14 avril 2018

Rêves oubliés - Léonor de Récondo

Voici ma première lecture pour le prochain Comité de lecteurs sur le thème de l'exil. Et quel choix ! Prévoyez 2 heures d'immersion dans cette lecture qui vous transportera au cœur d'une famille espagnole chassée par la dictature en 1936 et exilée au pays basque en pleine seconde guerre mondiale. C'est Ama qui nous raconte l'histoire de cette famille unie et soudée au cœur de la tourmente européenne. Elle partage avec son lecteur la douleur de l'exil, l'espoir d'un retour, puis la désillusion, l'absence... et l'amour qui donne à cette famille la force de continuer. Un magnifique texte.

Rêves oubliés de Léonor de Récondo.
Éditions Sabine Wespieser, Janvier 2012, 176 pages.


Présentation de l'éditeur :

À l’ombre des pins, ils ont oublié le bruit de la guerre et la douleur de l’exil. Dans cette ferme au cœur des Landes, Aïta, Ama et leurs trois enfants ont reconstruit le bonheur. Dans son journal, Ama raconte leur quotidien, l’amour, la nécessité de s’émerveiller des choses simples et de vivre au présent. Même dans la fuite, même dans la peur, une devise : être ensemble, c’est tout ce qui compte.


Ma lecture :

Cela fait un moment que je ne me suis pas laissée emportée ainsi par une lecture. Le roman est court et va à l'essentiel. Léonor de Récondo sait plonger son lecteur dans son récit, sans détours, et rendre ses personnages attachants. Je l'ai découverte il y a peu avec Point Cardinal que j'avais beaucoup apprécié. Mais ici, je peux dire que c'est un coup de cœur.

En peu de chapitres, on rencontre Aïta, le père, Ama, son épouse, et leurs trois enfants, Otzan, Zantzu et Iduri. Il y a aussi les parents de Ama, dont l'auteur nous parle peu mais qui sont comme une ombre silencieuse au cœur du foyer. Nous rencontrons également les frères d'Ama et ses cousins. Progressivement la famille se retrouve au pays basque, cherchant à survivre et à maintenir le lien qui les unit. Au fil des pages, l'auteur s'attache avec beaucoup de sensibilité à chacun de ses personnages. Ils sont relativement nombreux mais ont tous une identité forte. Comme les trois garçons de la famille, pour lesquels l'auteure définit des caractères singuliers. En peu de mots, peu d'images, Léonor de Récondo nous dresse de chacun un portrait vivant et sensible. Avec des traits choisis, subtils, elle donne vie à ses personnages, plein de douceur et d'humanité et qui nous donne une perception très personnelle de l'histoire.

"Je veux danser, libre, et oublier les mots qui m'enchaînent. Et si j'espère encore retourner là-bas, je veux pouvoir vivre aujourd'hui sans être dans l'attente d'un lendemain meilleur."


C'est avec autant de sensibilité que l'auteur nous parle de l'exil, des cicatrices que l'éloignement et l'abandon peuvent laisser en chacun. Il y a Ama d'abord, qui commence par quitter son pays dans l'espoir d'y revenir bientôt, n'ayant eu d'autre choix que de fuir la terre qui l'a vu naître, pour protéger sa famille. Mais ce qu'elle pensait n'être qu'un exil de quelques semaines se révèle ne jamais devoir prendre fin. Et on la voit changer, en douceur, passant de la nécessité immédiate de protéger les siens à la crainte de ne pouvoir rentrer chez elle. On voit naître chez elle une impression d'isolement, dans ce pays qu'elle ne connaît pas, même s'il est proche de l'Espagne. Puis, finalement, après plusieurs années, apparaît la sensation d'avoir trouvé une vraie place sur cette terre d'accueil. Aïta, lui, est plus pragmatique, cherchant à se rendre utile sur place, allant se faire embaucher dans une usine de la région. Les enfants, très différents les uns des autres, sont naturellement ceux qui s'adapteront le mieux, grâce à la maîtrise du français notamment.

La question de la langue me fait penser au récit de Maryam Madjidi, Marx et la poupée. L'acquisition de la langue du pays d'accueil est à la fois le moyen de l'intégration, mais aussi sujet de rupture entre les parents et leurs enfants, les premiers cherchant à rester fidèles à leur origine, leur histoire et leur famille, les seconds emportés par le quotidien qui est désormais le leur. Dans ces deux récits l'exil est vécu comme une déchirure. Chez Léonor de Récondo, l'unité de la famille, leur amour et leur complicité, est ce qui leur permet de surmonter les épreuves.

"J'abandonne une partie de moi-même là-bas, au pied des orangers, j'y laisse mes rêves et je prie pour que nous restions unis, en vie. Toujours libres."

La langue de Léonor de Récondo contribue également à faire de ce récit quelque chose de précieux. Les mots sont précis et poétiques, plein de douceur et de tendresse. Les personnages sont lumineux, malgré ce que vit le pays en ces temps de guerre. L'histoire est pleine d'espoir et de chaleur humaine. Un bijou.

Les avis sont nombreux sur ce texte, et tous enthousiastes sur sa qualité. A titre d'exemple, je vous invite à aller voir du côté de chez Miss Bouquinaix, Jostein, Aifelle ou encore chez Mimi Pinson... entre autres.







1 commentaire:

  1. Je connais l'auteur; j'ai lu un de ses romans, mais celui-ci m'est inconnu. Apparemment, il vaut le détour !
    Merci pour cette nouvelle participation à mon challenge et RDV demain pour la nouvelle contrainte.
    Bonne soirée.

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