, elle réunit des artistes et compose un spectacle, Le cabaret de la liberté. Son énergie et ses compétences d'organisatrice lui permettent d'accéder à la direction de la section new-yorkaise de la Conférence du leadership chrétien du Sud (SCLC), mouvement fondé par Martin Luther King.

Au gré de ses rencontres, des déjeuners et soirées politiques, elle rencontre le militant sud-africain Vusumzi Make, dit « Vus », compagnon de lutte de Nelson Mandela. La défense de la cause des noirs en Amérique rencontre à l'époque les souhaits d'indépendance de l'Afrique. Maya Angelou et Vusumzi Make s'installent ensemble. Ce sera désormais Maya Make. De cette époque, et de celle qui suivra quand elle rejoindra son époux en Afrique, Maya Angelou nous parle des combats pour la cause des Noirs, qu'ils soient américains ou africains. Mais comme dans son premier livre, je trouve que finalement le sujet est surtout la place des femmes dans une société dominée par les hommes. Je trouve qu'elle nous montre à merveille l'injustice criante de ces femmes qui ne sont rien d'autre que les épouses de leur mari, chargées d'entretenir la maison, de faire de belles réceptions et de donner une bonne image en société. Comme dans Rassemblez-vous en mon nom, elle ne donne jamais l'impression que ce soit le sujet de son livre. Et pourtant, c'est omniprésent même si elle nous parle surtout de la place des Noirs dans les sociétés de l'époque. Elle le présente un peu en toile de fond, or, pour moi, c'est central dans son histoire et son parcours. Je la vois plus Femme, avec ce que cela induit, que Noire. Mais sans doute est-ce une question d'époque...

L'angle de vue change un peu en toute fin de récit, quand Maya Angelou quitte son époux alors qu'ils résident au Caire et part au Ghana avec l'espoir d'offrir les meilleures universités africaines à son fils Guy. C'est pourquoi je compte bien continuer à découvrir le parcours de cette figure incontournable de l'Amérique du XXème siècle. Je n'ai toujours pas perçu pourquoi elle avait une telle notoriété dans son pays, mais je sens qu'avec ce passage en Afrique et, surtout, son nouveau départ au Ghana, je vais pouvoir comprendre comment elle a pu devenir, pour Michelle Obama ou Oprah Winfrey, une référence et, pour l'Amérique, une figure nationale.

J'ai trouvé quelques longueurs dans ce récit, quand qu'il fait référence à des artistes, personnages politiques ou à des évènements que je ne connais pas. Sans doute devrais-je lire James Baldwin... Mais malgré tout, j'ai beaucoup aimé le ton simple et sincère qu'elle emploie pour raconter son histoire. J'ai hâte de découvrir les nouvelles étapes du parcours de Maya Angelou, de son combat de femme, de mère, Noire américaine.

Au terme d'une journée bien remplie d'actes exaltants, je rentrais chez moi. Après le coucher du soleil et avant Brooklyn, la glorieuse magie s'évanouissait. En descendant du métro à la station Park, je n'avais plus rien d'une jeune cadre brillante vouée à la justice, en particulier pour Cuba, ni d'une membre à part entière de la Ligue des écrivains de Harlem. J'étais une célibataire qui avait un loyer à payer et un fils de quinze ans persuadé qu'il n'y avait rien de plus terrible au monde qu'une morne soirée passée en compagnie de sa maman. En secret, je lui donnais raison.

Tant que je serai noire - Maya Angelou
Editions Les allusifs, août 2008, 364 pages





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