06 octobre 2016

La force du sexe faible - Contre-histoire de la révolution française - Michel Onfray

Quand j'ai découvert par hasard ce titre sur la table d'une librairie, je n'ai pas hésité. Un peu pour l'auteur, que j'ai découvert grâce à la diffusion sur France Culture de ses passionnantes conférences de l'université Populaire de Caen dont il est l'initiateur. Beaucoup pour la thématique, qui m'a ramenée quelques 20 ans en arrière (presque...), à l'époque où j'étais encore étudiante. Cet essai part du postulat que l'Histoire de la Révolution française que l'on présente encore dans les livres d'Histoire n'en est qu'une vision masculine et jacobine, écrite par les hommes et transmise par eux, oubliant la moitié des citoyens français, que sont les citoyennes.

La force du sexe faible de Michel Onfray.
Editions autrement, mai 2016. 208 pages



Présentation de l'éditeur :

La vision dominante et institutionnelle de la Révolution française est jacobine, masculine, construite autour de l'icône de Robespierre, chantre de la Terreur. Elle a toujours fait abstraction du rôle et des combats des femmes. Dans cet essai, Michel Onfray propose une nouvelle lecture de cette période clé de l'histoire de France, réhabilitant celles qui ont fait le pari des Lumières contre celui de la violence.
Les portraits d'Olympe de Gouges, de Charlotte Corday ou de Madame de Staël prouvent non seulement que ces femmes ont compté mais aussi qu'elles avaient une cohérence d'action et de pensée. Révolutionnaires, républicaines, girondines, opposant l'intelligence à l'échafaud, ces oubliées de l'histoire incarnent la force du sexe que l'on dit faible.

Ma lecture :

Il y a vingt ans donc, à l'occasion d'un mémoire de troisième cycle, j'avais proposé à mon prof d'histoire du droit de traiter de cette question d'une écriture et d'une diffusion masculine de l'Histoire de la révolution française. J'avais commencé à y travailler, recueillant des textes en appui à ma thèse. Mais là, réponse cinglante dudit prof : "Vous croyez vraiment qu'à notre époque on peut souhaiter perdre du temps à deviser sur les rapports hommes-femmes en supposant qu'ils sont inégaux ?! Vous êtes de celles qui pensent que, aujourd'hui encore, les femmes sont, on dirait aujourd'hui discriminées, par les hommes ?!" Les termes ne sont pas exacts, je les ai quelque peu oubliés depuis le temps, mais l'esprit y est. Avec cette légère condescendance quand il se rappelait que j'arrivais d'une université de province où les thèses de la Domination chères à Bourdieu étaient reines.
Vingt ans après, on voit où nous en sommes...

Quoiqu'il en soit, quand j'ai découvert ce livre, je n'ai pas pu résister, l'accueillant clairement comme une revanche sur ce mépris très parisien et masculin, et probablement étroit d'esprit (na !). Jacobin ?

Madame de Staël (1766-1817)


"Chaque historien de la Révolution tend aux autres une tête coupée qui est l'objet de ses préférences". Cette citation de Valéry, reprise par Mona Ozouf dans son Quarto chez Gallimard, résume parfaitement mon sentiment à la lecture de cette "contre-histoire de la révolution française". J'ai vainement essayé de mobiliser mes souvenirs de cours d'histoire pour positionner le discours virulent de Michel Onfray dans les différents courants qui s'affrontent à la fin du XVIIIème siècle, et jusqu'à ce jour.

Dès l'Introduction, Onfray s'engage sur le chemin de la polémique en accusant certains de ces collègues professeurs, historiens ou philosophes, de défendre l'indéfendable, à savoir Robespierre, instigateur de la Terreur. Le premier à faire les frais de cette charge est le directeur de l'Institut d'histoire de la révolution française (CNRS), Jean-Clément Martin. Les derniers seront le Département de l'Isère et le directeur du Musée de la révolution française de Vizille, dans la conclusion très politique de ce livre.

Si les déclarations politiques de Michel Onfray ne sont, ici, pas pour me déplaire, son attaque "violente" de personnes sensées être, a priori , expertes dans leur domaine m'a gênée. Je n'ai pas de point de vue sur la question dans la mesure où mes connaissances sont très rudimentaires et datent du collège... quand je ne les ai pas oubliées... Mais je n'apprécie jamais qu'on me prenne, en tant que lectrice, à témoin dans un conflit qui n'est pas le mien. Peut-être le point de vue de Michel Onfray est-il juste, mais je l'aurai sûrement mieux apprécié s'il avait été défendu avec moins de "testostérone", selon ses termes, et plus de respect.

Manon Roland (1754-1793)


Pour revenir au fond de cet essai, à savoir les portraits de femmes, j'ai apprécié... même si je suis restée, tout au long du livre, convaincue de la partialité de l'auteur. Il a choisi son camp : au moins on ne peut lui reprocher d'avancer masqué. Mais de ce fait, j'ai toujours eu le sentiment qu'il ne relatait qu'une partie de l'histoire de ces femmes, celle qui soutenait sa thèse. Une thèse d'ailleurs bien amenée puisqu'elle m'a convaincue : une révolution française qui n'a pas été au bout, qui est restée bourgeoise et jamais populaire. Une révolution portée par des Jacobins violents et assassins, adeptes de la guillotine qu'ils ont fait tourner à plein régime. Onfray se place du côté des Girondins, des femmes, soutenant le fédéralisme et le gouvernement direct par le peuple, s'opposant vigoureusement à la peine de mort.

Pour Onfray comme pour Proudhon, sa référence ici, "Nous en sommes encore là : abolir le régime qui génère la misère du peuple ; réaliser une révolution organisatrice ; promouvoir cette fameuse anarchie positive que définit l'ordre sans le pouvoir ; et, pour ce faire, couper la queue de Robespierre qui repousse indéfiniment - comme celle d'un reptile ; nous méfier de l'esprit policier et parleur, des intrigants et des incapables. La gauche ne devrait plus avoir à choisir entre la gauche qui renonce à l'être et la gauche dont la queue dépasse sous le treillis. Les Girondines n'aimaient ni l'une ni l'autre."

Ce livre contient beaucoup de réflexions pertinentes et stimulantes, mais il est dommage que M. Onfray ne les exprime pas avec plus de retenue et moins d'esprit partisan et de ressentiment. Comme il le dit lui-même, "La Révolution française n'est pas terminée." Pour être originaire du sud de la Loire-Atlantique, à la "frontière" avec la Vendée, je sais bien que chaque camp réécrit inlassablement l'Histoire, la travestissant parfois (je ne citerai pas de nom...), que des tensions sont toujours palpables tant les convictions sont fortes. Je regrette que M. Onfray s'amuse encore à jeter de l'huile sur le feu. Lui qui a pourtant démontré tout au long de ce livre qu'il était possible de "croire encore et toujours, malgré tout, à la raison, à l'intelligence, au débat, à la loi, à la discussion."
Mais peut-être est-il préférable d'être une femme pour cela... A moins que ce ne soit toujours, et encore, la testostérone qui fasse avancer le monde.

Théroigne de Méricourt (1762-1817)


Découvrez Michel Onfray avec deux ouvrages qui m'ont marquée : La philosophie féroce : exercices anarchistes et Célébration du génie colérique. C'était avant le blog... mais j'avais adoré.





1 commentaire:

  1. C'est un peu le souci de Onfray qui s'attaque aux personnes plutôt que de "simplement" évoquer et argumenter ses idées et ses opinions. Il gagnerait à éviter le prmeier point, mais c'est vrai que ça ferait moins le "buzz"... Dommage, il est plutôt intéressant à écouter et lire

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